Fuudge déplogué au Grand Théâtre : atteindre le nirvana…

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Fuudge ne fait pas dans la dentelle. Le psych-grunge de David Bujold est lourd, les textes frisent la folie, la musique elle-même a des airs d’apocalypse. C’est du rock de headbanging qui, en spectacle, frise le chaos contrôlé.

C’est pour ça que l’hiver dernier, quand on a annoncé que le groupe allait offrir une version « déploguée » de son spectacle, on a souri. Ça faisait un peu « Nirvana Unplugged in New York », et quand on sait que Bujold aime pas mal l’oeuvre de la bande à Kurt Cobain, on s’est dit que ça pouvait juste être bon.

Pendant près d’une heure et demie, Bujold et sa bande (Pierre Alexandre à la basse, Olivier Laroche à la batterie, Flavie Léger-Roy à la guitare, Sheenah Ko au piano et au vibraphone, ainsi que le quatuor Lunes [Catherine Mailloux, Marion Portelance, Sarah-Eve Vigneault et Jeanne-Sophie Baron]) nous ont prouvé ce qu’on savait déjà : David Bujold sait écrire des maudites bonnes tounes. Quel que soit leur habillage (chemise à carreaux ou petit body avec de la dentelle), il y a de quoi pour toutes les oreilles.

Tout d’abord, il y a le répertoire. Pour cette prestation unique, Bujold est allé piger un peu partout, de son premier EP à son dernier album. On a pu autant entendre Lazare que Beurrée de marde.

Il y a ensuite les arrangements, auxquels a participé Pierre Alexandre. Comme l’a dit si bien Bujold pendant le spectacle, on aurait pu tout simplement déploguer les guitares, ajouter des cordes et du piano, et on aurait été en voiture, mais ici, Fuudge est allé beaucoup plus loin. Les cordes n’ont pas juste été ajoutées, elles ont été carrément intégrées, tout ça en ne volant pas le show.

Les harmonies vocales, magnifiques, font aussi partie du lot. On s’en rend pas trop compte dans les shows branchés parce qu’on est en pleine tempête sonore, mais la gang de Fuudge ont des pas pires voix pantoute, surtout quand ils les unissent. Et là, dans un contexte où la sobriété est de mise, on a comme eu un match parfait.

Et y’a les guitares et la basse acoustiques. Au lieu du chaos (contrôlé) des shows réguliers, on a pu ici apprécier tout le talent de Bujold, Léger-Roy et Alexandre. C’est tight. Vachement tight. Pour du grunge psychédélique garage joué comme si on était sur le bord du feu, c’est crissement tight. Derrière, à la batterie, on a pu apprécier un Olivier Laroche beaucoup plus subtil. Et au piano et au vibraphone, Sheenah Ko, plutôt effacée, qui joue son rôle avec maestria.

Comme je l’ai mentionné au début, j’ai souvent eu l’impression d’être dans les studios de MTV au début des années 1990. Au lieu de Nirvana, y’avait Fuudge. Avec des cordes, du vibraphone, pis des tounes en français. Y compris une reprise de la bande de Seattle, et une autre de Francine Raymond (c’est la troisième fois que j’entends des artistes reprendre Francine en 2021, je tenais à le mentionner). Vous allez me dire que Pour l’amour qu’il nous reste, c’est pas The Man Who Sold The World, mais on s’en fout. La vibe était là.

Déplogué, Fuudge nous montre à quel point les fondations de ses chansons, habituellement recouvertes de fuzz, sont solides. Ce regard neuf sur des pièces qui me font tripper chaque fois que je les entends live, c’est pour moi un méchant beau cadeau.

On est vraiment gâtés.

Vous l’avez manqué? Désolé. Heureusement, il reste l’album :

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