« Julie & Dany » : une histoire de coeur

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Deux artistes chevronné.e.s. Deux univers musicaux passablement différents. Une rencontre. Des coeurs qui battent fort. Une complicité qui s’installe au quotidien. Une pandémie. Un album. Le pluriel qui devient singulier.

Onze tounes, une demi-heure, un beau mix.

« Julie & Dany », c’est tout ça. Une fusion entre l’univers indie rock de Julie Doiron, l’Acadienne fondatrice d’Eric’s Trip et celui, grunge, de Dany Placard, Bleuet de Plywood 3/4. Une oeuvre pas mal autobiographique inspirée des petits hauts et des petits bas du quotidien, où les influences des deux artistes se mélangent et se retrouvent quelque part à mi-chemin.

Ça commence avec Dégèle, une toune que les fans de Placard vont aimer tout de suite avec ses lignes mélodiques psych. En arrière-plan, Doiron se laisse aller, avant de prendre le lead sur What If I Said, une pièce tout en douceur jusqu’au solo énergique de la fin. Lying est une de ces ballades country-folk qui donnent envie de pleurer. Les deux artistes se donnent la réplique (en anglais SVP – pas pire, Placard, j’aurais cru que t’aurais eu un accent pas mal plus prononcé), mélangent la flûte (à bec) avec la guitare, et on trouve ça vraiment beau.

Le quotidien, qu’on disait. Tomate montre ce que deux musicien.ne.s de génie peuvent faire avec des paroles vraiment simples, à la limite niaiseuses (« Toé tu plantes tes tomates, chu pas loin du heart attack »). Mais musicalement, c’est riche en maudit (pour une toune de moins de deux minutes), on sent qu’il y a eu beaucoup de fou qui s’est lâché ici. Dire qu’y a du monde qui les paye pour faire ça! Après une Back To The Water très Doiron (à son plus doux et attendrissant), Placard est aux prises avec un gros problème : y’a pu de Mayo dans l’fridge, ce qui le pousse au bord du désespoir. Cette toune aux accents grungy est ma préférée de l’album parce qu’elle le représente parfaitement : réussir à faire des pépites d’or avec les shits du quotidien.

La très planante I Remember Being Home, où les guitares sont aussi aériennes que la voix de Doiron, précède Too Late. Oui, oui, la même Too Late que Placard nous a déjà braillée. Sauf qu’ici, la rage du désespoir est remplacée par une douce mélancolie qui fait davantage fondre nos coeurs. Cette toune-là avait besoin d’une femme. Sur Jean-Talon Market, une pièce typiquement indie où on reconnaît immédiatement l’écriture de Doiron, on entend Placard s’amuser avec sa guitare. C’est de la belle ouvrage qui va sûrement trouver sa place sur les radios universitaires américaines (juste au cas où, je vais préciser un truc : Relativement méconnue au Québec hors du circuit indie, Julie Doiron est fort appréciée hors de nos frontières. Vous ne me croyez pas? Allez voir les critiques de ses albums sur Pitchfork.).

Ça se termine avec My Brain, la chanson d’amour la plus cute de 2022 où nos deux protagonistes se disent qu’ils s’aiment vraiment fort. Placard y va de sa voix la plus vulnérable pendant que Doiron prend une voix douce, à la limite rassurante. Une façon positive de finir ce bel album.

À l’écoute de cet album, le temps passe extrêmement vite. On rit, on pleure, on s’amuse, on réfléchit, on tape du pied, on hoche la tête. On chante Tomate à pleins poumons ou on fredonne Lying tout doucement. On met tout notre désespoir dans un pot de mayonnaise vide, mais on se remémore notre première rencontre en écoutant Jean-Talon Market.

C’est ça qui est beau avec « Julie & Dany ». La fusion n’est jamais complète. Le couple a fait un album ensemble, mais chacun a sa liberté, son identité propre, et personne n’est totalement aspiré dans l’univers de l’autre. C’est beau, c’est frais, ça fait du bien à entendre.

Ça nous les prend sur scène, maintenant. Si mon flair est bon, ça devrait se passer à l’automne (quoique si vous êtes à Montréal ce mercredi 4 mai, allez faire un petit tour à la Sala Rossa, c’est là que ça va se passer!). On se tient au courant!

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