Olivia Khoury et Vermeil au Pantoum : une tempête de beau doux

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Traduit de l’anglais par Jacques Boivin

C’était vendredi soir et j’attendais à la porte du Pantoum avec quelques autres fans. J’ai constaté avec amusement que même si le Pantoum nous présente la relève musicale de Québec depuis plus de dix ans, il y a toujours quelques personnes qui venaient pour la première fois. Les deux artistes au programme de ce 17 mars jouaient au troisième étage, un lieu parfait en raison de son atmosphère et de son éclairage plus détendus.

Si on avait un mot pour traduire la personnalité de Vermeil, ça serait « douceur ». L’artiste laisse parler sa musique pendant la première partie de sa prestation. Ses musiciennes lui offrent une base parfaite pour sa voix diaphane et son jeu de clavier dynamique. Même si l’instrumentation aurait aussi pu servir à un groupe de synth-rock, la musique avait un côté trip-hop : rythmée et hypnotisante.

Après une première moitié plutôt tranquille, Vermeil a glissé quelques mots avant de jouer quelques chansons dépouillées seule, avec une choriste. Les rythmes synthétiques et la batterie complétaient bien la musique.

Si on se fie à son Bandcamp, le projet Vermeil est plutôt récent. Mais la musique de l’artiste respire la confiance, et on lui prédit un avenir intéressant lorsqu’elle aura mieux maîtrisé sa présence scénique,

Olivia Khoury était à Québec pour lancer son microalbum jazz-rock « Portraits ». Elle a récemment été mise de l’avant sur une liste de lecture préparée par Spotify et on comprend pourquoi : cet album est à la fois un vent de fraîcheur et une brise familière. On y trouve des influences jazz, indie, rock et pop. La voix d’Olivia est douce et assurée, ses textes méditatifs sont livrés avec confiance. Félicitations à Reno McCarthy, qui a coréalisé cet album sur lequel les arrangements et les harmonies vocales sont magnifiques et dynamiques, tant en français qu’en anglais.

Olivia est clairement une pro : sa présence scénique est captivante, et la chimie avec son groupe est palpable. Elle a immédiatement invité le public à s’approcher et à profiter au maximum de l’intimité de son spectacle. La section rythmique (Vincent Dessureault à la basse, Olivier Guertin à la batterie et Adrien Poulin à la guitare) est particulièrement efficace, Chacun ajoute sa touche personnelle (surtout Vincent, avec sa contrebasse et Olivier, dont les percussions étaient souvent surprenantes). La chimie était vraiment évidente sur Entrouverte, qui commence doucement avec des arpèges à la guitare pour devenir au fil de la pièce une espèce de cacophonie cathartique où on peut entendre un riff qui rappelle Can’t Stop.

Également danseuse contemporaine, Olivia a préparé des éléments visuels (y compris une vidéo saisissante pour Wholehearted) dans lesquels on la voit danser. Ça complète magnifiquement sa musique. J’aimerais toutefois la voir danser et bouger davantage sur scène (un peu comme FKA twigs, peut-être?).

Ça n’enlève rien à sa présence scénique. La foule a eu aussi quelques moments plus énergiques qui nous ont permis de bouger un peu entre les pièces introspectives. Imaginez si Olivia ajoutait quelques pas de danse, elle pourrait facilement ajouter une autre couche d’expression artistique à ses prestations! « Portraits » est une collection assurée et éclectique, et on ne sera pas surpris.es de voir Olivia s’exécuter sur de bien plus grandes scènes dans quelques années.

Galerie photos

Dans les dessous du bar du lancement d’Olivia Khoury + Vermeil

Par Sandrine Gauthier-Brown

Qui dit spectacle de musique dit bonne consommation à la main. Chaque salle de spectacles possède son lieu où l’on sert boissons rafraichissantes qui accompagnent les mélodies de nos nombreux artistes tout au long des soirées. Bien que ce comptoir est un arrêt fréquenté par la majorité de l’auditoire, peu de gens s’attardent à ce qu’on peut observer lorsqu’on est derrière. C’est pour cette raison que j’avais envie de vous inviter dans les dessous du bar du « Secret le moins bien gardé de Québec », le Pantoum.

C’est au mythique 3e étage du 76 rue Saint-Vallier Ouest qu’avait lieu, le vendredi 17 mars, le lancement d’Olivia Khoury accompagné de Vermeil en première partie. Comme à l’habitude, je m’y rends un peu plus de 30 minutes à l’avance pour y préparer le bar avec l’équipe, question que visuellement il vous donne envie de vous procurer un petit breuvage. Cette fois-ci, l’excitation est au rendez-vous de la part d’Émilie, la directrice générale. On a une nouveauté : une ardoise présentant les boissons offertes pour la soirée. Le tout accompagné tout autour de petites lumières festives en guise de décoration. Frigidaire rempli, comptoir en contreplaqué baissé, bières exposées ; nous sommes prêts à recevoir le public.

Standby 10. L’ambiance est détendue, tout le monde jase autour de la table de cuisine comme si nous étions dans un souper de famille. Entre une bouchée de lasagne fraichement préparée par Jérémie Brunet, le régisseur, et quelques MiniEggs que j’ai apportés, les musiciens d’Olivia discutent de leur parcours universitaire en jazz et de leurs projets musicaux. C’était beau de voir la grande complicité de ces musiciens expérimentés.

Quelques minutes plus tard, la fébrilité commence à se faire sentir lorsqu’on ouvre les portes au public. Une paire de pantoufles au pied, famille, amis et quelques habitués de la place sont présents. Derrière le bar, on peut facilement déceler quelle sera l’ambiance de la soirée simplement en écoutant et en observant la foule. D’un côté, bien installés sur le divan, des gens parlent de la course aux festivals qui arrive à grands pas. De l’autre côté, les amis d’Olivia se réjouissent devant la merch très originale de la chanteuse : du café torréfié à Montréal et étiquetés à la main avec amour. Seulement 5 minutes après l’ouverture des portes, j’ai déjà une file pour acheter ces enveloppes aux effluves plutôt agréables pour le nez. On peut dire que c’est un vrai bon coup de marketing. Bien évidemment, derrière le bar, je ne vends pas seulement la marchandise des artistes. Vous êtes peut-être curieux de savoir ce qu’on consomme le plus lorsqu’on vient voir Vermeil et Olivia Khoury. Et bien… le cidre fut le brevage de prédilection de notre public festif et décontracté. Doux, léger, et pétillant, c’est effectivement le choix idéal et représentatif de cette soirée musicale.

C’est donc un cidre à la main que l’auditoire s’est rassemblé près de la scène lorsque Marie-Ève Arsenault (Vermeil) et son band composé de trois autres femmes (Brigitte Legendre à la voix et au synthé, Jeanne Corpataux-Blache à la basse et Maude Bastien à la batterie) se sont installés derrière leurs instruments. De mon point de vue, dès les premières notes, j’ai pu facilement entrevoir les sourires en coin et les yeux pétillants des spectateurs. Il faut dire que les harmonies chantées par Brigitte Legendre et les textes intimes de Marie-Ève étaient porteurs de bonheur. Le public semblait tellement absorbé par la mélancolie des mélodies que personne ne risquait se déplacer au bar. Fait amusant, lorsque quelqu’un osait venir à moi pour commander un rafraîchissement, je devais ouvrir sa canette sur le battement du bass drum joué par sa comparse Maude Bastien pour ne pas déranger. Lorsque je sors un peu ma tête du cadre de porte, je distingue aux premières loges face à la scène, le père, le frère et même la grand-mère de la chanteuse qui portent un regard émerveillé devant le travail de celle-ci. C’est toujours beau de voir la famille présente pour encourager ces fabuleuses musiciennes de la relève. Au son des dernières notes, les mains se sont vite levées pour applaudir la prestation des quatre artistes et les nouvelles commandes ne se sont pas fait attendre.

Sans compter que le bar du Pantoum n’est pas seulement pour vendre de l’alcool : c’est également un lieu de rencontre où les gens nous partagent leurs expériences et leurs questionnements. Peut-être est-ce le côté chaleureux de ces anciens appartements? C’est donc entre une IPA et un verre d’eau qu’un membre du public me confie être à sa première fois au Pantoum et y apprécier son expérience. Un ami d’un ami musicien nous questionne sur les locaux de pratique et le studio qui se trouvent juste en dessous de nos pieds et une autre personne me parle de son changement de vie et de son désir de découvrir davantage la culture d’ici. Laissez-moi vous dire qu’elle est à la bonne place pour réaliser son souhait!

Quelques confidences plus tard, une petite dose de l’automasseur électrique du batteur Olivier Guertin dans le dos et 2-3 MiniEggs, c’est au tour de l’artiste interdisciplinaire Olivia Khoury de nous séduire avec ses airs de jazz. La chanteuse venait tout juste de commencer à chanter qu’un mur de gens s’est formé à l’arrière. Bras entrelacés sur les épaules de chacun, les gens se balançaient de droite à gauche sur la musique planante et chaleureuse. Puisque la foule était un peu moins nombreuse que pour la prestation précédente, Olivia a demandé au public de se rapprocher d’elle, ce qui a vite créé une ambiance plus intime. Encore une fois, la tranquillité du bar m’a permis de profiter entièrement du spectacle. C’est accompagné de son trio de musiciens hors pair Vincent Dessureault (contrebasse et basse), Adrien Poulin (guitare) et Olivier Guertin (batterie et percussions) qu’Olivia a enchainé les chansons de son plus récent EP Portraits. Bien que toutes ses chansons sont d’une fraicheur et d’une douceur, c’est la chanson Je te laisse ici qui semble avoir touché le public. Olivia nous partage qu’elle a écrit cette pièce musicale en s’inspirant des Îles-de-la-Madeleine et qu’elle y a laissé une partie d’elle sur les rives. Tout d’un coup, la salle est devenue silencieuse. De l’autre côté de mon comptoir, j’observe l’auditoire se fermer les yeux. Tous semblaient se laisser bercer au son de la voix enveloppante et de la candeur de l’artiste. On pouvait facilement s’imaginer sur une plage de sable blond de l’archipel, assis à écouter le bruit des oiseaux planant au-dessus des falaises rouges. La contrebasse et les percussions nous donnaient l’impression d’entendre les vagues frapper sur les berges. Immobiles, c’est à la dernière note que les spectateurs ont pris une grande respiration comme s’ils avaient retenu leur souffle tout au long de la chanson pour ne pas faire de bruit. Après ce moment de plénitude, Olivia a vite repris le rythme en terminant avec la chanson Retrouvée. Sur ces airs de jazz, les têtes et les jambes se sont mises à danser comme l’effervescence des bulles du cidre servi tout au long de la soirée.

Une fois la performance terminée et le comptoir du bar relevé, public et artistes satisfaits, nous (l’équipe du Pantoum) nous retrouvons autour d’un verre et des restes de chips pour jaser. C’est la paie d’une belle soirée comme celle-là.

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