Un impérial plein à craquer pour un Gab Bouchard survolté !

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En ce long congé pascal, plusieurs spectacles foisonnent dans la Capitale-Nationale, mais celui auquel je voulais assister s’est déroulé vendredi à l’Impérial Bell. J’ai eu la chance d’assister à ce splendide spectacle de Gab Bouchard haut en sons et couleurs précédé par la douceur et candeur de Gabriella Olivo. Ce n’est pas un secret, avec Gab, on passe par toutes les émotions : difficile de rester de marbre face à sa plume tranchante, ses mélodies dansantes et cette mise en scène époustouflante.

Gabriella Olivo

Avec guitares et basse, le trio de cordes ouvre le bal sans même une présentation, le tout chanté en espagnol. Avec cette entrée en matière déstabilisante, la première pièce demeure toute en finesse et élégance suivant les doux arpèges des guitaristes.

Même si elle est vêtue d’un kilt, Gabriella Olivo n’est pas écossaise, mais bien québécoise d’un père mexicain. Les chansons sont majoritairement en espagnol, ce qui donne un côté latino qui se marie bien avec les rythmes très « lounge-down-tempo » digne d’un bar à tapas de Barcelone. De manière générale, les thématiques des chansons tournent autour de rencontres et déceptions dans les relations et des amours impossibles, et aussi des bons coups et de la joie de vivre. Vient la pièce Des chansons sur toi qui les résume à merveille avec le mélange du français et de l’espagnol.

Dès le quatrième morceau, Gabriella sort sa guitare électrique, ce qui apporte du rythme et une énergie électrique et accrocheuse. J’apprécie d’ailleurs la ressemblance avec les arrangements de Tame Impala à la basse. J’entends même dans la salle : « Le bassiste est vraiment nice! »

Durant un interlude, la chanteuse se confesse et dit qu’elle écrit en espagnol car le français lui apparait difficile. Je comprends mal, puisque la langue de Molière est si belle et reste un bon filon à exploiter pour gagner la scène québécoise. Parlant de langues, certaines personnes du public ont eu du mal à la reposer même durant les chansons les plus douces. On dirait que c’est monnaie courante de nos jours et je trouve que le public détériore lui-même collectivement l’expérience.

La représentation s’achève et on a le droit à un moment d’émotion : Le tour de l’île, écrite et initialement interprétée par Félix Leclerc puis reprise par Louis-Jean Cormier. D’abord seule à la guitare, elle pousse la note et, je dois l’avouer, c’est juste et bien fait! Le spectacle se termine en trio avec deux voix féminines d’une douceur et sensibilité difficilement égalable.

Gab Bouchard

Je commence à m’impatienter après un bon 20 minutes d’entracte., mais l’attente en vaut la peine. Le septuor nous livre une introduction instrumentale musclée et très orchestrée digne de Led Zeppelin : le ton est donné pour la suite, Gab Bouchard et son Cool band vont réveiller l’Impérial.

C’est Dépotoir qui brise la glace. Quelle meilleure façon que d’ouvrir le spectacle? Gab et son groupe ont eu le temps de rouler leur bosse depuis l’excellent album « Triste Pareil ». La première pièce de l’album « Grafignes » n’est pas anodine : des paroles très profondes parlant d’un amour impossible sur fond musical rythmé et très dansant pendant que les lettres « GRAFIGNES » s’illuminent et flottent au-dessus des têtes des musiciens. La mise en scène visuelle ne s’arrête pas là. Autour des membres, une douzaine de télévisions diffusent des images en continu mêlant tantôt la neige iconique du dysfonctionnement des téléviseurs cathodiques, tantôt des grafignes dans le signal et toutes sortes d’images subliminales aux géométries hypnotiques.

Dans cette mise en scène peaufinée, l’attitude du chanteur l’est aussi. Tel un garçon rebelle ne finissant pas de finir sa gomme à mâcher, Gab est exagérément nonchalant, il est bon parleur et a le don d’attiser les foules. Ce jeu de scène n’est pas sans rappeler sa mini-série « Cool Pareil ». Difficile de retenir son sourire face à tant d’humour et de prestance. S’enchaînent alors les morceaux La vie c’t’une peine d’amour, très mélodique et donnant l’impression qu’un orchestre symphonique entier est présent sur scène, puis la poignante ballade du dernier album Ton shift est pas fini. Pièce vibrante par les envolées de synthétiseurs de Mathieu Quenneville et les solos sur la distorsion de guitare de Zach Boileau qui font grimper la tension à l’apogée sur la rengaine « Y’a d’autres choses à faire que de pleurer l’amour »

Le public, devient véritablement conquis. Plus le spectacle avance, plus la foule en liesse chante les paroles lourdes de sens et accrocheuses. D’ailleurs Gab, visiblement touché par tant d’ardeur, ironise la situation : « C’est le fun quand même d’avoir du monde content de chanter des tounes tristes! »

Puis vient la fameuse Grafignes, où l’émotion est palpable. Gab et sa guitare nous livre un doux moment accompagné de Mathieu Quenneville aux claviers. Pendant que les paroles « Tu ne fais plus de grafignes sur tes bras » résonnent dans la salle, le mot grafignes « flacotte » dans les airs, remuant maladroitement, s’emballant aux rythmes des paroles. Ce récit sonore à la fois tristement poignant et beau me font sentir soudainement très vulnérable. Puis c’est au tour de la pièce Neige d’enfoncer le clou de l’émotion. Gab présente la chanson en duo avec Audrey-Michèle Simard. Quelle surprise de voir apparaitre soudainement la neige artificielle en mousse tombant à flots des balcons supérieurs, et ce, tout au long du morceau. Zach Boileau à la guitare et Pierre-Olivier Gagnon à la basse accompagnent à la perfection cette balade.

Les musiciens font un retour aux source un bref instant dans un tout autre style. C’est la très originale et planante Une valse pour toi qui nous amène du côté sombre du première album « Triste pareil ». Mathieu Quenneville aux claviers nous livre d’incroyables solos et envolées mélodiques.

Le spectacle tire à sa fin et l’ovation de la foule est sans équivoque. Le rappel promet d’être extraordinaire tellement le public acclame la performance du groupe. D’ailleurs, Gab ne manque pas de nous rappeler à plusieurs reprises que nous sommes incroyables. Le batteur Victor Tremblay-Desrosiers prend alors la parole et électrifie la salle en attendant le retour des musiciens sur scène. On peut dire qu’on est servi lors de ce double rappel avec les hits accrocheurs Tu m’connais trop bien et Trou d’eau et finalement clore à l’image du dernier album avec la magnifique Même si.

Définitivement, c’est un spectacle très bien ficelé avec de talentueux musiciens et une excellente mise en scène qui selon moi ne va pas tarder à faire le saut dans les Europes.

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