En 2019, Reno McCarthy nous avait livré « Counterglow », un premier album pop alternatif délicieusement rythmique. Ses airs accrocheurs avaient réussi à attirer l’attention de la scène anglophone. En mai 2020, l’auteur-compositeur-interprète nous était revenu avec « Angels Watching Us Dance », un microalbum folk plus organique où la voix et la guitare prenaient les devants pour nous livrer une expérience plus intimiste. Les interrogations étaient donc nombreuses quant à ce que nous réserverait l’artiste pour son nouvel album « Run up river ».
Run Up River
(Balustrade)
Ce deuxième album complet est le fruit d’une démarche DIY. En plus d’y jouer de nombreux instruments, Reno y assure l’écriture, la composition et la prise de son. Il est également chargé de la coréalisation qu’il partage avec nul autre que Jesse Mac Cormack. Il en résulte un album multicouche aux sonorités recherchées. On renoue sur les dix pistes avec le son pop alternatif, mais également avec des pièces plus douces et contemplatives telles que June et Homesick. Sur cette deuxième, la voix de Mariève Harel-Michon (BAAB, Beat Sexü, Perdrix) ajoute d’ailleurs un côté aérien à la pièce, s’accordant parfaitement avec l’esprit méditatif global de l’album.
En arrière-plan, les trames sont abondantes et additionnent les textures. Ces subtils ajouts permettent un deuxième album plus abouti que « Counterglow ». Les influences vintages y sont bien présentes et se manifestent notamment par l’utilisation d’un Wurlitzer, un piano électrique utilisé dans les années 70. La qualité sonore de l’album est irréprochable et nous permet de savourer chacune des décisions artistiques prises par McCarthy et ses acolytes créatifs. On perçoit les ghost notes tout comme les tambours puissants de la batterie qui viennent nuancer les rythmiques classiques. On entend l’ajout de noise volontaire, les crépitements rappelant l’écoute sur vinyle, les instrumentations plus aiguës qui viennent casser les basses fréquences.
Au fil des compositions, on note une majorité d’accords en mineurs procurant une profondeur aux pièces. On y trouve une œuvre pesante, mais honnête qui assure un accueil sincère de l’émotion. Dans les textes, on découvre des thématiques relatives aux relations, on y parle bien entendu d’amour et d’amitié, mais on s’y attarde dans la plus grande des véracités. On y traite également de solitude, de l’anxiété qui se dégage de nos échanges, de besoins et de désirs en exposant un portrait juste. Sans se soucier de mettre de filtres, on demeure dans l’émotion la plus pure et on livre le tout sans tabou.
Si les sonorités vintages ont d’abord permis à certains de se démarquer des autres, ils ont maintenant grandement gagné en popularité. Il faut à présent se démarquer entre tous ceux qui ont choisi d’emprunter cette voie créative. Sans réimaginer le style, « Run up River » réussit ici avec brio et livre un album impeccable du début à la fin des trente-trois minutes de l’album.