L’unicité sensible d’Emma Beko

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C’est au FME 2021 que j’ai pu découvrir Emma Beko. Avec des collègues du milieu, nous avions décidé de faire un petit arrêt spontané en se rendant à un souper. Une fois sur place, impossible pour nous de quitter avant la fin, Emma nous tenait en haleine. C’était donc inévitable, je devais d’assister à sa prestation du 3 novembre à l’Anti Bar & Spectacles.

C’était d’abord la rappeuse Sensei H qui ouvrait la soirée, annoncée la journée même. L’artiste originaire de Rimouski est maintenant bien établie à Québec. Celle-ci commence d’ailleurs à se tailler une place de choix sur la scène rap de la capitale. Si habituellement Sensei H travaille conjointement avec la musicienne et beatmaker Jeanne Corpataux-Blache, ce soir-là c’était son frère, Benjamin Corpataux-Blache, qui la remplaçait sur la scène. Avec sa prose tranchante, la jeune femme a bien installé l’ambiance pour notre tête d’affiche.

Depuis septembre 2021, Emma a pu pondre non pas un, mais bien deux microalbums. En 2022, les plateformes ont ainsi accueilli « Digital Damage » (8 avril) et « Superficial Stains » (30 septembre). Accompagnée à la console de son fidèle acolyte, Beau Geste, c’était avec fierté que l’artiste venait présenter ce premier spectacle à Québec Cité. Si le public rassemblé était peu nombreux, il était des plus attentifs et fort dynamique.

Il y a quelque chose de particulier avec Emma, une générosité et une bonté consciente qui se dégage de son œuvre. Si ses textes parlent souvent de sujets chargés en émotions, par exemple de problèmes psychologiques, ou qu’ils s’inspirent des difficultés de ceux qui l’entourent, Emma réussit à livrer le tout avec une authenticité déconcertante. Sur scène, il y a une magie dans ses yeux, une joie honnête qui se transmet à l’assistance, qui la transcende. Cette sensibilité si unique à Emma Beko lui permet de se créer une place bien à elle dans le monde du hip hop. Avec elle, pas de game, pas de masque ou de facette, juste du vrai. On devine cette véracité dans ses textes, mais aussi dans ses interventions sur scène. On sent qu’Emma n’intervient pas pour remplir le temps ou par devoir de mise en scène. On sent qu’elle éprouve une réelle envie de connexion avec son public. Elle a d’ailleurs pris le temps de descendre dans la salle pour venir à la rencontre des spectateurs après le spectacle.

Cette ouverture aux autres est admirable et influence sa création. Avant de se lancer dans Promise, la première chanson qu’elle a elle-même produite, Emma a pris le temps de nous parler de sa muse atypique. Elle nous a raconté qu’elle vit dans un quartier privilégié à Montréal, un quartier sécuritaire. En dessous de chez elle, un homme vit dans les abris d’autobus. Lorsque celui-ci se fait expulser d’une station, il passe à la suivante et ainsi de suite. Alors qu’elle nous livrait cette bribe d’histoire, on sentait dans le ton de sa voix l’empathie, mais aussi la reconnaissance de son privilège. C’est aussi ça l’éveil sensible d’Emma.

Le travail de cette artiste merveilleusement singulière me charmait déjà mais je le suis, maintenant, encore davantage. Sa présence sur la scène émergente est un rafraîchissement, surtout dans l’univers hip hop, qui gagne à se renouveler et à accueillir plus de femmes. Du fond du cœur, merci Emma.

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