Les Louanges présente Crash : « de la musique du futur »

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Les Louanges est de retour avec « Crash », un album généreux de 15 titres incluant prologue et interludes, comme on nous y avait habitué avec « La nuit est une panthère » (2018). Par contre, cette fois, la proposition de l’auteur-compositeur-interprète de 26 ans présente une pop à la fois plus accessible et plus audacieuse. On vous parle généreusement de sa nouvelle galette en compagnie de son quatrième et plus important Félix, Félix Petit (co-réalisateur, saxophoniste, complice depuis le jour #1, souffleur occasionnel et psychologue officieux des Louanges).

Musique: une recette gagnante, mais aussi spikée 

« On voulait faire une version de Les Louanges sur les stéroïdes, surtout. Du genre plus tout :  plus fort, plus de basses, plus d’aiguës, plus de voix, plus de surprises! », explique d’emblée Félix Petit. Et si l’on reconnaît bien le groupe autant dans le prologue que sur les extraits qui sont parus avant « Crash », on comprend ce qu’ils veulent dire dès la première écoute de pièces comme Boléro ou encore Cruze, deux titres particulièrement intenses de l’album. Le résultat est plutôt psychédélique, mais pas dans le sens 1977: « C’est plus Ativan que LSD je dirais! », commente Félix. 

Ainsi, tout en conservant la « formule gagnante » du groupe – une bonne pop RnB enveloppée de jazz, le tout teinté d’une touche expérimentale – on tombe tantôt dans l’univers de la musique latine (Pigeons, Boléro), tantôt dans une électro atmosphérique et vaporeuse (Mono) en passant par des influence 2000s et des pistes qui versent dans le rap franco ou le hip-hop (Facile, Crash). 

Est-ce que la vie de tournée, toutes les villes et tous les styles visités, auraient coloré la musique de Vincent Roberge? Oui et non, nuance Félix Petit. D’un côté il y a de vieilles influences qui sont plus assumées, et d’un autre les nouvelles expériences et les nombreuses découvertes musicales de l’artiste qui illuminent ses compositions, comme ce voyage à Cuba réalisé juste après La nuit est une panthère : « Je pense que ça lui est rentré dans l’oreille, carrément, l’ambiance là-bas. » 

On sent aussi dans plusieurs titres la volonté du chanteur de mieux se faire comprendre de nos cousins français : « Des mini choix de mots qui font que tout le monde peut comprendre, quoi, commente Félix. Mais pour lui, c’était important de ne pas tout dénaturer ». C’est somme toute assez réussi, même si cette avenue – qui donne un rendu plus lissé – peut être un peu déstabilisante aux premières écoutes.

Un autre élément qui marque l’univers sonore de l’album, et qui commence déjà à poindre sur son EP « Expansion Pack » (2019), ce sont les expérimentations que Vincent commencera à faire sur différents synthétiseurs (beaucoup de Prophet 6, un bon vieux Mellotron, un Dx7 avec une touche de Polysix et de Sérum, pour les initiés). « Je pense qu’il a développé son oreille », explique Félix lorsqu’on lui demande d’où vient la variété des sons de synth ajoutés par Vincent dans presque toutes les pièces du nouveau disque. Ainsi, malgré l’aspect leur accessibilité, plusieurs chansons se donnent aussi des airs de science-fiction rétro, comme Chaperon qui aurait pu jouer dans la trame sonore de Blade Runner.

« On voulait que ce soit de la musique du futur, quitte à faire une mauvaise prédiction…un peu comme retour vers le futur! », ajoute Félix Petit en riant. 

Un univers cru et authentique où se côtoient chaud et froid

« De ce que je comprenais des textes, il se livrait vraiment, tu vois. Il y avait moins d’images que dans le premier », explique le réalisateur au sujet des paroles qu’on peut entendre sur « Crash ». Sur une majorité des chansons, les paroles sont composées de phrases courtes, percutantes, répétées, authentiques… ce qui n’empêche pas Vincent Roberge de nous surprendre parfois au détour avec un verse rempli de génie. 

Amer, amer reste le goût de l’eau mise dans ton vin

Encore, Les Louanges

Ces phrases répétées, qui semblent tourner à l’obsession, reflètent bien l’humeur générale de l’album qui relate plusieurs impacts émotionnels vécus par l’auteur, qu’ils soient orientés autour des aléas du succès ou de sa vie amoureuse. C’est un album relativement sombre, qui parle de dérapages, qui est imbibé du sentiment de perte de contrôle. 

Pourtant, c’est aussi un disque rempli de chaleur, en témoigne notamment la sensuelle et soul Chérie. Comme si la musique était la clé pour exorciser tous ces malheurs qu’elle raconte. Comme si devant le mur, au lieu de se crisper, on laissait aller et on acceptait le crash. 

Et si demain j’ai encore la gueule à terre
T’inquiètes, le ciel va finir par se dégager
L’orage va bien finir par passer

Crash, Les Louanges

Une réalisation artistique, «nouvelle génération»

Véritable travail de symbiose de Vincent Roberge et Félix Petit, la réalisation du disque, qui a été tout sauf linéaire, mérite qu’on s’y penche. Le produit final contient en fait des fragments de plusieurs sessions d’enregistrement ( où Vincent a travaillé avec ses musiciens habituels –  nommément William Côté [batterie], Gabriel Godbout-Castonguay [claviers] et Pierre-David Girard [basse]), ainsi que quelques invité.e.s.), un peu de field recording, différents loops de synthés, une pincée de traitement sonore, le tout fignolé et refignolé par le duo en une oeuvre à l’esthétique hi-fi. Ce processus, qui rappelle un peu celui adopté par Hubert Lenoir pour « Pictura de Ipse » (2021), a quelque chose de beaucoup plus architectural et artistique que les productions plus traditionnelles. 

« Oui ils ont un truc en commun », commente celui qui a d’ailleurs co-réalisé Secrets et Golden Days avec Lenoir. « Ils sont dans la recherche. Je pense que c’est aussi un truc de génération : ils lisent beaucoup sur la production. Ils savent que maintenant, c’est ça. Ils ont grandi avec des idoles artistes, mais aussi avec des idoles [qui sont] producteurs, ou encore compositeurs. »

L’album se termine pourtant sur une chanson d’une simplicité épurée, à la fois mélancolique et lumineuse, qui contraste avec le reste de la réalisation. « Celle-là, on l’a enregistrée au studio. Ça, c’est l’inverse [du reste du processus]. Personne ne connaissait la chanson (sauf moi, je l’avais entendue rapido en mémo vocal). On a tout cleané la room du studio B-12; on a mis le piano au milieu; on a mis Vince là aussi. Pis c’est Gab et Vince qui font la toune pour la première, ou la deuxième fois. Voilà. Il y a eu juste deux takes. » Une finale qui frappe, mais cette fois en douceur, par sa sincérité. 

Je dirai pas que je t’aime, si tu veux pas non

Dernière, Les Louanges

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