« Dans l’abysse » est le deuxième album complet du groupe montréalo-longueuillois Thick Glasses qui, après « L’échec héroïque » continue de repousser les limites de sa musique. On avait initialement rendez-vous en avril pour ce lancement, des ennuis de santé ont repoussé le spectacle, mais le public a répondu à l’appel avec enthousiasme pour cette nouvelle date. Avant le spectacle j’ai eu la chance de m’entretenir avec Charles le guitariste et chanteur de Thick Glasses, je vous résume notre discussion avant de passer vers le compte-rendu du show à L’Anti Bar & Spectacles.
« Dans l’abysse »
Thick Glasses avait d’abord sorti le EP « En orbite » en 2018, un album rock alternatif à saveur punk-rock, personnellement j’y trouve des ressemblances avec « Vous êtes ici! », le premier album d’Exterio. Quelques années plus tard, en 2020, on nous offre le EP « Courir après sa queue » avec un côté un peu plus pop-punk accrocheur. Comme plusieurs, c’est là que j’ai découvert la formation, surtout grâce au single Doggo qui reste automatiquement dans la tête. En 2022 Thick Glasses nous présente son premier album complet, « L’échec héroïque » où l’exploration de différents styles et influences se fait définitivement sentir. On peut toujours qualifier ça de rock alternatif mais on y retrouve toutefois un côté emo assumé en plus de naviguer entre punk rock et hardore mélodique. On voit surtout une plus grande maturité dans l’œuvre, que ce soit au niveau des thèmes abordés que de l’enregistrement.
Ce qui nous amène enfin à « Dans l’abysse », disponible depuis le 7 février 2025. Un genre d’amalgame entre les différents projets, une évolution naturelle pour donner ce produit particulièrement peaufiné et travaillé. Encore là, on navigue entre les influences emo et hardcore avec même un côté prog. J’ai demandé à Charles si le band était satisfait des réactions face à l’album, ça a été assez unanime que oui. Si, en cours de route, il y a des personnes qui étaient davantage attachés au côté punk-rock de base et qui trouvent que le nouveau matériel est un peu moins leur tasse de thé, il y a au contraire des gens qui n’aimaient pas nécessairement les premiers projets qui là sont vraiment impressionné du nouvel opus. Charles ajoute qu’avec les shows qui commencent enfin pour l’album, il voit vraiment une réaction enthousiaste du public. La veille à Montréal il y avait autant de visages familiers que de nouvelles personnes dans la foule, comme quoi « Dans l’abysse » a peut-être eu un plus grand rayonnement que les œuvres précédentes.
Je lui ai évidemment parlé de leurs présences en première partie du groupe américain Papa Roach pour non pas une mais deux dates, soit le 14 juillet à Alma et le 22 juillet à l’Agora du Port de Québec. Une chance en or de jouer devant un nouveau public qui n’a peut-être pas encore été exposé à la musique de Thick Glasses. Bien que le groupe a toujours eu une démarche DIY, c’est le genre d’opportunité qui est importante pour faire croître un groupe. Si ça peut permettre, par exemple, à ce que la prochaine fois que le quatuor passe par Alma il est capable de remplir une salle comme le Café du Clocher en tant que tête d’affiche alors ce n’est que du positif. On a d’ailleurs discuté des groupes en ouverture pour les spectacles de lancement, l’idée étant de faire découvrir des groupes de styles complémentaires, comme le post-métal de Bhatt et le côté noisy de Chop Sue Me pour le show de Québec ou bien le penchant punk-rock de Conflit Majeur et le shoegaze d’Autre Part pour le lancement de Montréal la veille. Bien que ce sont quatre groupes aux sonorités fort divergentes, ça rejoint différentes influences de la musique de Thick Glasses, d’ailleurs c’était déjà pas mal plein à l’Anti pour Chop Sue Me, au grand plaisir de Charles.
Parlant d’influences, j’ai voulu en savoir plus sur ce que Charles et le reste du groupe écoutait ces temps-ci. Il a lancé des fleurs aux nouveaux albums de Population II et Peanut Butter Sunday, la nouvelle pièce de Spite House et, dans un autre registre, Kinji00, le jeune rappeur souverainiste de 17 ans qui connaît un véritable buzz à l’heure actuelle. Il a également louangé le groupe de Québec Bald Mice, qui devait être du spectacle initial en avril, mentionnant que c’est vraiment un groupe unique au Québec et c’est sûr que ce n’est que partie remise afin de voir Bald Mice et Thick Glasses sur le même show. Un autre groupe fort apprécié présentement par les gars de Thick Glasses est Antenna93, un groupe noise rock de Montréal, une vraie claque au visage ce band, je vous le dis!
Chop Sue Me
C’est donc Chop Sue Me qui débutait cette soirée, trio montréalais qui n’est pas facile à classifier. Un mélange de punk-rock, emo, noise rock, grunge, même à la limite du stoner. J’y ai aussi décelé des petites inspirations jazzy dans les moments plus expérimentaux, bref, c’est assez unique comme groupe. Ça fait déjà quelques fois que le groupe passe par Québec, on sent une belle appréciation du public de la Vieille-Capitale alors que l’Anti était déjà pas mal plein pour cette ouverture. On a Jonathan Thériault à la voix et guitare, Antoine Morin avec la basse la plus funky que j’ai vu avec ses taches léopards et Michael Jalil Khayat à la batterie. Le groupe a sorti son album homonyme en 2023 et depuis il se taille une belle place sur la scène musicale. Bref, j’ai vraiment apprécié la prestation du trio, tout comme la foule qui était vraiment dedans.
Bhatt
On passe du emo à une version beaucoup plus lourde de emo avec Bhatt et son post-black métal dépressif. Le quatuor formé de Phil « No Fun » (basse et voix), Jules (guitare et voix), Jérôme (batterie) et Sacha (guitare) est fidèle à ses habitudes en enchaînant ses pièces sans trop d’interruption. La majorité de ce qu’on peut entendre est tiré de « Vous êtes pas écoeurés de vivre, bande de caves » l’album de 2023 qui a été nommé dans la catégorie métal au dernier GAMIQ. J’avais assez hâte de voir la réaction de la foule face à Bhatt, on s’entend que c’est beaucoup plus lourd que du Thick Glasses, mais on avait affaire à un public bien ouvert d’esprit qui aimait que ça brasse en masse. Après tout, ça fait du bien de se faire crier dans les oreilles un certain désespoir sur des gros blast beats.
Thick Glasses
Pour ses deux spectacles de lancement, Thick Glasses voulait une formule un peu plus spéciale. En plus du quatuor de Charles de Villers (voix et guitare), David Roy (voix et guitare), Julien Claude (basse) et Gabriel Guimond-Mercille (batterie) on peut voir Valérie Morin aux claviers. Un ajout fort agréable, j’en avais d’ailleurs discuté avec Charles lors de notre entretien avant le spectacle. Ce dernier me disait qu’il y a beaucoup de synthés sur le nouvel album donc au lieu d’avoir des échantillons pré-enregistrés c’était pas mal mieux d’avoir quelqu’un pour les jouer live. Le groupe cherche toujours à améliorer l’expérience en spectacle, ici c’est avec une claviériste mais peut-être qu’éventuellement le band voudrait aussi ajouter plus d’éléments en show. Évidemment, la formule à cinq, ou plus, n’est pas viable pour tous les concerts, mais lorsque c’est possible, c’est vraiment quelque chose de cool à avoir. Et ce soir-là à Québec ça marchait indéniablement, tout le monde sur scène était vraiment dedans et l’ajout des claviers fait une belle différence. Sinon, on ne peut passer sous silence le retour derrière la batterie de Gabriel, un vrai guerrier qui a subi une ronde de chimiothérapie il y a de cela quelques semaines seulement, c’était vraiment beau de le revoir sur scène.
Ça fait déjà plus de quatre mois que « Dans l’abysse » est disponible, on peut donc voir la foule connaître très bien les paroles des nouvelles chansons, n’hésitant pas à partir des moshpits non plus. J’étais curieux de savoir si le groupe allait oser jouer la dernière chanson de l’album, Anamnésie qui dure treize minutes et j’ai été servi! Charles a d’ailleurs dédié ce morceau aux personnes qui se sont fait bercer au prog par leurs parents. Un merveilleux moment qui nous fait voyager à travers pas mal toutes les influences musicales de la formation. Une autre chanson que j’ai particulièrement aimé du nouvel opus est Culturé et son splendide « riff de bicycle », j’avais vraiment hâte de l’entendre en live, là non plus je n’ai pas été déçu. L’évolution de Thick Glasses est évidente si je compare au premier spectacle que j’ai vu devant une poignée de personnes alors que le groupe avait l’air particulièrement timide. Ici la formation est vraiment en pleine possession de ses moyens, devant un Anti rempli spécialement pour elle, c’est fabuleux à voir. J’ai déjà très hâte de revoir Tites Glaces à l’Agora avant Papa Roach!
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