Mélina Lequy + Arielle Soucy : soirée onirique au Pantoum

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Le travail technique parfaitement on point du Pantoum, tant aux éclairages qu’au son, a accompagné des artistes particulièrement douées ce vendredi 8 décembre. Mélina Lequy et Arielle Soucy ont chacune livré, en compagnie de très bon·ne·s musicien·ne·s, une performance douce, de vrais baumes sur nos cœurs fatigués par la griseur de novembre.

Chanson sentie en quête de sens avec Mélina Lequy

Ouvrait le lancement d’Arielle Soucy, Mélina Lequy (guitare, voix), accompagnée par Marie Fillod (flûte traversière, drum minimaliste, voix), et Mathieu Rancourt (contrebasse). Si les sonorités explorées dans les nombreuses chansons jouées pouvaient parfois rappeler Pomme et autres stars de la chanson française contemporaine, la signature de Lequy tient définitivement à la richesse de ses textes, à la maturité de sa réflexion personnelle, et à son inquiétude chargée de douceur et d’optimisme. « J’ai créé ce morceau en m’imaginant un lieu de repos. Pour moi, un lieu de repos, c’est un endroit sauvage, dépourvu de toute violence », a déclaré la jeune artiste avant d’entamer Ailleurs, la deuxième ou troisième chanson performée. Le ton était ensuite mis, clairement : une musique sylvestre allait s’incarner en plein cœur du centre-ville de Québec – même, ai-je envie de dire, écoféministe, par la prise de parole foncièrement engagée et féminine de Lequy. Elle n’a en effet pas tardé à nous parler de ses vœux d’émancipation en tant que femme à la suite à de certaines lectures. Les thèmes de la non-violence et du milieu naturel, combinés à cette réflexion, tissaient ce lien cher à ce courant philosophique et politique, soit ce parallèle entre l’exploitation violente des milieux naturels et celle de la femme par le capitalisme, conséquence du patriarcat.

Gravitant autour de ces réflexions, la magnifique maîtrise de Marie Fillod, de sa voix, et de ses instruments, enrichissait évidemment l’expérience. La belle présence scénique de Mathieu Rancourt, et sa complicité évidente avec Lequy (surtout lorsque, en grand contrebassiste, il entamait les premières notes des mélodies en solo) ajoutait une épaisseur de feutre à cette performance paisible et engagée. Les deux EP de la jeune musicienne, « À ciel ouvert » (février 2022) et « Si tes pensées traînent » (février 2023) valent définitivement une écoute, pourquoi pas sur une longue route enneigée, défigurant de sa blancheur une forêt sauvage de conifères sombres.

Arielle Soucy : aux heures du folk féminin

Après cette première partie est montée sur scène Arielle Soucy, rapidement suivie par une belle bande de quatre autres artistes. Assumant avec verve et humour sa crise existentielle, calmée par des guides spirituels dénichés sur Instagram mais surtout par une machine à écrire, Soucy a offert un magnifique lancement à son album « Il n’y a rien que je ne suis pas », qui semble s’inscrire en ligne directe avec ses questionnements personnels. « J’étais en Gaspésie avec des amis, et il y avait dans la maison une machine à écrire. Elle m’a forcée à la rédaction fluide, libérée : je devais me faire confiance. » Le doux clip de Promenade, réalisé par l’artiste elle-même et Karelle Goguen-Bancel, semble faire écho à cette technique de création. Ce laisser-aller du geste artistique sied de toute évidence à merveille à Arielle Soucy, qui nous a livré une performance country-folk hors du temps, portée par des harmonies vocales magiques, éthérées, à la fois authentiques et calculées : l’exercice était humain et maîtrisé. Sur Pardonne-moi, avec des paroles volontairement très répétitives, à la manière de mantras (on ressent les traces qu’ont laissées les gourous spirituels d’Instagram sur l’artiste), les harmonies prenaient un envol particulièrement touchant.

Ça faisait longtemps que je n’avais pas vécu une telle escalade d’émotions lors d’un spectacle (ça doit remonter à la première fois que j’ai entendu Lou-Adriane Cassidy chanter Ça va ça va en 2021). Évidemment, bravo aussi aux autres musicien.nes sur scène qui accompagnaient l’artiste (elle-même à la voix et à la guitare), soit Jeanne Laforest (voix), Elie Raymond (synth, guitare, voix), Christophe Charest-Latif (basse) et Simon Charette (percussions). J’ai un peu regretté leur présence englobante lors du généreux rappel de trois chansons, performé en solo, bien qu’Arielle Soucy nous ait montré qu’elle sait définitivement occuper une scène à elle seule, avec sa confiance à la fois tendre et féroce. Ce fut pour moi une découverte magnifique, que je ne suis pas près d’oublier. Et le public était d’un silence à couper au couteau : tout le monde était pendu à ses lèvres.

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