Festival d’été de Québec – 14 juillet 2024

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Comme il faisait bon de se retrouver au Parc de la Francophonie hier soir! Plus souvent qu’autrement, après 11 soirs de folles festivités, le retour à la vie normale ressemble à une grosse chute qui se termine par un solide crash and burn au sol. Cette année, au lieu de tomber de mon nuage, j’ai choisi la soirée où le nuage sur lequel je me trouve depuis le 4 juillet me descendrait doucement sur le plancher des vaches et d’aller voir Maten, Hauterive, Marie-Annick Lépine, Les soeurs Boulay et Michel Rivard. Une soirée riche en émotions de toutes sortes que je vous raconte ici :

Maten

La soirée a commencé avec Maten, une joyeuse bande dont les trois membres fondateurs sont originaires de la communauté innue de Mani-utenam. Même si le groupe s’est formé il y a plus de 25 ans, il s’agissait de leur première participation au Festival d’été. Il y avait déjà une bonne foule au Parc de la Francophonie, et j’oserais avancer que derrière les fans irréductibles des Cowboys Fringants qui s’étaient déplacés pour Marie-Annick, il y avait beaucoup d’Innus au pied carré, et ceux-ci ont contribué à transformer un show aux accents folk-rock en un gros party, un peu comme si Samuel Pinette, Kim Fontaine et Mathieu Mckenzie (qui a rappelé l’importance de diffuser les artistes autochtones, comme il l’avait fait au Phoque OFF) nous transportaient chez eux, à Innu Nikamu. Ça dansait joyeusement pendant que le virtuose Ivan Boivin Flamand s’amusait à faire des soli de feu à la guitare. Et bien entendu, ça s’est terminé par une danse traditionnelle, un makusham, un grand circle pit tout en douceur où on a pu apercevoir un grand nombre d’ami·es!

Comme à presque chaque fois que le FEQ invite des artistes autochtones sur une de ses scènes, j’ai trouvé ça beaucoup trop court. J’aimerais tellement qu’on donne à des Maten et à des Matiu plus de temps pour montrer de quoi ils sont capables, un peu comme on l’a fait pour Elisapie et Aysanabee. Pas besoin de le faire sur les plus grandes scènes, pas besoin de leur consacrer toute une soirée sur une scène donnée, on peut juste leur donner de beaux p’tits spots, qui deviendront grands de façon organique.

Hauterive

Comme j’étais heureux de revoir le projet de Mara Tremblay et Catherine Durand sur scène! Celles qui cumulent à deux un demi-siècle de musique ont lancé Hauterive pour le plaisir de jouer ensemble, et on comprend pourquoi : la complicité entre ces deux grandes artistes est palpable, et ce, dès les premiers accords.

Qu’il était beau de les voir jouer les pièces qu’elles ont écrites ensemble en plus de quelques bijoux de leurs carrières solo respectives! En allant me promener dans la foule pour tirer quelques portraits, j’ai constaté à quel point ces deux femmes-là imposent par leur seule prestance une écoute attentive. Et dès qu’elles se lançaient sur des chansons un peu connues (comme cette reprise à faire brailler de Woman in Love), il était beau de voir le public fredonner les paroles, les yeux rivés sur Mara et Catherine.

Marie-Annick Lépine

Aussitôt la prestation d’Hauterive terminée, j’ai fait comme Catherine et Mara, j’ai pogné mes affaires et j’ai traversé juste à côté, cette fois pour voir Marie-Annick Lépine dans ce qui a dû être un show passablement difficile pour les émotions de la cowgirl fringante (surtout en reconnaissant les irréductibles qui étaient massé·es le long de la barricade). Heureusement, Lépine était bien entourée de ses amies à l’avant et d’un excellent band de soutien à l’arrière.

Ça a commencé de la façon la plus festive possible, et le parterre s’enflamme rapidement. La multi-instrumentiste était en voix, elle avait de l’énergie à revendre, et cette énergie était plus que contagieuse. Par contre, dès qu’on a commencé à déterrer les pièces des Cowboys, l’émotion a grimpé de plusieurs crans. Les gorges se sont nouées quand Lépine s’est lancée sur Les cheveux blancs, et elles le sont restées jusqu’à la fin du show, où tout le monde avait les larmes aux yeux en chantant Les étoiles filantes, près d’un an après l’avoir fait à près de 100 000 personnes sur les grosses Plaines, avec Karl qui était encore là.

Hier, il était pas sur scène, mais on sentait qu’il veillait de là-haut sur sa Marie avec beaucoup de bienveillance et quelques p’tites frettes.

Les Soeurs Boulay

Allô Stéphanie et Mélanie, ça faisait un bail! Incroyable mais vrai, Les Soeurs Boulay n’avaient pas foulé les planches du Festival d’été de Québec depuis 2017! Depuis, elles ont eu le temps de doubler leur discographie, d’ajouter quelques couches de pop à leurs chansons pour nous faire danser. On comprendra donc qu’elles étaient ravies de monter sur scène, de nous bercer au moyen de leurs douces harmonies vocales et de nous offrir un greatest hits qui a plu à un grand nombre de leurs fans.

Votre pas très humble serviteur a eu les yeux humides à quelques reprises, notamment lorsque les sifflements qui marquent le début de la magnifique Les couteaux à beurre se sont fait entendre. Autant de douceur et d’intensité à la fois, difficile de rester de marbre! Bien sûr, les Des shooters de fort, Mappemonde et autres Fais-moi un show de boucane ont été applaudies (et chantées) chaleureusement par le public! On retiendra aussi l’explosive Oxygène, de Diane Dufresne, qui aurait été une belle occasion de partir un moshpit là où on n’en attendait aucun. J’espère qu’on n’attendra pas encore sept autres longues années pour les revoir, surtout que Les Soeurs Boulay pourraient assurer elles-mêmes la tête d’affiche au parc de la Francophonie.

Michel Rivard

À 21 h 10, Louis Bellavance, le grand manitou de la programmation du FEQ, apparaît sur scène pour remettre devant public le Prix Miroir de la renommée à Michel Rivard. Un prix fort mérité pour celui qui a déjà participé au Festival une bonne dizaine de fois (dont cette soirée mémorable en plateau double avec Daniel Bélanger, au début des années 1990).

Rivard, pour moi, c’est personnel. C’est mon premier show extérieur, mon premier vrai contact avec la musique d’ici, au parc Roland-Beaudin de Sainte-Foy au milieu des années 1980. C’est les grandes envolées à plusieurs à Montréal au début des années 1990. C’est « Sauvage », cet album tellement sous-estimé (et qui a tellement mieux vieilli que les derniers albums, plus récents, de Beau Dommage). C’est le magistral « Un trou dans les nuages », pierre angulaire du grand retour de la scène queb après près d’une décennie de déprime post-référendaire. Ce sont les albums de chansons finement écrites avec sagesse dans les décennies qui ont suivi. C’est ce sympathique gaillard qui m’a tant fait rire à la LNI.

Je l’ai déjà dit, mais sans Rivard, je ne sais pas si j’aurais eu la curiosité d’aller voir un certain Jean Leloup au Spectrum avant qu’il devienne big. C’est Michel qui m’a donné ce préjugé favorable à tout ce qui se fait ici, et je lui en serai toujours redevable.

C’est donc avec le plus grand des plaisirs que je l’ai vu débarquer pour nous présenter Le tour du bloc, ce spectacle qui nous fait visiter dans le désordre plus d’un demi-siècle de carrière, que ce soit avec Beau Dommage ou en solo.

Premier constat : à 72 ans, Michel a encore une voix magnifique. OK, il gueule pas comme Vince sur les Plaines, mais il est encore capable de chanter avec toutes les nuances de ses débuts. Capable de crooner comme sur Rive-Sud, de faire dans la balade sur La lune d’automne et de lâcher son fou sur Ginette (qui a peut-être un peu mal vieilli, mais quand même pas mal moins que Girls, Girls, Girls).

Mais là où j’ai vraiment pogné de quoi, c’est lorsqu’à ma grande surprise, Rivard s’est exécuté sur Le retour de Don Quichotte (tiré du trop méconnu « De Longueuil à Berlin », probablement le meilleur album de Michel). Cette superbe pièce, que Rivard chante avec émotion, appuyé par le Flybin’ Big Band, m’a fait perdre mes moyens pendant que je tentais de prendre des photos. Gueuler « pour tous les imbéciles qui chassent la baleine sur d’immenses bateaux et qui ne voient jamais le poisson d’avril qui leur pend dans le dos », les larmes aux yeux, devant un agent de sécurité qui devait vraiment se demander si j’étais bien, c’était une drôle d’expérience!

Heureusement, il n’y avait pas que de l’émotion brute, il y avait aussi de beaux moments de communion. Pendant que Tommy, sur les Plaines, invitait les filles à « montrer leurs boules », Michel, lui, nous invitait à l’accompagner sur La complainte du phoque en Alaska. En fait, il nous a laissé chanter à l’unisson pendant qu’il nous dirigeait, tel un chef d’orchestre.

On a aussi eu un beau moment de folie avec Les Soeurs Boulay, venues accompagner l’auteur-compositeur sur La p’tite vie. C’était juste le fun de voir que cette pièce (de « Sauvage », justement) n’a pas pris une ride : « Du millionnaire heureux qui s’achète une planète au soldat nerveux le doit sur la gâchette, du plus p’tit géant jusqu’au au nain le plus grand, de la beauté sublime au beau-frère anonyme, c’est une p’tite vie pareil! » Je vous rappelle que cette chanson a été écrite il y a plus de quarante ans!

Le plus fou, c’est que celui qui était accompagné par ses deux acolytes de toujours (Rick Haworth à la guitare et le Mario Légaré de la basse, Mario Légaré, à la basse) n’a que survolé son répertoire sans même toucher à ses autres perles (Belle promeneuse, Rumeurs sur la ville, C’est un mur et tant d’autres). On aurait pu étirer ça pendant des heures et des heures, chanter avec Rivard jusqu’à ce que la scène Bell en arrière soit complètement démontée, pis on n’aurait encore eu qu’un aperçu de cette immense carrière – qui n’est clairement pas terminée, avant de terminer tout ça le sourire fendu jusqu’aux oreilles avec Le blues d’la métropole, qui a fait danser tout le monde de 7 à 77 ans.

Merci, Michel.

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