Il est temps de se voir à Tadou — Première partie

PAR

Le Festival de la chanson de Tadoussac fêtait son 40e anniversaire lors de sa dernière édition qui s’est tenue du 13 au 16 juin dernier. Plus de 70 artistes ont foulé les planches sur 18 scènes intérieures et extérieures au cours des quatre jours de festivités. 

Tadou est le plus petit des grands festivals au Québec, en plus d’être l’une des villes pionnières de la vague musicalofestive qui déferle maintenant un peu partout dans la Belle Province. Quarante ans, c’est un exploit de longévité dans le contexte culturel actuel et la nouvelle directrice générale du Festival de la chanson de Tadoussac, Myriam Sénéchal, voulait y mettre le paquet pour souligner l’événement en grand. Myriam et son équipe ont fait preuve d’une grande sensibilité en déployant l’effort de représenter de façon paritaire la démographie québécoise dans la programmation. Ainsi, sur les 70 artistes invités, 28 projets étaient menés par des femmes, 8 faisaient publiquement partie de la communauté LGBTQ+ et 5 appartenaient à la diversité culturelle.

Je me suis déplacée à Tadou le week-end dernier pour témoigner de l’effervescence générée par la qualité de cette prog dans les rues principales de la ville, dans ses bars et pubs charmants et dans ses attraits naturels époustouflant le pied du Fjord du Saguenay. En effet, l’équipe du Festival est devenue l’ambassadrice du trésor récréotouristique de la région en proposant une offre de spectacles qui outrepasse les fameuses grandes scènes extérieures et les heures de diffusion convenues. C’est ça, le FCT, et ce n’est pas pour rien qu’il est mon rendez-vous estival préféré depuis des années.

Coups de coeur du weekend

J’ai tenté de tirer profit de mon temps à Tadou pour voir le plus d’artistes possible. Mais faisant cavalière seule et étant gratifiée d’une carcasse vieillissante, je n’ai pu voir tout le monde. C’est la raison pour laquelle je vous propose une récap en deux parties des artistes qui m’ont procuré de jolis titillements.

Qualité Motel

Qualité Motel figurait dans la programmation sous le nom de Show Surprise. Les organisateurs.trices du FCT souhaitaient offrir à tous ses festivaliers le cadeau qui marquerait au fer rouge le 40e anniversaire de l’événement. Ils ont misé juste.

Les curieux.ses ont eu droit à un méga beach party sur la plage de la baie où plus de 2 000 personnes se sont fait aller la gougoune entre bulles savonneuses et carlin volant. Une grosse Ibiza des plus proprettes.

Les quatre membres du groupe de Sherbrooke forment le meilleur DJ set du Québec où se mixent les hits des grands d’ici avec ceux des plus ou moins grands d’ailleurs, le tout enjolivé de paroles en français — « Tu pensais que c’était Bon Jovi, mais c’était pas Bon Jovi » — et saupoudré de romarin original. Heu, non; de basilic.

Sans conteste, LE show du Festival.

P’tit Béliveau

Il en a fait du chemin, le petit, depuis son passage aux Chemins d’écriture de ce même festival en 2019. Du cabanon derrière l’auberge de jeunesse à la principale scène extérieure, cette progression lui a valu de mettre dans sa poche le mois dernier son troisième album et de faire connaître son nom dans toutes les régions du Québec et des Maritimes. Il est devenu plus mordant, plus baveux, mais il est resté aussi déjanté et caricatural qu’aux premières heures.

On l’aime non seulement pour sa musique acadjonne néo-écossaise et son accent gros comme le bras, mais aussi pour la qualité de sa mise en scène sarcastique et son habileté à mener son public au doigt et à l’oeil.

L’artiste de la baie Sainte-Marie menace la foule de retirer sa musique de Spotify et d’arrêter sa carrière si elle ne participe pas à sa chanson Mon drapeau acadjonne vient de Taïwan. Il assume ensuite l’odieux de prendre une pause syndicale de 3 minutes pendant laquelle il s’étant de tout son long sur une chaise au devant de la scène et prend littéralement une pause de 3 minutes. Il taponne sur son téléphone pendant que la foule, médusée devant la scène Hydro-Québec, joue le jeu du sarcasme en démontrant maladroitement son impatience. À la fin de ce break syndical, M. Béliveau se lève lâchement et enfile, lui et son band, un casque de grenouille en peluche pour interpréter Les bateaux dans la baie. Génial, entendra-t-on.

Alphonse Bisaillon

Alphonce Bisaillon se veut la « prochaine grosse chose », selon la rumeur entendue des critiques.

L’auteur-compositeur-interprète-pianiste-virtuose de Saint-Hyacinthe donne dans la chanson française à complexité volontaire. Ses textes sont intelligemment bien ficelés, son propos parfois influencé par l’anecdote futile et ses arrangements orchestralement étudiés. Nul besoin de ramoner ses conduits auditifs pour percevoir des notes d’Aznavour, la poigne de Gainsbourg et des pointes de Pierre Lapointe. Dans ce contexte, Alphonse avoue être « faible des poings, mais fort des seins », ce qui signifie après explication que sa seule arme de bataille, tout comme ses grandes influences, vient de son for intérieur qu’il expose par le pouvoir des mots. Parlez-en à Lynda Lemay qui vient de goûter aux frasques guerrières qu’Alphonse lui a dédiées au moyen de sa chanson Lynda.

Quant à la proposition scénique, on se rappelle un jeune Charlesbois ou, à plus grande échelle, un certain Elton John.

Qu’Alphonse performe seul au piano ou full band avec deux ou trois choristes, il est de ceux dont le charisme était en solde à prix choc à sa naissance. Il s’intéresse à son public, veut le bien-être de son public. C’est pourquoi il est en perpétuelle interaction avec lui, ce qui en conséquence crée des occasions d’échange magiques. 

Oui, la rumeur de la « prochaine grosse chose » est bien fondée. Bisaillon promènera son show partout cet été. Partir à sa découverte avant qu’il charge 200 $ le billet serait une bonne idée.

Soleil Launière

Il existe un buzz au sujet de Soleil Launière depuis le début de l’année. Sa victoire à la dernière édition des Francouvertes et sa nomination comme une des révélations 2024-2025 par Radio-Canada contribuent à nourrir l’aura qui flotte autour d’elle. Ainsi, on était très nombreux samedi soir dans le petit Pub de la Micro à vouloir faire la connaissance de son art et comprendre pourquoi la chanteuse innue de la communauté des Pekuakamiulnuatsh suscite autant d’intérêt.

Soleil Launière est l’astre d’un univers unique. Autour de cet astre gravite une signature musicale magnétique définie par des textures transcendantes, des harmonies vocales percutantes et une instrumentation forte à la fois pop et mystifiante. Elle y intègre même de la steel guitar! Ses textes relatant des expériences personnelles sont interprétés en français, en innu-amun et en anglais dans une tonalité veloutée. De plus, l’artiste accompagne ses transitions par de l’audio expérimental et des mouvements fluides inspirés par la spiritualité. Soleil ne possède aucun comparable. Unique dans son univers.

Adieu Narcisse

Il s’agit de la première visite d’Adieu Narcisse au Festival de la Chanson de Tadoussac. Toustes vêtu.es de blanc et arborant un maquillage noir profond, les membres du projet de Québec mené par Jorie Pedneault s’emparent de la scène avec vigueur dès les premières mesures de musique électropop.

Dans le genre, Adieu Narcisse se démarque notamment par l’interprétation vocale qui s’apparente davantage à ce qui s’entend en France plutôt qu’au Québec. Perso, l’influence se veut très rafraîchissante. Les beats sont enivrants et possédés, les mélodies, des hymnes à l’amour, à l’acceptation de soi, d’autrui et à la diversité. La chanson Marjorie agit d’ailleurs comme porte-étendard d’Adieu Narcisse et sa prestation sur scène représente un moment fort du spectacle. À la fin de la chanson, l’artiste lance aux spectateurs un appel à la manifestation afin de faire reconnaître les droits de la communauté LGBTQ+ du Québec. D’après la réaction du public, le collectif semble avoir réussi à le sensibiliser à la cause.

Adieu Narcisse, ce n’est pas qu’un band de musique. C’est un band d’art-performance, souvent accompagné d’artistes-danseurs qui s’abandonnent aux rythmes échevelés des pièces originales. Sa notoriété s’étend en France, car c’est exquis et audacieux. Il n’existe aucune raison pour que ce dynamique projet ne connaisse pas un succès retentissant chez-nous.

Malaimé Soleil

Bon. Malaimé Soleil. Que pourrais-je écrire qui n’a pas encore été écrit, dit, raconté, chanté, crié par Jacques Boivin? Les lecteurs d’ecoutedonc.ca connaissent déjà de long en large le nouveau grand band du Québec. En ce qui concerne les néolecteurs du blogue, ils devront consulter les archives pour s’informer sur le gourou du rédacteur en chef. Sérieux, Malaimé Soleil ou l’art d’endoctriner.

Trêve de niaiserie, le show de Malaimé Soleil présenté dans le cadre du FCT s’est avéré le show de Malaimé Soleil que nul ne devait manquer. Programmé à 9 h du matin, au sommet des dunes de Tadoussac avec comme toile de fond le gigantisme du fleuve St-Laurent, il était évident qu’on assisterait à un moment privilégié.

Aucune scène, aucun éclairage, que de l’amplification, des croissants et du sable; une foule à la découverte assise par terre, certains festivaliers plus poqués que d’autres. Francis Leclerc et sa bande aiment jouer leur rock alternatif très fort et provoquer des moshpits grâce à leur attitude punkeste sur les planches. Cette fois-ci, le produit reste aussi fort, mais de par la géographie naturelle des lieux et l’absence d’obstacle coupe-son, la musique et les paroles voyagent jusque dans les abysses de la baie, ce qui crée une atmosphère sur le snooze et une ambiance absolument exclusive.

« Il y avait une gang de bébés chats à l’hôtel cette nuit. On se mettait la main dans le paquet et c’était tout chaud. On n’a pas beaucoup dormi. J’aimerais qu’on se réveille tous ensemble », lance mi-figue, mi-raisin, le chanteur du groupe. Définitivement la meilleure déclaration entendue au Festival. C’est ça Tadou.

Baptiste Ventadour

Les Chemins d’écriture est une formule phare du Festival de la chanson de Tadoussac. Il s’agit d’une résidence d’une semaine de peaufinement artistique offerte aux auteurs-compositeurs-interprètes les plus prometteurs de la scène musicale québécoise. Le weekend du Festival, les résidents présentent le fruit de leurs créations lors de quelques spectacles. Les cohortes sont habituellement de très haut calibre et cela a été encore le cas cette année.

On a fait entre autres la connaissance de Baptiste Ventadour, chanteur folk de la région parisienne. Une véritable bête de scène, belle gueule et roi de la guitare à 12 cordes. Grâce à ses quarante-quatorze doigts qui s’agitent partout autour de son instrument, Baptiste enfiroipe la foule présente au parterre de la petite scène Desjardins qui, du coup, se trouve 100% conquise par sa proposition, son énergie, ses yeux pétillants et sa virtuosité. À la fin de sa vitrine, tous.tes étaient debout, applaudissant à tout rompre et en demandant encore. Espérons une tournée de Baptiste sur les scènes du Québec très bientôt.

Ce premier article prend fin ici. Il y a tellement d’activités à faire et de shows à voir au cours de ce weekend de festival qu’il m’appert impossible de tout coucher sur un seul papier. Après tout, ne faut-il pas faire durer le plaisir…

Galerie photos

VOUS CHERCHEZ QUELQUE CHOSE?