Pour Rouge Pompier, un album, c’est à tous les quatre ans, peu importe ce qui se passe. Après « Kevin Bacon » en 2012, « Chevy Chase » en 2016 et « Neve Campbell » en tout début de pandémie (mars 2020), nous voilà dans « l’ère Michael» avec « Michael Caine » disponible partout depuis ce vendredi 22 mars 2024. Pour l’opus précédent, on a aussi sorti à mi-chemin entre les deux longs-jeux, en 2022, le EP « Re-Neve Campbell ». Avec ce petit extra à Neve Campbell on peut donc s’attendre à avoir un peu plus qu’un simple album pour « l’ère Michael ». Qu’à cela ne tienne, on reste toujours dans le concept de nommer les albums avec le nom d’une star de « type B », après deux hommes et une femme j’aurais préféré qu’on y aille avec une actrice cette fois-ci encore mais on a plutôt opté pour Alfred dans la trilogie « Batman » de Christopher Nolan.

Fidèle à son habitude, le duo montréalais fait choisir les chansons de l’album grâce à un comité d’écoute, concept qui existe depuis la première galette, mais qui a évolué grandement au fil des années. Au départ le groupe envoyait des maquettes à des connaissances pour avoir des critiques, éventuellement les fans sont entré.es dans l’histoire grâce à un don mensuel pour recevoir et évaluer trois chansons pour finalement atterrir sur Patreon, où les membres de celui-ci reçoivent des nouvelles pièces à évaluer à un rythme tout à fait ahurissant. Le quatrième album n’était même pas encore sorti que les membres Patreon pouvaient déjà écouter des chansons pour le cinquième. Une façon de faire assez unique qui permet au groupe de se dépasser dans l’écriture et de surtout ne pas s’accrocher à des pièces qui finalement ne font pas l’unanimité auprès des fans, d’ailleurs « Re-Neve Campbell » est composé de chansons qui n’ont pas fait la cut pour l’album mais que les deux musiciens aimaient tout de même énormément.

Bon, c’est bien beau les concepts et tout, mais le but d’une critique d’album ça reste de parler de l’album en tant que tel! « Michael Caine », c’est 9 pièces, environ 30 minutes, mais en vérité c’est 7 tounes, on y reviendra. Ça s’ouvre avec Pas D’accord et il n’y a pas de doute, c’est une chanson de Rouge Pompier! La voix distinctive de Jess Pompier avec des paroles qui semblent au premier abord aléatoires et farfelues, suivi d’un gros riff downtuné puissamment appuyé par la batterie d’Alex Pompier, tout pour plaire aux fans du côté plus stoner du duo. Puis s’ensuit les trois singles de l’album Bouette, Vendredi et Pelle Mécanique, trois pièces avec des refrains énormément accrocheurs, le genre de chansons qui feront exploser la foule en concert! Encore ici on navigue entre le grunge, le rock stoner et même le métal, mais surprise à la cinquième track on retrouve justement la pièce Métal qui est complètement acoustique. Ce n’est pas la première chanson acoustique du groupe, on avait Karoline sur l’album précédent, mais cette fois-ci au lieu de conclure la galette on est en plein milieu, en fait en version vinyle on débute la face B avec cette chanson qui parle de romance, d’amitié et de spectacle de Fear Factory. Si je n’avais qu’à retenir une seule chanson après la première écoute, c’est sans aucun doute celle-ci, d’abord parce qu’elle détonne face au reste de la discographie du groupe mais également dû à son message tellement relatable pour tout.e mélomane qui a déjà eu une date dans un spectacle.

On retrouve la distorsion avec la chanson suivante Élasticoeur, une autre pièce complètement Rouge Pompier avec des paroles un peu comiques et un gros riff lourd. Par contre ça s’adoucit pour la fin de l’album, on a une Transition où on retrouve la guitare acoustique suivie d’une pièce slow mais juste assez stoner, Transfusion, qui parle de fin de vie. Peut-être une des chansons les plus sérieuses de tout le répertoire du groupe, et pourtant il y en avait quelques unes sur l’album précédent, mais celle-ci fesse direct dans les sentiments. Pour clore « Michael Caine » on a ce qui est est ma seule déception de l’album. En regardant les titres des chansons on peut apercevoir Paquet d’Chose 2, on peut donc s’attendre à une genre de suite qui sera dans la même veine que l’originale qui a été un des premiers extraits du groupe à l’époque du premier album. On a plutôt une outro ambiante avec des bruits de construction et des conversations inaudibles. C’est une magnifique conclusion à l’album, mais disons que le titre peut sans aucun doute élever les attentes sans que celles-ci ne soient atteintes.

C’est donc un album un peu court qui passe ultra-rapidement, mais Rouge Pompier a toujours préféré aller droit au but plutôt que de faire des détours sans intérêt. Si on connaît déjà les trois singles, on a donc six nouvelles pièces à se mettre sous la dent pour une vingtaine de minutes, incluant une transition et une outro. Ceci dit, sans rien enlever aux efforts précédents, on dirait davantage un album complet qu’une collection de chansons, les thèmes y sont beaucoup plus similaires au travers de l’opus, amour, peine d’amour et deuil reviennent à multiples reprises, il y a donc une plus grande cohésion au fil de la demi-heure d’écoute. Bien que ça puisse paraître un peu cliché, j’ai définitivement l’impression que ce sont les pièces les plus matures offertes par le groupe, des paroles beaucoup plus personnelles et sérieuses que comiques en général. Musicalement parlant, on reconnaît le downtuning caractéristique de la guitare de Jess Pompier toujours accompagné de main de maître par Alex Pompier à la batterie. Par contre, on y a peut-être certaines des pièces les plus calmes et sobres de la discographie du groupe, mais ça fonctionne à merveille. J’ai bien hâte cependant de voir en spectacle quelles seront les chansons qui feront le plus d’effet chez les fans. Jessy Fuchs a peaufiné ses talents d’écrivain au fil des ans, même si plusieurs textes de « L’Album Monstre » d’Exterio (2008-2009) sont franchement géniaux, on a vraiment l’impression qu’à chaque nouvelle sortie il met la barre plus haute du côté des paroles. Mention spéciale aux textes de Métal et Transfusion qui sont dans une classe à part selon moi.  Vraiment un album brillant qui bénéficie de plusieurs écoutes attentives, les fans de la première heure du groupe vont s’y retrouver assurément, les compositions de Rouge Pompier vieillissent au même rythme que les fans, cependant au lieu de se dénaturer complètement on y apporte une plus grande variété.