Les mises sont élevées, les enjeux, très importants, ça ne change rien au fait que le Cabaret demeure un concours très relax. On s’en rend compte quand on arrive beaucoup trop tôt, avant les vérifications d’usage du côté sonore, quand les organisateurs sont en train de placer les chaises en riant de bon coeur. Les groupes arrivent, se saluent (c’est fou combien le monde est petit), on assiste ben tranquille au soundcheck des autres. On va faire un petit roupillon aux Balcons, se remplir la panse dans un des magnifiques restaurants du coin (ou au casse-croûte de l’aréna, si vous aimez ça bien gras), respirer un peu d’air frais.
Quand on revient, tout est prêt, tout le monde est fébrile. Les gens entrent tranquillement. On s’installe. Les lumières s’éteignent, le maître de cérémonie Louis-Philip Tremblay prend la parole et remercie la moitié de la planète. Y’en a, des partenaires, au Cabaret, et c’est une bonne chose.
On commence ça avec les gagnants du prix du public de l’année dernière, É-T-É. Comme l’année dernière, je trouve toujours que le trad, c’est pas ma tasse de thé, mais comme l’année dernière, je suis capable de reconnaître que le trio réussit à s’imposer assez facilement avec sa musique entraînante et ses textes ben trad remis au goût du jour. D’ailleurs, plusieurs membres du public ne se sont pas gênés pour taper très fort dans leurs mains et à manifester leur appui en applaudissant entre les chansons. De la musique nichée, certes, mais de la musique nichée de grande qualité.
C’est maintenant l’heure d’entendre les quatre finalistes de cette année, et le sort a déterminé qu’Éli Doyon et la tempête aurait la lourde tâche d’ouvrir les hostilités. Je vous avoue qu’à la troisième soirée de qualifications, je n’avais pas été ébloui par la prestation de la grosse formation, mais Gabriel, lui, avait eu un gros coup de coeur. J’ai donc pas eu le choix d’ouvrir grand mes oreilles et de bien écouter la proposition du groupe.
J’ai ben fait, parce qu’il y a, entre le banjo et les cuivres, un univers archi-complexe rempli de textures qui se superposent. Les mélodies sont chaudes et attirent l’attention. C’est un peu comme si Patrick Watson avait lâché le piano et s’était mis à jouer du banjo dans une fanfare inspirée par les bandes sons de Morricone. Premier coup de coeur de la soirée… y’en aura d’autres!
Le deuxième artiste, Georges Ouel, m’avait fait beaucoup de bien en qualifications. Avec Ouel, rien de trop compliqué, mais on entre dans un univers bien défini, tout en chanson. Quelques éléments visuels bien simples (chemise et noeud papillon pour les musiciens, robe de chambre super confo pour Ouel), des mélodies toutes aussi simples, mais aux lignes très claires, mais surtout, un auteur-compositeur-interprète qui a confiance en ses textes, qu’il nous débite avec un coeur gros comme la salle multi. Les figures de style se succèdent à un rythme fou, la langue d’Ouel claque les syllabes avec une grande précision, et surtout, tout le monde dans la salle se tait pour écouter.
C’est beau.
Deuxième coup de coeur de la soirée. Y’en aura d’autres.
Ça se poursuit avec Comment Debord, qui m’avait fait une fichue bonne impression en qualifications. Oubliez toutes les fois où je vous ai rempli les oreilles en vous disant que Comment Debord avait un petit côté French Pop. Ben oui, il est là, mais en finale ce 30 mars, ce qu’on avait devant nous, c’était un groupe archi groovy, beaucoup trop funky pour se faire coller des étiquettes « pop franchouillarde avec un gros spleen dans la voix ». Une pop entraînante, plus ensoleillée qu’autre chose, des arrangements soignés où les sept (oui, sept) membres de la formation ont chacun une belle place au soleil, même si on remarque davantage les voix croisées de Rémi Gauvin et Alex Guimond, de même que les solos de guitare très bien sentis de Karolane Carbonneau (qui ne fait qu’une avec sa six-cordes). On en aurait voulu une prestation complète d’une heure, mais bon, vous savez ce que c’est, les concours, on n’a droit qu’à une vitrine.
Troisième coup de coeur de la soirée. Et y’en aura un autre.
Ça s’est terminé avec un Alex Burger qui nous a surpris un brin en prenant une tournure beaucoup plus rock qu’aux qualifs (du moins, pour mes oreilles). Moins de country chilleur, plus de rock qui se rapproche du stoner, on vous avoue qu’on a été décoiffée. Même la voix du bon vieux Burger était plus granuleuse! Surprise agréable, s’il en est une, parce que d’habitude, les finalistes nous servent du réchauffé, reprenant la recette qui leur a permis de se retrouver là. Devant lui, une bande d’enfants (qui le connaissaient visiblement très bien) ont pris d’assaut le parterre pour danser comme s’il n’y avait pas de lendemain. Faut croire que les enfants aiment, ça, le rock.
Quatrième coup de coeur de la soirée. Non, y’en a pas eu d’autre, ils sont tous passés!
Le jury est allé délibérer, le public a déposé son vote. Votre humble serviteur a fait son choix.
Ce qui est plaisant au Cabaret, c’est que pas mal tout le monde repart avec quelque chose. Par exemple, tout le monde a mérité au moins une prestation quelque part. Georges Ouel est reparti avec un stage de création à Val-David et une participation sans audition à Granby. Comment Debord est reparti avec le prix ecoutedonc.ca et Alex Burger, celui du Pantoum.
Mais bon, vous aimeriez savoir qui a remporté le prix du public? C’est Comment Debord. Comme quoi je n’ai pas été le seul à tomber sous leur charme. Le prix du jury, lui? Dans une décision partagée, le jury a choisi Alex Burger, qui repart avec les grands honneurs.
Une maudite belle édition du Cabaret. Difficile de choisir un gagnant quand les projets sont aussi bons, quand tu donnes au moins 9/10 à tous les bands. Ceux-ci étaient tous prêts, leurs projets tous bien définis, tous excellents. Les plus faibles de cette soirée auraient pu remporter le Cabaret les années précédentes.
Ça ne montre qu’une chose : notre relève est très forte, nos artistes sont excellents. L’avenir de notre scène musicale est entre de bonnes mains.
On va être là pour le 10e cabaret l’hiver prochain. On espère que vous y serez aussi.