Jean-Michel Blais présentait « Aubades » jeudi dernier dans une salle comble au Grand Théâtre de Québec, une première pour le compositeur depuis le début de la pandémie. Un public de tous les âges et tous les horizons s’était donné rendez-vous pour venir assister à la représentation de ce projet musical imprévu pour Blais, qui a profité des premiers mois de confinement pour se lancer dans l’orchestration. Originalement composées pour douze musiciens, les pièces présentées lors du concert ont été réarrangées dans une formule plus intime, soit un quatuor. Le pianiste s’est assuré de présenter celles et celui qui l’accompagnaient dès le début du concert. Une intervention qui a donné le ton à la soirée qui se voulait décontractée et sans prétention. Il a présenté Lorraine Gauthier à la grosse guitare (violoncelle), Nadia Monczak à la petite guitare (violon) et Benjamin Deschamps à la tuyauterie (clarinette, saxophone soprano et flûte traversière).
Cette désinvolture du compositeur rompait tout à fait avec les attentes que je m’étais faites avant le spectacle, c’est-à-dire celles d’un concert de musique classique sérieux, cérémonial et sans prise de parole directe de la part des musiciens. C’est tout le contraire qui m’attendait, Jean-Michel Blais s’est révélé être un musicien très bavard et comique. On sentait chez lui une volonté de guider le spectateur dans son expérience en lui donnant des clés pour arriver à mieux saisir certaines pièces, à mieux comprendre l’intention et le processus créatif derrière « Aubades ». À plusieurs reprises, il s’est dit touché et surpris par la présence du public en aussi grand nombre pour venir écouter de la musique de chambre. Une musique qui, à mon sens, restait assez facile d’approche et de laquelle émanait une sorte de naïveté, un ludisme assumé et entrainant. Nina, mon coup de cœur de la soirée, présenté par Blais comme une incursion dans le monde de l’enfance, évoquait habilement l’éveil de la conscience et l’ébauche d’une sensibilité au monde. Un réel plaisir semblait habiter les musiciens qui se sont progressivement regroupés autour du piano pour terminer la pièce à cinq mains.
La mise en scène assez minimaliste mêlait projections et jeux d’éclairage de façon à créer une ambiance douce et agréable évoquant le début de la journée, l’éveil des sens. À certains moments, les ombres de musiciens étaient projetées derrière eux et créaient une sorte de dédoublement, comme si le soleil levant entrait par une fenêtre. Un bel équilibre ressortait de cette scénographie qui ne prenait pas le dessus sur les musiciens, mais permettait un élargissement du regard et une immersion plus forte dans l’expérience de l’aube qui nous était proposée. Une expérience qui a su me séduire et qui, je crois, a su séduire l’ensemble du public.