Après avoir lancé le magistral « Mille ouvrages mon coeur » l’automne dernier, on avait bien hâte de voir Salomé Leclerc retourner sur scène. On avait bien eu un avant-goût en décembre lorsqu’elle a assuré la première partie de Louis-Jean Cormier, mais c’était le show complet qu’on avait envie de voir!
Et c’est ainsi que vendredi dernier, j’ai pris le bateau « vers le Sud » pour aller faire un tour à L’Anglicane de Lévis, cette magnifique ancienne église transformée en salle de spectacles toute désignée pour voir nos artistes préférés dans l’intimité.
Vingt heures pile, le show commence. Salomé nous offre un show en formation complète, c’est-à-dire qu’elle est accompagnée de José Major à la batterie. Et c’est tout. Pas besoin de plus, ça serait juste encombrant.
Salomé lance Anyway, sur laquelle elle en profite pour nous faire une mise en contexte. Sa guitare achetée 80 $ dans une vente de garage qui a été le point de départ. Une pandémie plus que productive où elle a composé des chansons à la vitesse de l’éclair. Le plaisir de pouvoir enfin les jouer sur scène. Bienvenue tout le monde, place au spectacle qui commence réellement avec la douce Mon coeur à l’endroit. Derrière ses deux micros, Salomé sort sa voix la plus douce (et je me rends compte qu’elle s’est ENCORE améliorée sur ce plan, la bougresse). Les 2-3 personnes dans la salle qui ne connaissaient pas encore l’artiste originaire de Lotbinière comprennent immédiatement qu’elles vont avoir droit à tout un show. Moi, mon coeur est tout à l’envers.
Derrière la paire, des projections qui nous montrent les cordes qu’on entend pendant Tes yeux à Barcelone. Salomé se promène d’un micro (clean) à l’autre (avec ses effets), lance des sourires complices à chacun des spectateurs et s’amuse follement avec José, qui est encore en mode échauffement (c’est qu’il va mériter sa paye, notre ami Major). Derrière moi, deux fans qui ont fait le voyage de St-Augustin. Des vrais fans. La femme chantonne doucement toutes les paroles (c’est la seule autre voix que je vais entendre toute la soirée, et elle chantonne plutôt bien, j’aurais presque aimé qu’elle fasse des harmonies, ça aurait été vraiment magique), son chum est déjà debout, la bouche ouverte, trop heureux d’être là.
Juste toi pour moi et Chaque printemps viennent nous achever, comme une combinaison gauche-droite qui terrasse un champion de boxe. On est aspiré.e.s dans le bel univers de Salomé, qui en profite pour nous lancer Dans la prairie, une vieille chanson du premier album qui n’a pas pris une ride. Salomé s’amuse avec son matériel, crée en direct une belle série de boucles vocales. De retour en 2022, Cinéma se veut envoûtante tout en étant un brin plus mordante que sur l’album.
Fou de constater combien la plupart des vieilles tounes ont été réarrangées. Sur « Les choses extérieures », Nos révolutions avait un petit air de toune de Radiohead. Ici, elle prend une tournure plus bluesée. De son côté, L’icône du naufrage, qui avait un petit côté dream pop, devient carrément une pièce inspirée de la pop des années 1980.
On a aussi eu droit à un pot particulièrement pourri de vieux hits. José a quitté sa batterie quelques instants, a empoigné une guitare et il est venu joindre Salomé. On a pu entendre, notamment, une reprise de Foule sentimentale, d’Alain Souchon (pour une toune que j’ai pas entendue depuis vingt ans, fou de constater combien je me souvenais des paroles) et une autre de Like a Rolling Stone, d’un certain Bob Dylan (vous le connaissez peut-être, paraît qu’il a influencé un ou deux artistes ici et là).
Le programme principal s’est terminé dans le rock. Arlon, Où on s’est trouvé et Avant les éclats étaient remplis de soli parce qu’il ne faut pas oublier qu’en plus d’être une autrice-compositrice redoutable et une interprète à la voix d’ange et à la présence scénique unique, Salomé Leclerc est aussi une excellente guitariste. Cette finale explosive nous a fait bondir de nos chaises (sauf mes voisins d’en arrière, déjà debout… ils ont compensé en criant encore plus fort leur enthousiasme) pour en redemander encore et encore, et voilà Salomé de retour, seule cette fois, pour deux autres belles chansons (la magnifique Ton équilibre et la touchante Entre parenthèses).
On ne vous parlera pas d’exploit, et on ne se dira pas estomaqués de voir que Salomé et José aient été capables de donner ce show-là à deux. Après tout, mes formations préférées des dernières années sont des duos (Les Deuxluxes, Saratoga). Mais contrairement à ces duos, Salomé ne se contente pas de rocker ou de jouer doucement. Elle mélange habilement les deux tout en s’appuyant sur un roc (très barbu) qui a une importance capitale dans ce show. Son magnétisme lui permet de remplir l’espace scénique. Quand elle s’amuse à la guitare, elle quitte son petit coin (où elle sait qu’elle est cachée par son matériel) pour nous en mettre plein la vue. Le sourire aux lèvres, avec la confiance d’une musicienne en pleine maîtrise de ses moyens.
Salomé Leclerc se promènera un peu partout dans les prochains mois. On va pouvoir la voir à Petite-Vallée, au Festif et aussi cet automne au Théâtre Petit-Champlain. Si j’étais vous, je me garrocherais. Cette femme-là est au sommet de son art. In her prime, comme diraient les Anglais.
Mémorable.