Le 17 mai est la journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. Fondée en 2003 en tant que journée nationale par la fondation québécoise Émergence, celle-ci est soulignée aujourd’hui dans plusieurs endroits à travers le monde, dont certains pays où la diversité sexuelle et de genres est encore bien loin d’atteindre l’équité juridique. Pourtant, ici, malgré l’ouverture sociale et politique de notre société, il est encore difficile de trouver sur nos scènes des modèles LGBTQ+.
Curieuse sur le sujet, je me suis entretenue avec Narcisse, personnalité non-binaire originaire de la Beauce et de plus en plus présente dans le milieu émergent. Mais d’abord, qu’est-ce que la non-binarité? Ce terme est utilisé par les personnes qui se définissent comme n’étant ni exclusivement homme, ni exclusivement femme. Ainsi, pour chaque personne non-binaire, la façon de vivre et d’exprimer son genre est propre à l’identification qui la représente, tout comme le choix du pronom qu’elle choisit d’utiliser.
Dans le cas de Narcisse, on priorise le iel, un pronom non-genré. Dans la section À propos de sa page Facebook, on peut d’ailleurs voir la mention “neutre” dans la catégorie du genre. Pour iel, sa non-binarité se manifeste par le refus des stéréotypes féminins ou masculins. « Pour moi, neutre c’est un peu ça. C’est juste de se dire que je ne corresponds pas nécessairement aux critères établis parce que je ne me vois pas comme une femme ou comme un homme. Longtemps, j’ai trouvé ça lourd parce que la société est bâtie en fonction de correspondre à ce que c’est que d’être un homme ou une femme. La découverte de la non-binarité et de la fluidité du genre, ça m’a sauvé la vie, ça m’a permis de me rendre valide et de réaliser qu’il y avait d’autres personnes qui étaient dans le même bateau que moi et qui n’arrivaient pas à nommer certaines choses ».
Malgré cette neutralité, on note que dans certaines chansons iel utilise le féminin. « Dans le cas de la chanson Narcisse, je l’ai écrite avant d’utiliser le iel et de m’identifier comme non-binaire. C’est enregistré et je ne peux plus le modifier, mais maintenant je réalise que c’est comme une discussion avec moi-même, que dans un sens, je parle à mon côté féminin » m’explique l’artiste. De plus, le français, aussi beau et complexe soit-il, apporte son lot de défis lorsqu’on tente d’exprimer la neutralité du genre. « Le iel, en chanson, a une drôle de sonorité, donc l’intégrer je trouve ça encore difficile. La langue française nous a vraiment emprisonné dans des cases binaires et il n’y a pas grand-chose qu’on peut faire à l’oral pour que ce soit fluide. Il faut reformuler nos phrases et s’habituer à une autre sorte d’écriture ». Un travail d’esthétisme auditif en constante progression.
La pièce Trance_Formation a elle aussi été écrite lorsque Narcisse était en découverte de iel-même. « À la base, cette chanson-là était par rapport à mon égo. C’était une période où j’ai commencé à plus sortir dans les bars et où j’ai découvert une nouvelle partie de ma personnalité que je ne connaissais pas. En show, c’est à ce moment-là que Philip Després, (alias) Utopia, arrive. Il chante un bout de la toune, on établit une relation et à la fin on s’embrasse. Pour moi, c’est devenu une espèce de relation entre le féminin et le masculin, un peu comme la transformation de quelqu’un vers quelque chose d’autre. Avec le temps, ç’a évolué vers la connaissance de soi-même et d’accepter cette transformation-là, d’accepter qui on est ».
Avec Utopia, Philip s’exprime sans contrainte d’expression du genre. Talons hauts, perruques colorées, vêtements extravagants, tout y passe. Ainsi, le duo représente sur la scène une diversité forte et présente au public des modèles en dehors des boîtes de la binarité. « Je pense que le plus beau cadeau qu’on peut faire pour la communauté c’est de lui donner une visibilité et de lui donner une place dans le portrait culturel. [Des modèles,] il y en a de plus en plus et c’est une bonne chose, mais il n’y en a pas tant que ça. Avec Narcisse, quand ça a commencé à grossir, je me suis rendu.e compte que, juste le fait d’avoir une plateforme, de faire de la scène et de parler avec beaucoup de gens, c’est la meilleure façon de faire une éducation. J’essaie de le faire de la façon la plus passive possible pour aller rejoindre le plus de gens. Juste le fait que moi et Philip on soit là, déjà, ça remet quelque chose en question dans la tête des gens. Puis après, c’est vraiment avec les clips que je peux donner une visibilité à la communauté ».
Effectivement, qu’ils s’identifient ou non comme faisant partie de la diversité sexuelle et de genres, tous les artistes peuvent être des alliés et contribuer à la visibilité de la communauté LGBTQ+. Notamment, par la création de contenus visuels tel que les vidéoclips, ils peuvent véhiculer les valeurs d’un monde inclusif et diversifié. C’est exactement ce que propose ici Hansom Ēli.
En tant qu’alliée de la communauté LGBTQ+, j’ai été énormément touchée par la vidéo de Soho qui présente une variété de couples. Émue, j’ai questionné Camille sur le processus créatif à l’origine de la pièce. « Si on découvre Soho, on comprend une histoire d’amour. Une histoire difficile où on peut imaginer la peur de l’attachement et de l’engagement en raison de la distance que deux personnes peuvent avoir entre elles. Initialement, on avait un tout nouveau défi; d’écrire un texte naviguant du français à l’anglais. Pour l’écriture, il est toujours plus facile de créer en pensant à nos expériences, car ce sont elles que l’on conserve en nous.
En travaillant sur le vidéoclip, je me suis basé sur ma réalité afin de transmettre certaines idées. Il était important pour moi de montrer que l’amour n’a pas de genre. Il ne voit pas les nuances de couleurs et n’a pas de préjugé. L’amour n’est pas arrogant, il accepte d’où on vient et ce qu’on a vécu. Je voulais que ça soit simple à comprendre sans devoir y mettre des mots. Souvent, à travers l’image, on peut plus facilement faire passer un message, car si on voit cette sensibilité, on commence à comprendre notre intelligence émotionnelle ». En ce sens, j’ajouterais que la force des images de Soho réside dans l’absence de stéréotypes. On y présente l’amour avec naturel et simplicité.
Que ce soit dans les clips, sur scène, en entrevue ou simplement en nous affichant tel que nous sommes, on contribue à changer les choses. « À force d’en parler, c’est vraiment étonnant de voir à quel point c’est facile d’avoir une conversation avec les gens et qu’ils sont vraiment plus ouverts qu’on le pense » me le soulignait Narcisse. Du fond de mon cœur, j’espère que de plus en plus d’artistes auront le même courage d’afficher leurs couleurs, car c’est ensemble, peu importe notre orientation sexuelle ou notre identité de genre, qu’on va devenir des acteurs de changements et d’ouverture. La scène offre une tribune de choix et, comme le dit Narcisse, les artistes « dégagent tellement d’amour sur la scène que, au final, dans la salle, ça se sent et c’est super intéressant de voir qu’une fois qu’on a donné autant d’amour et qu’on en a reçu, que c’est facile d’ouvrir certaines portes sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genres ».