Quand on a vu que le Phoque OFF allait tenir un panel sur l’état des lieux des médias au Québec, on s’est senti interpellé. Après tout, malgré notre toute petite taille, nous sommes un média culturel reconnu, et nous savons à quel point il est difficile de rentabiliser ses activités (même quand tout le monde est bénévole et doit payer ses dépenses de sa poche).
Animé par la journaliste indépendante et omniprésente Élise Jetté, le panel a permis à Louis-Philippe Labrèche (Le Canal Auditif), Philippe Renaud (journaliste indépendant, Le Devoir) et Valérie Gaudreau (Le Soleil) de s’exprimer librement, sans complaisance, sur leurs situations respectives.
Évidemment, on a parlé du fait que les grosses multinationales comme Meta (Facebook) et Alphabet (Google) s’étaient accaparé une grosse part du marché publicitaire (en plus d’être eux-mêmes des vendeurs de publicité à un prix qui s’approche du dumping), rendant ainsi plus difficile l’atteinte de la rentabilité. Ce n’est pas que la santé des médias qui est en jeu, c’est la démocratie et le partage de la culture qui sont à risque.
Même si on pourrait faire mieux pour la couverture de la scène culturelle avec les moyens dont on dispose encore, il devient de plus en plus difficile de faire de la place aux artistes émergents. La course au clic incite les médias à tous couvrir le même gros show, celui qui attire les lecteurs (ajoutons de notre côté que ça les incite à sortir l’article les premiers parce que les gens ne liront pas huit articles sur le dernier spectacle de Charlotte Cardin, et ça paraît souvent dans le traitement du texte et des photos).
En même temps, selon Louis-Philippe Labrèche, il n’y a rien de mal à ce que plusieurs traitent d’un même sujet puisque cela favorise la discussion (ajoutons une fois de plus qu’on va souvent voir si le Canal sort la même critique d’album que nous juste pour savoir ce qu’ils en ont pensé… la diversité des points de vue, c’est bien). Par contre, la diversité doit s’établir, et elle doit donner la chance à plus d’un style musical.
Parlant du Canal Auditif, celui-ci profite de sa participation à Culture Cible, où plusieurs médias mettent en commun certaines ressources, notamment administratives. Cela permet à son patron de passer plus de temps sur le terrain et moins à gérer la machine. En effet, quand on est dans nos tableurs Excel, on ne couvre pas la musique, et c’est un problème qui touche tous les petits médias.
Côté financement, si le Canal reçoit des subventions, celles-ci ne permettent même pas de couvrir un salaire à temps partiel. Pour subvenir aux besoins de son entreprise, Louis-Philippe doit compter sur la publicité, mais aussi sur la production de contenu en partenariat.
On a aussi parlé de bénévolat (oh, ça m’interpelle vu qu’on est un média 200 % bénévole). C’est viable pour commencer, apprendre le métier, mais ça demande un grand dévouement (et à long terme, ça ne marche pas, sauf chez les plus fous d’entre nous – ALLÔ LA GANG!).
Philippe Renaud avance que si le bénévolat peut servir de formation, il y a de moins en moins d’emplois en journalisme culturel pour que cette formation finisse par payer. La question se pose : quel appui peut-on donner aux médias indépendants? Si la chaîne doit soutenir tous ses maillons, il va falloir que les artistes se lèvent et dénoncent chaque fois qu’un média ferme et qu’ils perdent de la couverture.
Il y a aussi l’aspect « découvrabilité ». LP Labrèche soutient qu’on dépense des fortunes afin de mieux faire découvrir nos artistes, mais pourtant, on ne soutient pas les médias existants qui le font déjà avec brio.
Dans les dernières minutes de cette chouette réunion, on s’est mis en mode « solution ». Que pourrait-on faire? Ça prend une aide structurante pour les médias en ligne. Pas seulement ceux qui existent déjà, mais aussi pour les personnes qui voudraient se lancer (y’a de la place). Cette solution ne coûterait pas si cher et permettrait d’atteindre de nombreux objectifs. Nous sommes lus dans toute la francophonie. Nous mettons les artistes d’ici à l’avant-plan, nous les faisons découvrir à un paquet de monde. Si Louis-Philippe pouvait payer quelques personnes correctement, si Philippe avait les coudées franches pour parler de qui il veut (même s’il le fait déjà pas mal), si Le Soleil avait les moyens d’envoyer ses journalistes au Pantoum, et si ecoutedonc.ca avait juste les moyens de permettre aux membres de son équipe de faire du bénévolat sans avoir à sortir de l’argent de leur poche, tous ces objectifs seraient atteints.
J’aimerais ajouter quelque chose : quand un diffuseur subventionné dépense la majeure partie de son budget marketing dans des publicités Facebook, c’est l’argent des contribuables qu’il envoie aux USA. Vous voulez nous aider? Vous pouvez le faire, et en plus, vous allez rejoindre votre public cible. C’est-ti pas merveilleux?
Galerie photos