Festival OFF 2022 jours 4-5 : délicieuse révolte

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Le OFF s’est terminé aussi bien qu’il s’est commencé, avec une programmation encore une fois représentative de ses valeurs : des artistes majoritairement locaux, des expériences uniques, de la musique inattendue, des découvertes renversantes et de beaux moments en communauté. Compte-rendu de la soirée du 9 et du brunch du 10 juillet.

Au Parvis

Les dernières prestations à la scène de la Fabrique culturelle ont permis aux festivaliers de terminer l’expérience tout en rock avec trois artistes aux univers bien différents. 

La dame Ovale

La dame Ovale a présenté ses chansons « pour la deuxième fois et demie » de son encore courte existence, et ce sous un beau soleil tempéré d’un vent doux. La nouvelle formation de Québec, au cœur de laquelle les compositions de la bassiste et chanteuse Claudia Gagné (anciennement connue pour son projet de femme orchestre, L’Octopus) prennent vie, a une façon d’utiliser la musique et les paroles pour raconter des histoires qui n’a laissé personne indifférent sur l’espace accueillant du Parvis. Abordant des thèmes aussi variés que précis (avez-vous déjà entendu une chanson sur les vieilles boîtes de CDs que les artistes ont fait faire et qui ne se vendent plus?), et ce toujours avec autant de simplicité que d’esprit, le groupe nous faisait aussi voyager musicalement dans un univers rock, blues et même folk sale, qui flirtait parfois avec la dissonance. Les rythmes de Daniel Hains-Côté (Mon amie souffrance) et les riffs de Jasmin Cloutier (L’orchestre d’hommes-orchestres) n’y étaient pas étrangers. 

Ombre

On s’est plongés encore plus avant dans l’authenticité et la vulnérabilité avec l’indie-rock sensible d’Ombre, un groupe lui aussi originaire de Québec qui met de l’avant les textes de Dany Asselin (voix, guitare). Dans une atmosphère d’introspection, les quatre musiciens du groupe nous ont amenés à aborder des sujets parfois très délicats – que ce soit la maladie d’Alzheimer, la solitude, la dépression ou encore la culture du viol – avec une douceur bienveillante. Leur spectacle marquait ainsi un temps de pause qui invitait à la réflexion et à la mélancolie, tout en étant rythmé par des riffs assez rock, miroirs de l’intensité des émotions. 

The Johans

Quelques instants plus tard, The Johans allaient remettre l’ambiance à la fête avec leur country-folk amplifié de rock et leur présence sur scène. Le duo, habituellement composé de Cynthia Larouche (voix, guitare) et d’Émilie Rochette (banjo, mandoline), était en effet accompagné par trois rockeurs supplémentaires, soit Olivier Beaulieu (batterie), Ben Claveau (basse) et Louis Fernandez (guitare). Le plaisir qu’ils avaient à jouer ensemble, les interactions bon enfant avec le public et l’ambiance générale qui se dégageait des chansons ont créé la combinaison parfaite pour que la foule bigarrée du Parvis passe un beau moment. En effet, rien n’était plus beau que de voir enfants, personnes marginalisées, parents, couples de personnes âgées et festivaliers en tous genres danser en souriant et de façon complètement décomplexée au rythme de Blackout (« celle-là est pour toi, Johnné! ») ou encore de Goodbye Again, titre éponyme du dernier EP de la formation, paru en avril dernier.

Marie-Ève Fortier

À la Charpente

Ambre Ciel

La scène 25e anniversaire de CHYZ nous a offert un dernier voyage enchanteur avec les compositions ambiantes et néoclassiques d’Ambre Ciel. Construit autour des compositions de la multi-instrumentiste Jessica Hébert, ce projet montréalais explore les frontières des genres musicaux en amalgamant tout en nuances les sons des synthétiseurs, les mélodies des cordes (violon, alto, violoncelle), le piano classique ainsi que les expérimentations sonores et rythmiques. Si l’autrice-compositrice-interprète prenait parfois les devants avec ses paroles chantées d’une voix éthérée et flottante, la musique semblait la plupart du temps parler d’elle-même : tous les musiciens s’appuyaient les uns les autres avec une écoute remarquable pour créer une architecture sonore planante qui nous enveloppait en douceur. Un spectacle idéal pour la communauté du OFF, qui a écouté chaque nuance religieusement, les yeux avides ou fermés, dans le plus grand des silences.

Marie-Ève Fortier

Au Muotnap

Dans la petite salle du Muotnap, dont l’activité pour une fois fittait bin trop avec la chaleur, l’EMIQ nous attendait avec Élie Dubois-Sénéchal et Camille Petitclerc, deux incroyables professeures de yoga.

EMIQ x Yoga

Pas moins de 21 musiciens et artistes multidisciplinaires de l’Ensemble de musique improvisée de Québec (EMIQ) étaient placés en cercle! Nous nous sommes installés au milieu, pour une immersion totale entre l’espace, la voix d’Élie Dubois-Senéchal et les sons qui voyageaient tout autour de nous. Pour l’occasion, j’avais fièrement revêtu mon kit de yoga: vrai push-up de fessier, chose que mes voisins ont eu en pleine vue pendant l’activité ; il faut dire que nous étions beaucoup de participants, au point d’avoir moult spectateurs. J’étais heureuse de mon choix de vie de sobriété pour ne pas me planter, ravie de mes sens en éveil.

Bientôt, après le début de la séance, plus rien ne comptait : ni le manque de sommeil, ni la tristesse, pas plus que le regard des curieux. Élie ramenait notre conscience et notre focus par son accompagnement bienveillant tandis que les sons jouaient avec notre focus, empêchant les pensées invasives de prendre place et créant un pur instant de méditation collective. L’activité a été d’une si grande douceur que c’est revigorés et en souplesse que nous étions prêts pour accueillir le dernier spectacle de la journée.

Composition de l’Ensemble de musique improvisée de Québec (EMIQ) au yoga : Léonard Azzaria (basse fretless), Rémy Bélanger de Beauport (direction), Sandra Boulanger (violon), Raymond Carruthers (trombone), Isabelle CLermont (harpe électrique), Marie-Loup Cottinet (violoncelle), Émile Couture (cuve), Luke Dawson (contrebasse, organisation), Simon Doyon (sax alto), Flavie Dufour (voix, harmonium), Marc-Antoine Gekas (trompette), Raphael Guay (percussions), Dan Hill (tuba), Jonathan Huard (percussions), Lux (voix), Gaelle Molloy (guitare bleue), Mathieu P.Lapierre (basse acoustique préparée), Francois Paquet (guitare classique), Alix P.V (flûte à bec), Miriane Rouillard (flûte) et Vincent Thériault (guitare acoustique amplifiée, objets).

Ping Pong Go

Ça vous tente-tu, un tour dans le micro onde?

PE Beaudoin, batteur de Ping Pong Go

Que se passe-t-il quand on mélange des épices, des tas de bonnes choses et qu’on l’échappe de l’agent chimique X? On obtient Ping Pong Go ou les Super Nanas, tout dépend du dosage!

Ma découverte de l’année 2022, le groupe de gamer jazz n’a laissé personne indifférent avec ses sonorités variées, jouant avec non pas quelques styles, mais bien avec toute la gamme existante. Lourds et aériens à la fois, dans un dosage exceptionnel des rythmes, les musicien.ne.s transmettaient leurs émotions par leurs instruments et leurs jeux de voix. De grands musicien.ne.s pour une prestation loufoque, instrumentale et décadente, avec un humour efficace et une créativité sans bornes, allant jusqu’à jouer leur toune la plus slow de la manière la plus cool possible, soit avec une harpe laser(!).

Le groupe dégageait une complicité et une joie d’être présent.e.s pour nous partager leur musique qui était tellement communicative que les spectateurs se sont permis enfin un vrai lâcher prise, dansant dans leur transe. Une perfection pour se laisser aller complètement au gré de la musique avec cette touche psychédélique et onirique qui allait de pair avec nos esprits détendus par le yoga. Cédric Martel (basse), PE Beaudoin (batterie), Vincent Gagnon (claviers) et Lysandre Ménard (claviers) tous en habits sportifs, ont célébré la fin de ce set de pur génie avec leur trophée doré, gagnant le grand championnat, mais surtout nos cœurs de mélomanes. Plusieurs sont même repartis avec une magnifique cassette, seule merch disponible, pour continuer le party à la maison.

Mona Dery-Jacquemin

À la Barberie, dimanche matin

Béluga

Béluga aka Bélu-gras, le temps d’une poutine déjeuner et d’une slush de bière aux petits fruits à la Barberie, nous a fait vivre une fin de festival de rêve. Avec la douceur de sa voix et armé de son fidèle violoncelle, Louis-Solem Pérot, accompagné de Laura Lefebvre (guitare), d’Olivier Laroche (batterie), de Simon Veilleux (violon) et d’Hubert Michaud (guitare), nous a bercé par sa poésie fluviale, empreinte de beauté et d’amour. L’artiste a pansé nos plaies et nos lendemains de veilles avec lenteur et contemplation. Son folk en français nous amenait au rythme des vagues sur sa grève de bois poli par la houle.

Louis-Solem, se targuant d’être un brunch master, nous a aussi partagé sa recette de patates déjeuner avec candeur pendant que les spectateurs se gâtaient dans la sauce hollandaise des poutines déjeuner.

Bison Eyes

Le chanteur Daniel Houle, accompagné des mêmes musiciens, nous a éloigné du fleuve et de Saint-Francois de l’Île-d’Orléans pour nous amener dans les grandes plaines de l’ouest et leur aridité. Dans les sonorités, il y avait une attente de la pluie, de son eau comme de ses étoiles. Une immensité tapie au creux des notes où la musique avait tout autant de place que les histoires. Une soif de grands espaces, mais aussi de justice pour les siens comme pour les autres, avec comme prière ses vœux d’amour et ses récits d’exploits: tout prend de la grandeur avec Bison Eyes.

Mona Dery-Jacquemin

Conclusion

Cette 19e édition du OFF marquait le retour en force d’un événement qui s’était fait petit en attendant la fin de la pandémie, mais qui semble aussi avoir tiré des leçons de ces deux dernières années. En formule plus réduite que les éditions que l’on avait connues par le passé, le OFF a choisi de se concentrer sur l’essentiel de sa mission et de plonger encore plus avant dans la proximité, la découverte et la prise de risques. C’est un pari qui a été réussi, à voir les visages extasiés des festivaliers et des artistes qu’on a croisés et recroisés d’un spectacle à l’autre, que ce soit de la musique contemporaine ou du country-folk.

Dans son discours de remerciements, le nouveau directeur général Luke Dawson disait quelque chose comme ceci : pour nous, faire ce festival nous permet de continuer à résister à ce qu’il y a d’hostile dans le monde qui nous entoure. On ne peut s’empêcher d’être d’accord et d’apprécier le sentiment de délicieuse révolte que nous laisse ces cinq jours d’art, de célébration et de vie en communauté. On a déjà hâte de les retrouver l’an prochain, pour les 20 ans!

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