Mon Doux Saigneur (+ Élégie) : Lancement de l’album « Horizon »
Le D’Auteuil, 5 mars 2020
À l’occasion du lancement de son deuxième album, Horizon, Mon Doux Saigneur a invité nos voyous préférés à les précéder sur scène au D’Auteuil, histoire de nous faire vivre un moment aussi intense qu’agréable. Pari tenu, même que les gars d’Élégie – et Ann-Lydia Plourde, qui les a rejoint récemment derrière les claviers – ont pu trouver quelque chose à lancer, eux aussi. Compte-rendu qui déborde : de mots, de vers d’oreille, de talent et de magie. De soleil.
Élégie
À l’heure due : guitares, batterie, compositions d’une force adolescente, cuir, rouge satiné, noir. On a reconnu d’emblée les couleurs et les textures du manifesto anti-robot et, plus largement, de la révolte et de la fête. Élégie nous a présenté, « en l’honneur des aliens communistes », quelques chansons inédites qui, pour certaines, reprenaient encore clairement les étiquettes post wave et new punk que le groupe revendiquait déjà avec leur maxi Nuances de pourpre.
Après avoir rendu hommage au drame avec autant de fougue qu’à leur habitude (et même avec une touche psychédélique supplémentaire), les musiciens ont fait apparaître d’autres couleurs sur Flammes : celles des 50 $ de mini eggs de Cadbury que Lawrence Villeneuve distribuait dans la foule du haut de son échelle, chantant qu’il saluait ses amis. Le groupe local a terminé avec une autre composition inédite qui s’est soldée par une finale toute en percussion, achevant de réchauffer le public qui s’en venait nombreux.
Mon Doux Saigneur
Quand ça a commencé, le rideau noir du D’Auteuil était tendu entre nous et Mon Doux Saigneur. Une musique d’atmosphère nous préparait à recevoir l’inondation de lumière qu’a déversée la levée du voile. Les six musiciens – soit les cinq membres permanents du projet d’Emerik St-Cyr Labbé et Étienne Côté, aux percussions et à la voix – ont donné vie à Tempérance, instrument en main ou bolo au cou. Malgré les quelques difficultés techniques du départ, le groupe a commencé à se mettre à l’aise sur scène avec L’eau, faisant résonner lap steel, batteries, guitares, basse et claviers.
Emerik s’est avéré toujours aussi inventif dans la transposition de ses paroles ondoyantes: sur Primitif (qu’on commence à bien connaître puisqu’elle est tirée du premier album) la plus belle avenue du monde c’était « Saint-Roch country », le 5 mars dernier. Les musiciens laissaient également évoluer leurs lignes mélodiques, rythmiques ou harmoniques en s’improvisant quelques jams. Traîne-Marie et ses airs nonchalants vibraient donc particulièrement sous le groove d’Étienne Dupré à la basse, tandis que les autres s’y sont tous mis de concert pour la finale d’Horizon. C’est dans ce temps-là qu’on se rend compte qu’un album, c’est avant tout une photo, une capture fixe de quelque chose de bien plus vivant.
Juste après la pièce-titre, David Marchand a accompagné l’auteur-compositeur-interprète et sa guitare au pedal steel pour Content. Ceux qui écoutaient attentivement auront capté la beauté mélancolique de la chanson, escale d’immobilité avant de repartir vers l’entrain de Patience et d’Awaye. Awaye, le petit parté instrumental juste comme il fallait pour faire lever l’ambiance, et pendant lequel on a pu apprécier les interventions musicales délicieusement inusitées d’Eliott Durocher-Bundock. Quand on était rendus à Aller, ça chantant fort en avant, et Emerik avait su nous convaincre qu’il était bel et bien né pour jouer de la musique.
Ok, aparté. Parlons de musique, là, justement. C’est quoi exactement qu’il faisait d’inusité, Eliott? D’abord, alternant guitare électrique et piano électrique Wurlitzer (tsé celui qui fait le son vraiment typique du premier piano jazz électrifié, ou encore des groupes comme Supertramp), il transformait les sons de ses instruments à l’aide d’un Red Panda Tensor, une pédale qui fait ce que l’on peut traduire librement comme étant de la distorsion temporelle. Main dans la main, promis, je vous explique: avec ça, le guitariste avait accès à une panoplie d’effets: pitch shifter, reverse, loop, etc. Plein d’autres d’affaires qui échappent aussi à mon entendement, promis. Ça lui permettait d’entrer une phrase musicale en mémoire (loop) dans sa pédale, d’en changer la tonalité (le pitch) – par exemple en la faisant aller de plus grave vers plus aigu – puis d’inverser la séquence résultante (reverse) pour donner, on se l’imagine, quelque chose de pas mal cool. Voilà, soit c’est clair, soit vous devez me croire sur parole. De retour au spectacle.
En fait, après ça, le spectacle a comme déboulé d’une traite, comme ça arrive quand on trouve le flow. Les musiciens, eux, l’avaient clairement trouvé. Ils se sont lancés sans ménagement dans Hook II puis directement dans Hook bleu, les deux pièces aux rythmes irrésistibles de blues touareg qui te font sauter partout malgré toi. Quelle puissance! Ils ont enchaîné avec Tanné d’attendre, débutée à une lenteur lancinante qui lui donnait des allures de desert rock. Marchand avait troqué le pedal steel contre une guitare pour l’occasion – on s’en est rendus compte – tandis qu’Etienne Côté et Mandela Coupal-Dalgleish redoublaient de complicité pendant le duo de batteries et de percussions qui les a réuni de façon éclatante juste avant Poff poff, sur laquelle tous les musiciens se sont gâtés une finale bien rock. Inutile de vous dire que ça sautait sur le parterre, quand ça ne s’abreuvait pas de musique la bouche ouverte.
Voilà, l’album était lancé.
Si vous les avez manqué, allez donc les voir à Saint-Casimir le 15 mai prochain. On vous jure que ça vaut le détour.