Il y a trois écoles pour ce qui a trait aux lancements d’album. D’abord il y a les lancements qui ont lieu quelques semaines, voire même quelques mois après que l’album soit disponible. Il y a également les lancements la fin de semaine même où l’opus se retrouve en écoute. Et, finalement, il y a les lancements avant qu’on puisse entendre officiellement l’album. Du côté du duo art-post-punk CRABE, on a opté pour cette dernière option avec le spectacle du 24 avril dernier au Pantoum alors que le nouveau disque « Expression radicale » verra le jour le 16 mai. Qu’à cela ne tienne, j’ai pu écouter les sept pièces du projet afin d’en faire la critique en plus de revenir sur ce spectacle. D’ailleurs, quelle joie de retrouver Les Moontunes en première partie, groupe découvert il y a quelques mois dans le studio du deuxième étage du Pantoum.
Les Moontunes
C’est effectivement un retour pour le groupe acadien Les Moontunes après un passage remarqué dans le studio du Pantoum en octobre 2024. La formation a conquis un grand nombre de mélomanes un peu partout à travers le Québec durant les dernières années avec sa musique aux influences diverses : soul, jazz, heavy métal et j’en passe. C’est pas moins de sept musicien·nes qui montent sur scène, Miguel Dumaine (voix, claviers et flûte), Patrick Gaudet (guitare), Samuel Frenette (guitare), Jeremie Poitras (saxophone), Monica Ouellette (basse, trompette), Martin Daigle (batterie et percussions) ainsi que Marc-André Richard (batterie). C’est spectaculaire de voir ce groupe à l’œuvre et surtout la cohésion entre ses sept membres. En cours de route, on s’échange des instruments, on a droit à de solides solos et, surtout, un duel de batteries pour clore la prestation en force. Deux fois en près de six mois ce n’est pas assez, j’ai déjà immensément hâte à mon prochain show des Moontunes!
Expression radicale
D’abord, l’album « Expression radicale ». Il n’y a pas de doute, c’est du CRABE. En fait on puise dans les archives du groupe, des pièces datant entre 2007 et 2011 auxquelles on y ajoute des idées modernes avec des moyens technologiques améliorés. Une exploration de sons plus électroniques que par le passé. Afin que cette critique ne soit pas interminable, je vais sauter quelques pièces et vous parlerai des morceaux qui m’ont le plus accroché, ça ne veut pas dire que les autres sont moins bons pour autant. Ça s’ouvre sur Pénicilline, un banger intense qui navigue entre post-punk et thrash métal. Fun Éthique nous amène dans tout un voyage sonore imprévisible. Puis on Un mélange de plumes dans ma plante carnivore qui est sans aucun doute ma préférée, c’est intense et puissant.
On pensait avoir tout entendu ce que CABRE avait à nous offrir jusqu’à ce qu’on arrive à la pièce finale Message total, une exploration sonore de 21 minutes. Je ne saurais pas trop comment expliquer ou défendre cette prochaine affirmation mais la première fois que j’ai entendu du CRABE, j’ai trouvé qu’il y avait un côté extra-terrestre dans cette musique. Un côté tellement inédit qu’on ne peut pas douter que c’est du CRABE, autant par les tones de guitare que par la voix saisissante de Mertin que par le drum, on repousse les limites de ce qu’on a déjà entendu sur Terre. Sans pouvoir développer cette pensée davantage, cette dernière pièce qui fait dix fois une chanson radio moderne en termes de durée est tout simplement ça, une recherche de nouveaux sons uniques. On pourrait penser, à tort, que je décris quelque chose qui n’est pas écoutable, mais il n’en est rien, c’est un trip. On commence en studio avec les deux camarades, on semble entendre comment peuvent se créer les chansons de CABRE et soudainement, on est ailleurs, ou nulle part, ou dans l’espace, ou dans un combat de boxe. On y ajoute un solo de drum qui rendrait jaloux John Bonham et on a Message total.
Les quelques fois où je me suis lancé dans des critiques d’album, j’ai toujours fini par ressentir le syndrome de l’imposteur. En vérité, je ne connais pas grand-chose à la musique. Je peux décrire comment celle-ci me fait réagir, me fait vibrer, mais je ne peux pas dire si c’est des progressions d’accords qui fonctionnent ensemble, si les instruments sont bien balancés entre eux. Mais je peux dire que cet album, et particulièrement la dernière toune, m’a fait vivre tout un voyage. Au final, ce rafraîchissement de vieilles chansons est un exercice fort appréciable, c’est intense, c’est vivant, c’est tout simplement vrai.
La verison 2010 d’Un mélange de plumes dans ma plante carnivore
CRABE
Revenons maintenant au show. CRABE et Le Pantoum c’est une longue histoire d’amour, le groupe est visiblement très reconnaissant et heureux de jouer dans cette salle. Le duo de Mertin Poulin-Légaré (guitare et voix) et Gabriel Lapierre (batterie et clavier) nous présente évidemment certaines des vieilles-nouvelles chansons de l’album « Expression radicale » en plus d’un grand nombre de chansons des opus précédents. Ça m’impressionnera toujours de voir Gabriel jouer du drums à une main et jouer du clavier avec l’autre, ce qui ajoute énormément à la musique du groupe. Si par le passé Mertin avait une guitare avec une face modelée qui vomissait, cette fois-ci c’est une prestation un peu plus sobre, sans fioriture mais ce n’est pas pour autant moins bon. Les deux camarades donnent, comme toujours, un show excellent au grand plaisir du public qui en redemande. Cette formation est toujours aussi pertinente, un groupe qui n’a pas peur de prendre des risques musicalement parlant. Même si ça reste quelque peu niché comme son, c’est important d’avoir ce genre de formation qui brasse la cage d’un écosystème parfois un peu trop consensuel.
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