Lancé ce printemps sous une pluie de critiques élogieuses (dont celle de votre pas très humble serviteur), le cinquième album d’Antoine Corriveau nous a montré un artiste qui ose de plus en plus au fil du temps. Loin des chansons qui nous faisaient planer dans un 747 (genre, lourdes mais aériennes), « Oiseau de nuit » se prêtait plutôt à l’expérimentation sonore, plus près du jazz et du hip-hop que du folk-rock que l’auteur-compositeur-interprète nous proposait il y a déjà plus d’une décennie. La question que tout le monde se posait : comment tout ce joyeux bordel allait donc sonner sur scène, là où les musicien·nes ont beaucoup moins de marge de manoeuvre?
Eh ben on a eu la réponse le 18 octobre dernier lors du passage de Corriveau au STUDIOTELUS du Grand Théâtre de Québec. Devant un parterre garni d’un grand nombre de fans de la première heure (et d’autres, qui sont monté·es dans le train beaucoup plus tard), on a eu droit à une prestation généreuse, livrée à un rythme qu’une vieille Corolla n’aurait pu soutenir. On aurait pu craindre que la sono se perde dans ce grand hall bétonné transformé en salle de spectacles, mais avec Karolane Carbonneau derrière la console de son, jamais le béton n’a autant sonné comme de la grosse brique bien pesante.

Accompagné de Sheenah Ko (claviers), Stéphane Bergeron (batterie), Cédric Martel (basse – en remplacement de Marc-André Landry), Simon Angell (guitare et… saxophone) et Cherry Lena (choeurs), le Montréalais n’a pas perdu de temps, nous balançant Moscow Mule au visage drette en partant. C’est parti, le spoken word de Corriveau se mélange à la perfection à aux instrumentations de ce band toute étoile. Le passage du studio à la scène est fort réussi, on se lance joyeusement dans une séance de headbanging, et tout à coup, on voit l’artiste brandir la cloche à vache et une baguette lumineuse qui va ajouter une petite touche de folie à la plutôt sage Imprudences.
Petite parenthèse : je sais que le STUDIOTELUS n’est pas la salle idéale pour les éclairages, mais après avoir vu les images du show de Montréal quelques jours plus tard, j’aurais tellement aimé qu’on s’amuse un peu plus de ce côté!
Le combo Parc Avenue/Albany était un des moments forts de ce spectacle, avec Simon Angell qui a troqué sa guitare pour un SAXOPHONE? Voyons, je savais que Simon avait tous les talents, mais je ne savais pas qu’il y avait autant de jazz dans les poumons! Pendant ce temps, Stéphane Bergeron drummait comme s’ils étaient cinq batteurs, comme sur quelques pièces de « Pissenlit », mais tout seul. Il est toujours incroyable, ce bougre.

Certaines chansons plus vieilles (des « souvenirs », comme le dit Corriveau en faisant un clin d’oeil à tous ces artistes qui parlent de « succès souvenir ») ont d’ailleurs subi une cure de rajeunissement. Comme cette version de Tu es comme la nuit, qui aurait pu figurer sur un des deux derniers albums, et on s’en serait pas rendu compte tellement elle a été remise au goût du jour! Alors que d’autres, notamment celles de « Pissenlit », étaient déjà ben correctes de même.
De retour avec les p’tites nouvelles comme Argentine et Suzo, mais aussi Interruptions, qui a permis à Cherry Lena de briller à son tour. Tout au long du show, elle n’était pas là qu’en simple choriste, c’était aussi celle qui donnait la réplique à Antoine. Comme le dit Philippe Renaud dans Le Devoir, c’est un deuxième personnage dans l’univers de Corriveau, avec ses propres couleurs, sa propre énergie. Et même si elle est toute sage à ses côtés, Lena dégage une présence qui vient équilibrer celle de Simon Angell qui se fait tout le temps remarquer par son excellent jeu.
Pendant ce temps-là, en arrière-plan, Cédric et Sheenah assurent, chacun de leur côté, l’un ajoutant du gros groove, l’autre mettant un peu de magie à l’aide de ses claviers.
Tout au long du spectacle, je n’avais qu’une phrase en tête : « Plus Antoine vieillit, plus il fait des conneries, plus je l’aime. » Ça résume bien cette soirée un brin déjantée, mais magistrale sur le plan musical. On est même passé à un cheveu d’avoir une belle séance de pogo-contact pendant la décoiffante Balcon, qui clôturait le programme principal. Si on m’avait dit ça à l’époque où on s’assoyait à terre sur le plancher de L’Anti pour écouter son show il y a quelques années, j’aurais ri en maudit.
Un gros show qui s’est terminé par un beau rappel tout en douceur, accompagné uniquement de Simon Angell.
Mais la prochaine fois, MOSHPIT. Antoine est rendu là.
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