Le déconfinement était synonyme de reprise des spectacles et des tournées. Si certains bands ont eu plus de difficulté à se faire une place entre les rebooking des artistes précédemment annulés, le groupe Bon Enfant a quant à lui une des plus belles tournées de l’été. Question d’en savoir un peu plus, je suis allée à leur rencontre à Pont-Rouge pour les suivre par la suite dans le Bas-St-Laurent. Au courant de ces trois soirs, j’ai eu la chance d’en savoir un peu plus sur la dynamique du sympathique quintuor.
La reprise
Même si Bon Enfant a pu se retrouver à la programmation de plusieurs salles au courant de la pandémie, le milieu a tout de même connu d’importantes pauses et les audiences se sont vues sujettes à de nombreuses limitations. C’était donc un réel plaisir pour les membres du groupe de reprendre les routes d‘un Québec un peu plus lousse que celui des derniers mois. L’été est bien chargé pour les musiciens de la formation. En plus de Bon Enfant, les kilomètres ne manquent pas pour Alexandre Beauregard (basse) qui roule parallèlement une deuxième tournée sous le nom d’Alex Burger. Pour sa part, Étienne Côté (batterie) lançait en mai dernier son premier album sous le nom de LUMIÈRE. De ce fait, le multi-instrumentiste profite également de quelques opportunités supplémentaires.
Toutefois, tous ces spectacles vont bon train et l’énergie semble au rendez-vous. « À date, on a eu de beaux shows dont des festivals en région. Y’a moins de monde qu’avant, mais il y avait quand même des 200 personnes. C’était le fun. C’était pas aussi free qu’avant, mais c’était pas gênant, pas comme cet hiver quand on faisait des shows devant trente personnes assis avec des masques », s’enthousiasme Guillaume Chiasson (guitare).
Plusieurs spectacles ont même affiché complet. Si le show n’a pas beaucoup roulé depuis la sortie de l’album en novembre 2019, Bon Enfant a quand même réussi à se construire un public de fidèles lors de la pandémie. « Ça s’est bâti beaucoup pendant la COVID! Le monde nous découvrait malgré qu’on ne faisait pas de show. Ç’a été cool pour ça, c’était encourageant. Ça nous a fait un petit plaster de voir que le monde aimait ça, que les gens l’écoutaient pendant la pandémie » m’explique Guillaume. Et c’est assez cocasse quand on y pense, parce que presque comme une prémonition, plusieurs chansons de l’album cadraient parfaitement avec nos vies en confinement, notamment la pièce Magie qui parle de combattre la solitude et l’ennui.
« C’est vrai qu’il y avait des coïncidences. C’était quand même vraiment de circonstance sans le vouloir » m’appuie Mélissa Fortin (claviers) alors que je leur partage mon constat. « En espérant que quand les gens écoutent notre album, ils ne repensent pas trop au confinement » rigole Guillaume.
Trois soirs, trois ambiances
Suivre le groupe pendant trois soirs m’a permis de constater que peu importe l’ambiance et le contexte, le public a définitivement adopté Bon Enfant. La première soirée avait lieu au Moulin Marcoux de Pont-Rouge devant l’une des plus petites audiences de leur tournée. Seulement une cinquantaine de billets avaient été mis en vente et il restait quelques places. Rencontrée plus tôt, la responsable de la programmation me confiait avoir préparé une programmation assez audacieuse pour la petite salle sachant que le public y serait limité en nombre. Bien que les spectateurs étaient moindres, la foule était des plus généreuses et presque la totalité des gens présents sont passés féliciter les musiciens après le spectacle.
La deuxième soirée avait lieu au Bic, plus précisément à St-Fabien. Organisée par le Vieux-Théâtre, la prestation avait lieu dans la cour arrière de la bibliothèque municipale du Bic. Qui dit dehors, dit un peu plus de liberté. Les gens se sont rapidement levés pour danser et exprimer leur enthousiasme. Pour moi, il y avait de quoi de magique ce soir-là. J’étais nu pieds dans l’herbe, ça sentait la transpiration, on m’a renversé de la bière et du vin dessus. Un « vrai show » quoi! Encastrée dans une porte de garage, la scène était presque au même niveau que le public créant une proximité intimiste avec Bon Enfant. Puisqu’aucun éclairage n’avait été prévu, on voyait à peine le visage des musiciens à l’exception d’Alex qui s’était équipé d’une lumière frontale rouge. L’expression passait donc majoritairement par la musique et les interactions qu’avait Daphné Brissette (voix) avec le public. Celle-ci nous a d’ailleurs raconté les péripéties qui avaient marqué leur journée.
J’avais questionné le groupe la veille sur leurs anecdotes de tournée. On m’avait alors répondu que cela avait été relativement tranquille, que rien de marquant n’avait eu lieu. J’ai peut-être jeté le tout dans l’univers! Ce matin-là le groupe était allé déjeuner dans un restaurant de Donnaconna. Une fois à l’intérieur, ils ont constaté qu’un des clients gisait sans vie sur sa table. Le genre de proximité avec la mort qui te marque pour un moment! Malheureusement, ce décès n’était pas le seul de la journée. En route vers le Bic, c’est la transmission d’Alex qui a rendu l’âme, forçant le bassiste à laisser sa voiture à Saint-Jean-Port-Joli.
Finalement, la troisième soirée de l’aventure se terminait à la microbrasserie La Baleine Endiablées de Rivière-Ouelle. Ce petit village du Kamouraska offre une vue sublime où l’on peut observer le coucher soleil s’éteindre derrière les montagnes de Charlevoix. Rechargés à bloc, on était tous prêts pour cette troisième soirée de suite. La salle était remplie à sa pleine capacité COVID et les gens étaient rassemblés par bulle. L’ambiance était festive et le public chantait et dansait sur place. Climatisée par quelques ventilateurs, la température ardente dans la microbrasserie nous a laissés trempés à la lavette. Après le spectacle, c’est sur la terrasse que les gens ont continué de festoyer permettant de ce fait au public de boire un verre avec les membres du groupe.
Entre deux albums
La tournée qui aurait normalement eu lieu en 2020 a laissé place à la création de nouvelles pièces qui constitueront un deuxième album. Celui-ci devrait paraître vers la fin de 2021, mais certaines des pièces trouvent déjà leur place dans cette tournée estivale. Il en résulte ainsi un programme hybride, un mélange d’hier et de demain bien ancré dans le présent. En ce sens, le deuxième spectacle de mes trois jours avec Bon Enfant avait un petit quelque chose de particulier, de nostalgique. « On avait fait une résidence au moulin du Bic moi pis Guillaume. C’était au début de Bon Enfant, Mélissa n’était même pas encore dans le band, y’avait juste Étienne. C’était vraiment embryonnaire encore, donc il y a vraiment de quoi de particulier pour nous au Bic » m’explique Daphné. En effet, chaque été on peut voir différents artistes au Moulin. Une page Facebook est même dédiée à ces résidences.
Curieuse d’en savoir plus sur leurs inspirations, je leur ai demandé s’il y avait un petit côté grandeur nature derrière ces premières pièces. « On trippait beaucoup sur le médiéval quand on a fait le premier (album). Je suis quand même fan de fantastique » continue Daphné avec enthousiasme. « C’est sûr que ça a teinté l’univers de l’album. Y’est comme plus hippie aussi. Le prochain, je le trouve différent. Peut-être que quelqu’un d’externe va me dire que c’est une suite logique et qu’on reconnaît le band. C’est sûr que tu n’es pas dépaysé, mais on explore d’autres territoires quand même » Pour Guillaume, cela reste des chansons pop, mais avec un côté plus rock où ils explorent d’autres aspects de leurs différentes influences. « On va dans des zones qui sont plus too much, on essaye de l’assumer pis je ne pense pas que j’aurais accepté ça au premier album » avoue Daphné. « C’est plate un band qui fait toujours le même album. On veut changer de direction un peu ».
Selon Daphné et Guillaume, on propose sur l’album à venir un contenu varié et diversifié où tout le monde peut y trouver son compte. C’est d’ailleurs majoritairement ces deux-là qui ont travaillé sur les bases des nouvelles pièces, confinement oblige. « On avait moins de sources différentes d’inspirations. Fallait travailler plus fort pour se créer un univers dans notre appartement parce qu’on ne voyait plus de gens. Habituellement, dans la vie, tu sors dans un bar et tu rencontres du monde, il t’arrive des choses pis ça te donne du juice pour créer. Tu vas voir un show pis t’es comme wow c’est dont bin hot ce son-là ou ce riff-là pis ça te donne du gaz pour tes tounes. Là c’était juste par nous-même. On s’est mis en position pour l’écrire, on était inspiré, mais d’une autre façon. C’est ça qui a été le challenge, de trouver d’autres sources d’inspirations. Fallait s’auto-inspirer. On s’est vraiment créé une sorte de bulle dans notre appart » témoigne Guillaume.
Pour Daphné, l’écriture représentait un facteur de protection. « Ça m’a vraiment aidé à passer au travers du confinement. J’étais tout le temps en train de penser à l’album. Ça remplissait un peu tous les trous désagréables. Peut-être que ça frôlait la folie des fois, mais j’étais vraiment là-dedans. Même que je dois avouer qu’une fois que ma job était faite, j’ai pogné une espèce de gros down. Ça tellement occupé mon esprit pendant longtemps que je savais pu quoi faire. » C’était effectivement un peu malsain par moment confirme Guillaume : « Normalement y’a un équilibre, tu composes pis tu sors faire des shows. Là on était juste dans notre bulle de création. On a commencé à écrire l’album en avril, mais y’a pas eu de gros breaks ou de tournée. On était juste là-dedans pendant un an pis après c’était l’enregistrement. Le moment où on voyait du monde, c’était quand on faisait des vidéoclips ».
Dans tous les cas, de ce que j’ai pu constater des pièces au setlist, cette période de création a été plus qu’efficace. Le nouveau matériel ne manque pas de punch et s’il est effectivement différent et plus chargé, il en reste totalement accrocheur. Le parterre peut bien se tenir, parce que quand ils en feront la tournée, on aura assurément le droit de danser en masse et de faire des mush pits à l’avant-scène!
Six humains si attachants
Si j’ai pu me familiariser avec les nouvelles pièces, j’ai aussi appris à connaître les six personnes merveilleuses derrière le projet (les cinq musiciens accompagnés cette fois de Miguel Marcel comme soundman). S’il y a parfois des accros dans certains groupes, je n’ai détecté aucune tension entre les membres de Bon Enfant. Au contraire, j’ai pu y voir de l’ouverture, de l’empathie et beaucoup de respect mutuel. On perçoit rapidement l’esprit de bonne fratrie qui les unit. Leur complicité est palpable et les insides sont nombreuses. Mélissa, Daphné et Étienne partagent d’ailleurs ce qu’ils appellent tout simplement « le costumier ». Ayant sensiblement la même physionomie, ils garnissent et pigent tout bonnement dans la même valise pour choisir leur tenue de la soirée.
J’ai également constaté la générosité et l’accueil dont fait preuve Bon Enfant envers son public. J’ai été notamment touchée par la façon dont Alex s’intéresse à ceux qui viennent à sa rencontre en faisant preuve de curiosité et d’écoute active, et cela après chacun des trois spectacles. Cette relation entre artistes et publics influence tellement l’expérience et l’appréciation qu’on retire et Bon Enfant navigue avec aisance au travers de cette masse humaine.
Plus personnellement, j’avoue avoir vécu un petit deuil à mon retour dans la Capitale-Nationale. Je remercie sincèrement Daphné, Guillaume, Mélissa, Étienne, Alex et Miguel de m’avoir permise de me joindre à eux. Ce bref instant dans leur univers me laisse la tête pleine de souvenirs. Quant à toi, si tu m’as lu jusqu’ici et que tu n’as toujours pas ton billet pour Bon Enfant, il reste encore plusieurs spectacles au calendrier. Je t’encourage à consulter leur site web dès maintenant pour trouver la prochaine date près de chez toi! Awaye go!