Totalement Sublime & Simone Provencher à La Source de la Martinière : apprivoiser les sons

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La soirée du 18 avril dernier s’est déroulée sous le signe de l’expérimentation à la Source de la Martinière, alors que Totalement Sublime et Simone Provencher étaient venues fouler les planches devant un petit public d’initié.e.s. 

Simone Provencher

Assise confortablement au centre de ses instruments – des machines pour la plupart – Simone Provencher nous a lancé.e.s avec elle dans une aventure sonore de l’ordre de la mise en danger : « je fais des improvisations avec ma guitare, un micro et quelques samples comme sources sonores que je manipule dans un setup de pédales d’effets modifiées pour être modulaires, m’explique-t-elle. […] Tout est construit autour d’un “patch” qui part de zéro et qui évolue au long du spectacle. » (NDLR: un « patch » désigne un préréglage [preset] relié à la connexion entre différents circuits ou modules, que ce soit de manière analogue avec des fils ou numérique sur un ordinateur. NDSP : « c’est l’ensemble des connections de voltage et d’audio, au début du show il n’y a rien de plogué et je rajoute de plus en plus de fils qui complexifient les interactions. »)

Alors que son plus récent album « Mesures » faisait surtout dans le symphonique et le free jazz, combiné malgré tout à certains sons électroniques plus volontairement « dérangeants », la performance de Simone Provencher a laissé ici presque toute la place aux sons électroniques, donnant une teinte franchement plus noise et industrielle à l’expérimentation. Les bruits hachurés, les rythmes en battement, le grésillement des jacks branchés et débranchés : tous ces sons qui tiennent habituellement de l’erreur étaient présentés ici avec les autres, comme des éléments artistiques. C’est d’ailleurs le propre d’une expérimentation où l’imperfection est volontaire, perçue peut-être comme un plus grand terrain de jeu.  

« J’ai ajouté des connexions à mes pédales pour pouvoir contrôler certains paramètres [comme le timbre ou la tonalité] avec des voltages. J’ai aussi conçu quelques circuits simples qui contrôlent l’alimentation en électricité de mes pédales, ce qui donne toutes sortes de sons brisés quand les effets ont tout juste assez de «jus» pour bien fonctionner. Il apparaît des distorsions et des interactions vraiment intéressantes. Je peux même contrôler l’alimentation de mes pédales avec une source de voltage indépendante, comme un oscillateur, comme ça la pédale s’ouvre et se ferme rythmiquement, ce qui me donne accès à des sons de percussions et à des séquences presque aléatoires. »

Si le résultat était parfois déroutant (et puis c’est bien, parfois, d’être obligé de se défaire de ses attentes et de prêter l’oreille au présent sans l’analyser), il donnait aussi naissance à une panoplie d’images sonores riches. Par exemple, certains sons déformés tirés de la guitare de Simone pouvaient faire rêver à des contrées éloignées et étranges dignes de La planète sauvage. D’ailleurs, c’était comme si, devant nous, elle se mettait à apprivoiser les sons sauvages de ses instruments-créatures.  

Totalement Sublime

La formation montréalaise Totalement Sublime a fait son entrée en matière tout en continuité avec une intro instrumentale ambient, cette fois-ci avec une harmonie aux teintes aquatiques et New Age. Le noyau du groupe, Marc-Antoine Barbier (Choses Sauvages) et Élie Raymond (Foreign Diplomats), était accompagné de Thomas Bruneau Faubert (Foreign Diplomats) aux claviers et synthétiseurs. Le trio a progressivement intégré des rythmes de drum machine à son intro pour transitionner tout en groove vers OMG(OISEAU), un des titres les plus catchy de leur album homonyme paru en septembre 2020. 

Variant entre expérimentations électro aux nappes de synthés planantes et aux rythmes nuancés et des chansons dansantes aux textes sans détours et d’inspiration folk, les compositions du groupe prennent l’audacieux pari de rassembler des éléments autrement disparates et d’en faire un tout non seulement cohérent, mais aussi groovy et accessible musicalement. Et si ce pari a fait plusieurs conquis – autant après l’écoute de l’album que dans la salle de la Source de la Martinière – on pouvait aussi sentir que le groupe en était encore à un stade d’exploration par rapport à la façon de lui donner forme en spectacle. 

Cette exploration pouvait offrir de bons comme de moins bons côtés. Sur scène, où le groupe nous a précisé n’en être qu’à sa deuxième prestation en trio, le mélange sonore et certaines lignes instrumentales n’étaient pas toujours bien exécutés, ce qui faisait qu’on perdait parfois une partie des nuances de l’ensemble ou qu’on sentait moins de cohérence entre certains éléments choisis (ce qui n’a pas empêché les spectateurs les plus enthousiastes de se trémousser). D’un autre côté, la présentation de nouvelles explorations instrumentales et de nouvelles pièces encore non-terminées ont donné à la prestation un côté spécial, dans lequel l’imperfection devenait aussi une forme de mise en danger que le groupe partageait avec nous. 

À travers le spectacle, on avait donc aussi droit à la genèse – en live – du Totalement Sublime de demain! À ce sujet, Marc-Antoine Barbier précise, pour la suite :  « On compte garder certains éléments qui définissent clairement notre son comme le saxophone, les lignes de basses et notre vieux drum machine DDM-110 mais on explore beaucoup plus au niveau des synthétiseurs. […] Dans le premier [album], on utilise plus des loops alors que maintenant on essaie vraiment plus de performer en live pour que les séquences restent toujours vivantes. Naturellement nos improvisations sont soit très ambiantes, soit assez techno. On aime explorer devant le public et on verra où ça va nous mener pour le prochain album. »

Le musicien précise aussi que le groupe retournera tout prochainement en résidence pour son projet THRU OAEE UIE (lab II) en collaboration avec Emma Forgues, qui sera présenté devant public le 3 mai prochain. « Dans notre résidence […] on travaille beaucoup à performer en live avec plusieurs machines, on synchronise le tout en MIDI et on improvise pour voir où ça va nous mener », précise-t-il. De quoi donner envie de surveiller la suite pour cette formation!

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