Avec ma nouvelle chronique Découvredonc.ca, je vous invite à découvrir une panoplie de projets musicaux émergents de la ville de Québec. Depuis mon arrivée dans la Capitale-Nationale, en 2017, j’ai l’impression d’entendre un nouveau band local à chaque semaine; j’ai donc eu l’idée de partager mes coups de cœur méconnus pour ecoutedonc.ca.
Non-Lieu
En 2018, j’ai fait partie de la courte et enrichissante aventure du projet Our Home in Space. C’est le premier band dans lequel j’ai joué lors de mon arrivée à Québec. Je n’étais pas encore familier avec le milieu musical de la capitale, mais je connaissais bien sûr quelques gros noms, comme (feu) Harfang ou Ghostly Kisses, sans plus. Lors de notre spectacle de lancement, au Petit Théâtre de Québec, la première partie était assurée par le groupe coldwave Non-Lieu. On a aussi partagé un plateau double avec eux lors de la sixième édition des Nuits Psychédéliques. Une histoire d’amour était née entre l’hypnotisant duo de Québec et moi.
Thomas Denux-Parent, qui œuvre aussi au sein du groupe Palissade, est le compositeur principal de Non-Lieu. Pendant une période plus creuse de Palissade, il commence à composer des chansons minimalistes avec un côté plus froid, surtout pour le plaisir. Lorsque Catherine Roussel, amie et bandmate de Thomas dans Palissade, entend les pièces, elle lui offre de se joindre à lui pour les produire live.
Alors aux études en sociologie, Thomas tombe sur le concept de non-lieu, défini comme tel par l’anthropologue Marc Augé: »Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu. » Cette idée de lieu qui est dénué de relations humaines avait quelque chose d’inspirant pour Thomas, vu le caractère froid et impersonnel du projet.
C’est à 14 ans que Thomas commence la musique, en jouant du Blink-182 avec son frère et ses cousins. Au cégep, il entreprend un DEC en musique au CNDF, mais l’intérêt n’y est pas. Au fil de mes chroniques, j’ai d’ailleurs pu m’entretenir avec plusieurs autres compositeurs plus instinctifs que techniques, qui, comme moi, ont éprouvé certaines difficultés avec les cours théoriques. C’est la même chose pour Thomas qui compose alors déjà et n’adhère pas trop à « l’institutionnalisation » de la musique. En 2016, il fonde Palissade, groupe dans lequel il joue de la guitare. Puis, en 2018, un hiatus dans Palissade combiné à une blessure à la cheville le poussent à pré-produire le EP Les Fantômes du passé. Lors de la dernière année (pré-pandémie), il s’est surtout consacré à l’écriture du premier album éponyme de Palissade en compagnie de Catherine Roussel et de Martin Labbé, le troisième membre du groupe. Cet album s’est d’ailleurs attiré des éloges chez nos voisins du sud, qualifié de magnétique par le blog post-punk Obscura Undead.
C’est surtout pour le plaisir de partager la scène avec ses amis et pour les nouveaux liens qui se tissent avec ses collègues musicien.ne.s que Catherine et Thomas font de la musique. Je dois préciser que Québec, c’est un microcosme musical vraiment particulier; la compétition n’existe pas vraiment, tout le monde se soutient et s’encourage. En discutant tous les trois, on constate même que le sentiment d’accomplissement qu’apporte la musique dans nos vies est décuplé par le fait que la gang est vraiment accessible, qu’on écoute tous les projets des autres et qu’on s’apprécie tou.te.s. Il est même fréquent, lors des concerts, qu’on puisse reconnaitre plusieurs artistes d’ici qui viennent tripper et jaser comme si on était des amis depuis toujours.
Évidemment, la composition pour Non-Lieu débute aux synthétiseurs. Thomas utilise un Elektron Analog 4, un synthé ultrapuissant particulièrement populaire dans le monde acid/trance. Pour les néophytes, je vous dirai seulement qu’un Analog 4 permet de jouer simultanément 4 »séquences » et, quoiqu’il soit plutôt complexe à utiliser, est reconnu comme étant extrêmement versatile, permettant presque d’infinies possibilités. Les pistes obtenues sont ensuite exportées dans Ableton, où Thomas peaufine les arrangements et ajoute les drum-machines, autre instrument classique du coldwave. En spectacle, il en utilise d’ailleurs quelques-uns, alors que Catherine joue les lignes principales sur de petits synthétiseurs.
J’adore vraiment la version live du projet, justement parce que Catherine joue ses lignes sur des claviers, ce qui apporte une fluidité rafraichissante dans un projet qui se veut monotone et plutôt froid (c’est du coldwave, après tout). Le groupe a certainement l’attitude détachée propre au genre, sans toutefois tomber dans le snobisme ou la nonchalance. Au contraire, ils ont plutôt l’air de deux geeks timides, attachants et authentiques. J’hésitais même à sortir ma chronique sur Non-Lieu tout de suite, parce que j’aurais vraiment aimé pouvoir plugger un de leur show au passage. C’est difficile pour moi de décrire la dynamique du groupe en prestation, à cause de leur caractère unique. Sans dire que leur musique crée un malaise, c’est épatant de voir la foule qui hésite entre danser, sauter ou se prendre des leurs bras et fondre en larmes. On a tous hâte de revoir des shows (ou d’en refaire!) et Non-Lieu est assurément en haut de la liste des groupes que j’ai hâte de revoir live.
À ajouter à votre liste de lecture si vous aimez Indochine, Depeche Mode, Lebanon Hanover, si vous aimez les synthés et les années 80.