Il a les moves, le smile et porte l’éloge dans son nom; je parle ici des Louanges. On entend beaucoup parler de lui ces temps-ci, et la question est : peut-on dire qu’il mérite un tel hype? Oh. que. oui. Mais bon, ce n’est pas d’un discours de fanatique dont on a besoin aujourd’hui. Essayons plutôt d’attirer l’attention sur un talent caché du dénommé Vincent Roberge, question de ne pas répéter ce qu’a dit Marie-Ève Fortier dans son excellent article sur La nuit est une panthère. Ceci sera donc une tentative de mettre en lumière les capacités d’acrobate charismatique du musicien.
Tout d’abord, commençons par une petite mise en contexte, question de pouvoir bien s’imaginer la scène. J’arrive à la hâte et me butte contre une file qui dépasse des portes d’entrée de l’impérial Bell. Le dilemme : soit je tente d’entrer en usant de la force VIP, excuse qui consiste à faire partie de l’équipe de ecoutedonc.ca, soit je manque le début du spectacle. Désolé, Jacques, je n’ai pas eu le guts de brandir tout haut mon titre de rédactrice. Cependant, je peux affirmer que de l’extérieur, le show sonnait exactement comme sur l’album – soit super, super bien.
Une quinzaine de minutes plus tard, j’entre, et une surprise m’attend. Ceci n’est pas la crowd habituel du natif de la rive sud. On y retrouve plutôt une moyenne d’âge de quarante ans ainsi qu’une majorité de visages qui, de toute évidence, ne connaissent l’existence des Louanges que depuis une vingtaine de minutes.
Quelle a été la réaction de ces amateurs d’Ariane Moffatt au p’tit jeune affublé d’une tuque orange et d’un chandail Obey aqua qui se dandine le popotin sur scène? Pour ceux qui se sont donné la peine d’écouter, très bien.
J’ai eu le plaisir d’en voir plus d’un pendu à ses lèvres. De plus, son grand sourire et sa nonchalance ont vite fait de charmer les spectateurs et de les emmener dans son univers parsemé d’éléments rap et jazz.
Malgré l’excellence de l’orchestration instrumentale complètement malade sur laquelle je pourrais m’étendre pendant longtemps, c’est plutôt la présence scénique de Vincent Roberge qui attire mon attention. Je ne peux pas dire que le public est des plus attentifs; cependant, malgré une certaine froideur de la salle, l’ancien étudiant du cégep Sainte-Foy arbore l’attitude d’un gars qui jamme avec ses meilleurs chums dans son salon. C’est beau à voir, et c’est également important de souligner qu’il est digne des grand performeurs d’être capable de donner une spectacle avec l’énergie du Centre Vidéotron alors que c’est pas le cas. Bref, pour ce qui est de la vibe générale sur scène, chapeau! Jamais je n’avais vu quelqu’un paraître aussi chill tout en bondissant constamment du côté court au côté jardin.
La nuit est une panthère laisse place à Tercel, et l’attention du public est renouvelée. Bravo, tu les a eus, mon Vincent! Alors que commence le bout qui, selon ses mots, est le bout qui “va être le même que tantôt mais plus intense », il se précipite vers mon bord de scène! Un acrobate, je vous le jure. Toutefois, au retour, le son d’un des synthé… coupe.
« Yo, jai-tu pilé sur vos fils?”
Aucune panique. Aucune crainte. Aucun stress sur le visage des Louanges. Il prend tout simplement le temps de rebrancher le tout d’une main. « Hey, c’est pas la fin de monde. »
Ariane est dans un dôme. C’est ainsi qu’elle entame le spectacle; on devine les ombres des cinq musiciens qui l’entourent. Une panoplie de textures enrobe J’ai du souffle pour deux. On passe du bongo à la lourde basse pour ensuite tendre vers de planantes mélodies au synthétiseur.
Un magnifique jeu de lumière se déroule sous nos yeux : l’intimité se donne en spectacle, s’offre à travers ses ombres. Bon, je m’en viens un peu poétique, mais ça me fait cet effet, écouter les chansons du nouvel album d’Ariane Moffatt, Petites mains précieuses.
Bref, coeurs sensibles s’abstenir, car on passe vraiment à travers toute une gamme d’émotions en écoutant la musicienne. La prochaine chanson en est cependant une qui nous rend solide comme du marbre – jeu de mots plate sur La statue, une chanson d’une lucidité étonnante adressant la Femme (ou plutôt les femmes… je ne sais plus trop ce qu’il faut dire selon les maîtres du politiquement correct).
Ce soir, c’est mon baptême d’Ariane Moffatt, et une chose me saute aux yeux – bah, aux oreilles – elle en a de la voix, et en tabarouette! Si je peux me permettre, parfois, lors de l’écoute de son CD, je perds l’intensité des mots dans le mix, qui souligne plutôt la douceur de sa voix. Eh bien, en live, oublie ca. On a droit à des vocalises surprenantes, toujours bien placées. C’est rafraîchissant de voir la réserve dont elle semble faire preuve en studio laisser place à une voix forte d’où s’échappent toujours les mêmes filets de poésie.
Enfin, question mise en scène, je dois applaudir la tête pensante derrière le concept du dôme, qui supporte et met de l’avant le caractère déjà très personnel de la musique d’Ariane. Tantôt, elle s’extériorise en reprenant des chansons anglophones afin de faire danser la salle; tantôt, elle nous fend le coeur avec des chansons telles que Pneumatique noir. C’est un spectacle franchement bien construit, qui permet de voyager entre le spleen et la pop des années 1980.