Ah, ce moment où tu claques la portière, tu sacres la musique dans le piton pis tu pars full pine en road trip loin de la maison pour aller couvrir un festival. Cette fébrilité qu’on ressent à son premier événement dehors de la saison, cette hâte de retrouver de vieux potes de pit photo, de communier avec les artistes et le public. Cet empressement à retrouver un semblant de normalité après plus d’un an à vivre à coups de tout petits événements, de fêtes de rues, de chilling au parc.
Tout ça pour dire qu’on avait donc hâte d’asseoir nos fesses au Jardin des Ursulines de Trois-Rivières pour lancer l’édition 2021 du Festivoix. Après une année de jachère forcée, ce festival urbain est de retour avec une programmation certes réduite, mais tout de même assez proche de ce qu’on peut normalement y trouver. Tout ça, en toute sécurité, et avec une relative liberté qui nous a permis de lâcher notre fou comme on n’avait pas pu le faire depuis mars 2020.
On ne s’étendra pas trop sur les mesures de sécurité. On suit les consignes, et on est ben content de voir que les festivals font de même, même si ça doit être frustrant de voir que d’un côté, on tolère des rassemblements de plusieurs milliers de personnes pour le hockey alors qu’on met tant de bâtons dans les roues des organisateurs de festivals qui doivent rivaliser d’ingéniosité pour offrir aux spectateurs une expérience à la fois riche et sécuritaire. Tout ce qu’on aimerait dire au monde, c’est qu’un enclos, c’est fermé. Une zone d’écoute, c’est ouvert sur au moins un côté. Et c’est ça que le Festivoix a proposé. Des zones d’écoute où toutes les bulles pouvaient lâcher leur fou si elles en avaient envie au lieu de rester sagement assises sur des chaises en plastique inconfortables.
On vous présente notre bilan de cette première journée riche en émotions de toutes sortes.
Elisapie
J’étais donc content de retrouver la petite scène du Jardin des Ursulines. En formule cabaret, avec ses petites tables entourées de chaises, c’était l’endroit idéal pour voir des shows tout doux (et/ou remplis d’émotions), et c’était exactement ce qu’Elisapie allait nous proposer. Si vous avez vu l’autrice-compositrice-interprète inuite en concert pendant sa tournée The Ballad of the Runaway Girl, vous auriez été dans votre zone de confort, puisque le programme ressemblait pas mal à ce qu’on a nous-mêmes entendu à quelques reprises.
Si Elisapie était visiblement contente de nous présenter ses chansons pour la première fois depuis des lunes, il y avait un petit quelque chose de plus, un bouleversement palpable qui découle d’une année particulièrement rough pour l’ensemble des Autochtones du Canada. Ça avait commencé avec Joyce, et ça a fessé encore plus fort avec les « découvertes » entourant les pensionnats autochtones.
On sentait ce bouleversement ici, et ce dès les premières notes de la toujours excellente Qanniguma (maudite belle chanson pour commencer une prestation, à mon avis). D’ailleurs, ça a pris quelques chansons avant que la chanteuse nous glisse quelques mots, elle qui est d’ordinaire assez loquace. Pourtant, une fois la gorge dénouée, on a retrouvé l’Elisapie des beaux jours, celle qui profite de l’occasion pour rapprocher les êtres humains.
Musicalement, on a surtout entendu les gros morceaux du dernier album (Don’t Make Me Blue, Wolves Don’t Live By The Rules, Darkness Bring The Light, Ton vieux nom, Arnaq), des chansons que ce public de tous âges a écoutées religieusement pour ensuite les applaudir vigoureusement. Parlant d’applaudissements vigoureux, qu’elle était belle, cette ovation à la fin de la prestation qui a incité Elisapie à revenir nous jouer Forefathers! Difficile de faire mieux pour lancer un festival. (Jacques Boivin)
Plants and Animals
Plants and Animals c’est le travail de Warren Spicer, Nicolas Basque et Matthew Woodley. Les trois membres de cette formation montréalaise évoluent ensemble depuis près d’une vingtaine d’années. Inutile de dire que depuis Parc Avenue (2008) et leur cinquième album, The Jungle (2020), le groupe a su se renouveler.
Leur prestation rassemblait majoritairement de leurs titres les plus récents. Leur son indie rock est empreint de textures et les sons électroniques y sont nombreux, en studio comme sur scène. Les yeux fermés on croirait définitivement que l’ensemble est bien plus grand qu’un trio. Parions qu’ils auront réussi à conquérir les plus néophytes qui avaient acheté leur billet pour The Franklin Electric. (Noémie Rocque)
The Franklin Electric
Tête d’affiche de cette première soirée du Festivoix, The Franklin Electric a réussi à se tailler une place de choix sur la scène anglophone québécoise. Comme chaque fois, Jon Matte et son équipe ont offert une prestation irréprochable. La voix puissante de l’auteur-compositeur-interprète résonnait dans l’espace avec justesse. Au début de la pandémie, le groupe a d’ailleurs revisité certaines pièces en version reimagined, des versions imaginées autrement, principalement acoustiques délaissant les sons synthétiques pour les sons organiques.
Le programme préparé incluait d’ailleurs ces versions et quelques nouveautés qui se retrouveront sur leur prochain album à paraître à la fin octobre. Si le groupe excellait dans leur façon d’utiliser l’espace sonore, à jouer avec des ambiances lourdes et épurées, ces montées et ces descentes tendent à s’assouplir laissant l’impression que The Franklin Electric perd tranquillement de leur essence qui leur permettait de se démarquer dans l’abondance de ce style populaire. Néanmoins, la foule était au rendez-vous et témoignait son appréciation. On peut donc dire que ce deuxième passage des musiciens au Festivoix est, encore une fois, une réussite. (Noémie Rocque)
Antoine Corriveau
Ma première réaction en voyant Antoine Corriveau en concert pour la première fois depuis près de deux ans : « Y saute, lui? »
Comprenez-moi, je sais qu’Antoine sait rocker. Il est un christie de bon guitariste, je l’ai déjà vu faire des trucs endiablés sur les chansons plus tranquilles de ses trois albums précédents. Et sur scène, Antoine a toujours été pas mal plus souriant que ses chansons.
C’est pour ça que j’avais hâte de voir comment il allait défendre les chansons de Pissenlit sur scène. J’ai eu ma réponse dès les premières notes de Quelqu’un, lorsque j’ai pas pu m’empêcher de lâcher un gros « AYOYE TABARNAK » bien senti. Avec Stéphane Bergeron (fidèle au poste derrière sa batterie), Sheenah Ko (encore une fois divine aux claviers), Nicolas Basque (payé en heures supplémentaires, j’espère, parce que son jeu de guitare est é-coeu-rant) et Michel-Olivier Gasse (à la basse – il avait le look le plus badass de toute la gang), Corriveau avait tout ce qu’il fallait pour électriser une crowd qui avait envie de danser (on s’est d’ailleurs laissé un peu aller, allant même à la limite du « pogotage » et ayant eu une grosse envie de « surfoulement » qu’on a dû réprimer).
Tout était plus lourd, plus pesant, plus désinvolte. Pis, avouons-le, même le grand fan d’Antoine ici présent a trouvé ça beaucoup plus le fun. Les grosses tounes comme Maison après maison sont des occasions de faire du headbanging, on se permet des jams de trois minutes (bien timés avec un chronomètre à la vue de tous) sur Croix blanche, on ajoute un peu de punch à du vieux stock comme Je sors dehors (ça faisait longtemps), on double la durée de Kenny U Pull, on retourne avoir le motton avec Les sangs mélangés (où Sheenah te garroche en toute beauté le bout en spoken word d’Erika Angell) et on danse comme des fous sur Ils parlent.
Oui, oui! Après des années à nous dire avec un brin d’ironie qu’il fait de la musique pour la danse, Antoine Corriveau nous fait danser comme s’il n’y avait pas de lendemain! C’est quoi, la prochaine étape? Un moshpit? J’pense que oui!
Tout ça s’est terminé avec un rappel fort mérité sur En Corolla au Canada, qui n’est pas une chanson d’amour à propos de sa Toyota (contrairement à ce que certains auraient dit – je sais pas du tout de qui il parle), mais une chanson sur l’amour. OK, Antoine, je vais te l’accorder. Mais je pense que t’es amoureux de ton char pareil, tu la chantes avec beaucoup trop d’émotions.
On remet ça quand, au juste? (Jacques Boivin)