Le Festif, jour 4 : Maudit bonheur, t’as eu ma peau!

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Y en avait pour tous les goûts ce samedi au Festif de Baie-Saint-Paul. De la pop qui adoucit nos oreilles ou qui nous fait danser jusqu’à épuisement, du rock qui décrasse les tympans, du rap fruité plein de zayté et un peu de bonne vieille chanson québ pour plaire à toutes ces personnes qui aiment les textes pleins de poésie.

Si vous avez suivi mon parcours depuis le début du Festif (je me le tape de façon un peu « boomer »), vous aurez compris qu’il y aura beaucoup de douceur et de déhanchements dans mon compte rendu de la journée…

The Weather Station

C’est drôle, quand j’ai écouté Ignorance de la formation The Weather Station pour la première fois, ça ne m’avait pas accroché tant que ça. Pourtant, ce cinquième album de la troupe dirigée par Tamara Lindeman regorge de magnifiques perles qui s’écoutent en boucle (c’est pas mal ce que je fais depuis mon retour à la maison).

Sous un soleil magnifique, l’autrice-compositrice et interprète de Toronto et sa bande nous ont offert une indie pop tout en nuances qui s’appréciait encore davantage en profitant de la magnifique vue du quai de Baie-Saint-Paul. C’était la première fois que Lindeman défendait les chansons d’Ignorance devant des spectateurs, et la nervosité était palpable.

La prestation était axée presque exclusivement sur les pièces du dernier album (qui figure sur la liste courte du Polaris). On a pu entendre des pièces comme Tried to Tell You, Wear, et surtout Separated, une chanson qui mélange le rythme et la douceur de la voix de Lindeman (qui chante en s’accompagnant de gestes amples et théâtraux), et nous voilà en train de se déhancher langoureusement en profitant de la vue à couper le souffle qu’offre le quai. Un de mes gros coups de coeur du Festif. Et un album qui s’est ajouté à ma liste des albums préférés de 2021.

Drette de même. Z’irez écouter ça.

Marie-Pierre Arthur

J’avais entendu dire que les dernières prestations de Marie-Pierre Arthur rockaient sur un moyen temps. Je me demandais comment ça allait se passer, au beau milieu de l’après-midi, au parc de la Virevolte, qui est un lieu plus adéquat pour la pop « adulte » que pour le rock débridé.

C’est mal connaître Arthur et sa bande toute étoile (François Lafontaine [Klaus, en plus d’autres projets prometteurs comme Karkwa et Galaxie], Erika Angell [Thus Owls], Robbie Kuster [Patrick Watson] et Nicolas Basque [Plants and Animals]), qui nous ont offert une prestation digne du lieu et de l’heure « très familiale » (tsé, quand c’est fiston qui s’occupe de la table de merch…).

Oui, c’était plein d’énergie, mais il y avait aussi beaucoup de nuances dans l’exécution des pièces. Oui, c’était fort, y’avait de belles envolées, mais ça restait intimiste. La bassiste a bien sûr profité de l’occasion pour jouer (enfin) les chansons de son magnifique Des feux pour voir, paru quelques semaines seulement avant qu’on se confine pour un an et demi.

Et comme je m’y attendais, ça sonne comme une tonne de briques. Avec une équipe de musiciens aussi talentueuse (et ce sont tous des chums, ça paraît tellement la chimie est palpable), difficile de faire autrement. Que ce soit les harmonies vocales pour appuyer une de nos plus belles voix, les vieilles chansons réarrangées pour fitter dans l’univers actuel d’Arthur ou tout simplement dans le plaisir qu’on a de les voir jouer, il est très difficile de sortir de là sans avoir le sourire aux lèvres.

Pis j’attendais ce moment depuis le 14 mars 2020. Pas besoin de vous dire que lorsqu’Arthur a entonné le refrain de Des feux pour voir, ça goûtait le sel sur mes joues pendant que je chantais le refrain très fort avec Marie-Pierre et sa bande.

Yep, je penche encore.

The Blaze Velluto Collection

Voyons, toé, les scènes de fou! Après le barrage de castors du parc de la Virevolte et le décor industriel de la bétonnière, j’ai eu la chance de voir la maison abandonnée.

Et croyez-moi, y’a pas de second degré ici. The Blaze Velluto Collection a littéralement joué dans la cour d’une maison abandonnée qui aurait facilement pu s’écrouler si Blaze et ses musiciens avaient joué un peu trop fort (surtout qu’on soupçonne que le party de Socalled de la veille a dû fragiliser un peu le tout).

Reste que c’était le spot idéal pour ce groupe qui nous replonge dans les belles années du rock fédérateur et des albums de road trips. J’aurais shooté le show avec une caméra Super 8, j’aurais été dans mon élément.

Mais Blaze, c’est pas un truc nostalgique, c’est juste totalement intemporel. Les chansons de We Are Sunshine auraient pu sortir en 1971, en 1994 ou en 2086, elles seraient encore d’actualité. Pourquoi? Parce que le matériau de base, c’est le plaisir sincère de jouer de la musique ensemble. Ce sont les harmonies vocales, les paroles-répliques, les guitares simples et efficaces, les claviers qui sonnent organiques et une section rythmique entraînante.

OK, non, ça n’a pas débordé autant qu’à Socalled la veille, mais tout le monde dansait joyeusement sur le parterre, une bonne bière à la main (c’est de la musique de soif, après tout).

Nous sommes des rayons de soleil indeed!

Choses sauvages

J’aurais tellement préféré voir la deuxième représentation de Choses Sauvages, celle qui s’est passée en soirée, parce que je savais que ça allait danser joyeusement. J’ai encore un excellent souvenir de la prestation que le groupe avait offerte dans le sous-sol de l’église en 2019 et je me demandais comment on allait pouvoir dépasser ça.

Qu’à cela ne tienne, la première prestation était ben ben ben bonne. Juste un peu plus chaude et ensoleillée, ce qui veut dire une crowd un peu assommée et un Claude Grenier (Félix Bélisle, pour les intimes) qui n’a pas perdu de temps pour se mettre en chest.

Bien sûr, tous les « classiques » du groupe y ont passé (La valse des trottoirs, Nuages, entre autres), mais on avait surtout hâte d’entendre les nouvelles pièces sur scène. Si vous avez entendu Dimensions, vous savez ce que je veux dire. Yep, ça sonne comme du bon vieux Tears For Fears (période Songs From the Big Chair). C’est groovy, langoureux, et ça donne à Grenier plein d’autres occasions de se déhancher comme lui seul sait le faire pendant que le reste de la bande l’appuie ben trop solidement!

Ben hâte d’assister au lancement!

Marie Davidson & L’Oeil Nu

Une des prestations que j’avais hâte de voir. J’ai jamais vu Marie Davidson sur scène, j’en avais entendu beaucoup de bien, et mes attentes étaient élevées.

Oh my God, la bête de scène, toé! Avec la formation L’Oeil Nu, Davidson nous a harangués pendant près d’une heure, dansant sur scène, sur les barils qui tenaient lieu de limites de distanciation sociale ou sur le parterre, en nous regardant, en nous pointant du doigt, tout y passe.

Bien sûr, on a dansé nous aussi sur les pièces de Renegade Breakdown, le plus récent album de Davidson et L’Oeil Nu. Sur un fond de techno-pop minimaliste, la chanteuse nous a emmenés dans son univers froid et sombre. Dénonçant tout ce qui bouge (je me suis même un peu senti visé avec mon gros kodak), Davidson est vraiment convaincante, qu’elle récite ses paroles en spoken word ou qu’elle les chante avec sa voix de chanteuse pop française.

Le public, qui semblait clairement là pour Choses Sauvages, a rapidement été conquis (disons que ça a pris juste une toune pour que le monde arrête de jaser et qu’il se mette à danser sans lendemain. Ça vous donne une idée de la force d’attraction de Davidson, qui a gagné pas mal tout le monde avec sa prestation fort théâtrale.

Nouveau fan moi itou. Maintenant, je veux un double plateau avec Narcisse. Stie qu’il rockerait avec Davidson!

Michel Rivard

Je sais, je sais, ça finit bizarrement une soirée du Festif! J’aurais pu aller voir NOBRO et The OBGMs, mais mon coeur de X né un an avant le premier album de Beau Dommage ne pouvait faire autrement que d’aller voir Michel Rivard.

Voyez-vous, si je m’intéresse autant à la musique d’ici, c’est à cause de ce grand chansonneur. Trop jeune pour me rappeler de la belle époque de Beau Dommage, j’ai connu Rivard… alors qu’il était à la Ligue nationale d’improvisation (avec les Jaunes – yep, me souviens même de son équipe, ça vous dit à quel point j’ai été marqué). J’ai trippé la première fois que j’ai entendu Sauvage, j’ai capoté à la sortie d’Un trou dans les nuages. J’ai découvert un peu plus tard ses deux premiers albums (Méfiez-vous du grand amour et le trop sous-estimé De Longueuil à Berlin). Faque comme disent les jeunes, j’étais stoked en maudit.

Rivard était seul avec ses guitares. Pas de band derrière lui, pas d’artifices, juste un quasi-septuagénaire (qui les fait pas, mais qui « les a faites ») et ses chansons intemporelles.

On a pu entendre des classiques comme Tout va bien, Rive-Sud, Ginette (transformée en chansonnette folk), Shefferville, le dernier train, Maudit bonheur (je l’ai pleurée celle-là), Lune d’automne, Un trou dans les nuages, Je voudrais voir la mer et bien sûr La complainte du phoque en Alaska. On a aussi pu entendre des trucs plus récents (Confiance, Roi de rien et Styromousse) ou moins connus (magnifique Belle promeneuse que j’ai écoutée avec un plaisir décuplé par la surprise).

Et c’est fou de constater à quel point le répertoire de Rivard a bien vieilli! Surtout qu’après avoir écouté la captation de la première représentation (j’étais à la deuxième), je me rends compte qu’il s’est permis d’offrir des chansons différentes aux spectateurs – content d’être allé à celle où il a joué Belle promeneuse, je vous en passe un papier!

Bien sûr, Rivard est aussi connu pour ses longues interventions désopilantes. Y’a du monde à l’école de l’humour qui devrait prendre des notes. Qu’il nous parle de son long parcours ou qu’il nous explique qu’il était tanné de jouer Ginette (Thom Yorke te feel quand on lui demande Creep, Michel), c’est toujours drôle sans tomber dans le mauvais goût.

Une heure et demie de tounes qu’on connaissait tous par coeur et qu’on récitait DOUCEMENT avec Rivard. Jamais j’ai entendu un show de 23 heures au Festif avec une telle écoute. Silence total partout pendant les chansons (sauf quand on chantait), applaudissements nourris après.

Quand on a chanté avec Rivard à la fin de la Complainte…, c’était tout doucement, en susurrant comme si on avait peur de réveiller des vaches et des poules dans les fermes voisines. C’était tout simplement magique.

J’ai enfin vu un show complet de Michel Rivard, 35 ans après avoir entendu ses chansons (solo) pour la première fois. Et je suis comblé.

Merci, Clément, de nous avoir amené cet homme drôle, généreux et touchant.

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