Le Cabaret de la Maison Otis nous a ouvert ses portes à nouveau le samedi 9 avril dernier pour la troisième et dernière soirée de qualifications du Cabaret Festif, 11e édition. Dans une ambiance à la fois festive et décontractée, on a eu droit à une soirée haute en couleurs où quatre projets de qualité ont défendu des styles complètement différents.
Saligaude
Écouter Saligaude, c’est respirer la brise d’été des champs de notre enfance, une clope à la main. Leur folk trad liseré de prog et boosté au jazz a pris son envol dès la première pièce, poussé par la foison d’instruments des quelque sept musiciens qui se trouvaient sur scène. « On ne les nommera pas tous sinon on va écouler notre 20 minutes », nous explique Thierry Clouette (voix, guitare, basse, podorythmie), compositeur des paroles et des chansons. Le groupe a préféré offrir deux pièces entièrement instrumentales brodées en contrepoints, laissant ainsi toute la place au talent d’Antoine Piegon-Bourque (accordéon), d’Antoine Tardif (trompette), de François-Xavier Dueymes (flûte irlandaise), de Nikolas Benoit-Ratelle (guitare), d’Olivier Cousineau (orgue, synthés) et de Louis-Michel Tougas (batterie). Pour les deux autres pièces, Saligaude a présenté des textes remis au goût du jour, où le diable pouvait côtoyer les Tylenols, où la joie n’était jamais loin de la mélancolie. Une prestation qui s’est finie sur un jam remarquablement groovy et virtuose.
Après l’asphalte
Parfois la plus grande révolte, c’est de rester sensible et doux face à un monde rigide et froid. Ainsi c’est un sourire franc aux lèvres que les quatre musicien.ne.s d’Après l’asphalte se sont lancé.e.s dans leur première pièce, une chanson déjantée de dissonances à l’arrière-goût de nicotine noire. C’est un sourire franc aux lèvres que Sonia Palato (basse) a pris le temps de nous raconter une joke pour présenter Post-Apocalyptique, une toune maintenant post-monitoire et apocalyptique où le flamenco rencontrait un genre de Brassens queb, le jour de la fin du monde. C’est un sourire franc aux lèvres que Gabriel Lapierre (voix, guitare) a transfiguré la dysphorie d’une nouvelle job où voler, c’est plus facile qu’être bien payé.e. C’est un sourire franc aux lèvres que Marc-Antoine Sévégny (batterie) a accéléré le rythme et que Laurie Perron s’est démenée sur son gros violon, chantant avec Gabriel qu’iels avaient tué le folk sale. Et pourtant, on aurait dit qu’il s’incarnait encore un brin dans leur audacieux post-folk enrubanné de punk, peut-être un peu comme l’espoir qui ne veut pas mourir.
Michaëlle Richer
L’électro-pop de Michaëlle Richer n’a pas tardé à envelopper les spectateurs dans une atmosphère à la fois langoureuse et introspective. Les synthétiseurs de Blaise Borboën-Léonard nimbaient les rythmes trip-hop de Pete Pételle et la basse bourdonnante de Nicolas Lalonde, ancrage sur lequel la voix vaporeuse et mélancolique de Richer venait se poser en douceur pour mieux nous saisir. La montée en intensité progressive de la première chanson nous a à peine préparé.e.s pour Arriver à l’heure, une pièce tout en lenteur et en simplicité où ce sont les textes qui frappaient à travers leur champ lexical, à travers ce qu’ils insinuent sans dire. À peine remis, on s’est fait servir un solo impressionnant d’un Blaise qui n’avait certainement pas Un doigt dans l’œil. Passant de la lenteur à la vitesse, le groupe a ensuite conclu avec une chanson plus dansante comme pour nous montrer la variété de cordes à leur arc.
Jérôme Casabon
Le chansonnier de Québec est monté sur scène accompagné de ses compagnons de route, Ben Shampoing (guitare), Olivier Beaulieu (batterie) et Antoine Lemieux Rinfret (qui faisait le clavier d’une main et la basse de l’autre – la magie du spectacle!). Venu défendre les nouvelles compositions qui figurent sur « Le savoir aquatique » paru en novembre dernier, Jérôme Casabon a démontré dès Robe jaune qu’il savait invoquer le soleil d’été, même par temps gris, à travers ses compositions bon enfant qui racontent le quotidien avec moult images. S’il a pris le temps de nous jaser entre les tounes, au plus grand plaisir du public, il n’a pas non plus manqué d’énergie en se lançant dans Drôle de rêve, une incursion déjantée dans les années 80, avant de clore avec Piscine, un genre d’apothéose où Ben Shampoing/Marco Polo s’est retrouvé en chest pendant que le public chantait qu’il aime se « pitcher dans piscine » et que Casabon, lui, se pitchait partout où la petite scène le lui permettait.
La soirée fut, en somme, de grande qualité: de quoi mettre tout le monde en joie – sauf les juges, section tout étoile de Québec constituée de David Ouellet (Nuits psychédéliques), d’Émilie Tremblay (Pantoum, Ambiances Ambiguës) et de Garance Chartier (Ampli de Québec, PÉTALE, mais pas le Phoque OFF). Dure tâche, en effet, de décerner le titre de finaliste après une telle soirée!
Finalement, après des délibérations qui se sont poursuivies jusqu’au moment de monter sur scène, c’est Après l’asphalte qui a remporté cette manche de la 11e édition du Cabaret Festif. Le groupe jouera donc en finale aux côtés de Malaimé Soleil et de HomeBrew Remedy le 30 avril prochain. Le public, pour sa part, a donné son vote à Jérôme Casabon, qui entre ainsi en lice pour la quatrième place en finale, qui se jouera entre lui, Loïc Lafrance et Jeanne Côté.