Pierre Lapointe – « Ton corps est déjà froid »

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L’automne dernier, Pierre Lapointe confiait, en marge de la sortie de l’excellent disque La science du coeur, qu’il avait deux autres albums complètement différents en banque pour d’éventuelles sorties. Il y a quelques jours, la première partie de sa promesse fut tenue. Ton corps est déjà froid, est apparu sans préambule initial sur les différentes plateformes numériques, mais aussi en version physique. Le communiqué intrigue en faisant état d’un album rock avec une liste de collaborateurs fort intéressante: Philippe Brault, complice de longue date, mais aussi le guitariste de Plants & Animals Nicolas Basque, le guitariste de Dear Criminals Vincent Legault ainsi que le batteur José Major.

D’abord, parlons de la facture visuelle de l’album; c’est toujours un élément central qui donne l’impression d’être longuement réfléchi dans les différents projets de Lapointe. Il a cette fois fait appel à un artiste brooklynois nommé Cute Brute pour élaborer la magnifique pochette cartoonesque qui justifierait à elle seule qu’on achète l’album en vinyle… quoiqu’il serait fou de se passer des pistes qu’il contient!

Qu’en est-il justement de la musique? Si initialement il est surprenant d’entendre Pierre Lapointe chanter les affres inhérentes aux amours déçus soutenus par des guitares électriques, on reconnaît rapidement la facture mélodique de l’artiste. Son groupe utilise les codes du rock, du punk ou du yéyé (on pense à Si tu dis non) pour façonner de courtes chansons punchées qui resteront assurément dans la tête après quelques écoutes seulement. L’humour du chanteur se fait souvent grinçant, entre autres dans les pièces Toi, tu t’en fous ou l’excellente pièce titre. Vrai ou faux est une autre pièce qui sort du lot par sa mélodie changeante et un je-ne-sais-quoi de différent dans la voix du chanteur qui amène l’auditeur ailleurs.

Encore un autre amour est sans doute l’unique pièce qui aurait pu se retrouver sur un autre album de Pierre Lapointe sans y briser l’ambiance habituellement plus délicate et subtile! Pour le reste on navigue entre le pastiche punk (Chienne Chimère et J’aime bien quand tu pleures) et le rock « dans ta face ». L’immédiateté des mélodies compense pour un léger manque de subtilité musicale ou poétique. Tout ça aurait été difficile à éviter vu la teneur du projet musical. L’idée de terminer un album si court par un jam assez répétitif de près de 10 minutes est par contre questionnable; une dernière pièce coup de poing n’aurait-elle pas été plus efficace?

Au final on reste avec l’impression que les musiciens ont vécu un beau trip tout en suivant des recettes connues, bien qu’efficaces. Si peu d’innovations viennent ponctuer l’expérience, on ne pourra reprocher à Pierre Lapointe et sa gang de Beaux Sans-Coeur de ne pas avoir réussi à surprendre son fidèle auditoire avec un album franchement sympathique qui restera sans doute une bruyante anomalie dans sa discographie toujours grandissante.

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