Les personnes qui me connaissent savent que je suis carrément tombé amoureux du Festif! de Baie-Saint-Paul à ma première visite en 2015. À l’époque, l’événement avait déjà pris pas mal d’envergure par rapport à ses débuts, mais ce n’était encore rien en comparaison avec le monstre qu’il allait devenir quelques années plus tard.
Le monstre. Le mot est même un peu faible.
Au fil des ans, le Festif a grossi, grossi, grossi. Le plus beau festival au Québec devait s’ajuster à la demande toujours croissante tout en demeurant à l’échelle humaine. En 2019, je vous avoue que je trouvais qu’on approchait dangereusement le point de rupture. Un festival trop gros pour la petite ville qui l’accueille. Des organisateurs aux traits tirés (mais heureux malgré tout). Des hôtels, des restaurants et des bars incapables de répondre à la demande. Des citoyens appelés à la rescousse qui partagent leurs cours aux campeurs. Un centre-ville noir de monde.
Je me sentais un peu perdu là-dedans.
Il aura fallu une pandémie et des consignes de distanciation pour que je retrouve mon Festif d’amour, comme moi je l’aime.
N’imaginez pas que je souhaitais un flop pour pouvoir profiter seul de mes shows. Je ne suis pas SI égoïste. D’ailleurs, il y avait plein de monde partout. Les restos étaient pleins, les hôtels aussi. Mais je sais pas, l’air était un peu plus respirable, et ce n’est pas juste à cause de la température un peu plus fraîche que la normale.
On était bien!
Clément Turgeon et son équipe ont réussi à monter une des plus belles programmations de l’histoire du Festif. Une programmation diversifiée, presque paritaire, qui montrait aux curieux tout ce qu’on avait de mieux à offrir au Québec.
On avait décidé d’éloigner un peu les scènes du centre-ville. Pour compenser le désagrément entourant les longues marches d’une scène à l’autre, les organisateurs ont mis le paquet sur la scénographie, question de nous faire vivre des expériences uniques.
Vous trouvez ça beau au quai avec son paysage à couper le souffle? Une surprise vous attendait au parc de la Virevolte avec sa scène tout en branches qui donnait l’impression que les artistes jouaient dans un barrage de castors! Vous n’aviez pas besoin de drogue pour buzzer à la bétonnière avec son mur de chars écrasés et son énorme boule disco suspendue juste au-dessus de nos têtes. L’apocalypse vous attendait au pit de sable, où on avait l’impression que les artistes jouaient sur la Lune. Le décor industriel de la scène de la rue Jean-Talon était magnifique, surtout en fin de soirée. Même la très glauque maison abandonnée avait son petit cachet!
Pour les scènes les plus éloignées, on avait prévu un service de navettes très efficace (et fort utilisé et apprécié). Les plus proches se marchaient plutôt aisément.
Surtout, même les personnes qui avaient acheté des tonnes de billets avaient le temps de profiter de chacun des shows avant de passer au suivant. C’est souvent un truc que je déplore en festival (et pas juste au Festif). On butine d’une fleur à l’autre sans attendre leur éclosion. On manque plein de bons moments pour éviter d’en manquer d’autres. Pas cette année.
Les artistes étaient vraiment heureux de jouer devant public, et ça se sentait par leur générosité. Y’a pas grand rappel qui a été refusé faute de temps. Les sets étaient souvent longs. Michel Rivard a joué pendant près d’une heure et demie, et il aurait continué encore longtemps s’il avait pu le faire. Même les groupes qui n’avaient pas prévu de rappel (allô Valence) ont dû remonter sur scène pour nous repousser un petit bout de toune qu’ils avaient déjà jouée.
Même si tout (et plus encore) a été fait pour respecter les consignes sanitaires et la distanciation physique, le public a oublié la COVID. On s’est retrouvés proches, proches, proches à plusieurs reprises, mais si on ne voulait pas se faire crever sa bulle, il était tout à fait possible d’avoir du fun quand même parce que les spectateurs étaient respectueux (je vous avoue que ce n’est pas toujours le cas en temps normal).
Tout au long des cinq jours du Festif, j’ai vécu toute la gamme des émotions positives. Après un Festif 2019 catastrophique pour moi sur le plan de la santé mentale, ça a fait beaucoup de bien. J’ai trippé sur les longs jams des Barr Brothers en duo. Versé une larme ou trois quand Alex Guimond (Comment Debord) a entonné le premier refrain de Bay Window. Trouvé que les nouvelles versions des vieilles tounes de Louis-Jean Cormier étaient tout simplement folles (j’ai encore St-Michel en tête). Pleuré à chaudes larmes en voyant le fleuve dans toute sa splendeur pendant que Flore Laurentienne m’en mettait plein les oreilles. Compris pourquoi Dominique Fils-Aimé se retrouve tout le temps sur la liste courte du Polaris. Activé mon mode ultra-groupie pour mes amis de Valence. Vécu le trip de ma vie avec Jesuslesfilles et Corridor dans une bétonnière survoltée. Découvert avec une grande joie The Weather Station, mon nouveau groupe de Toronto préféré. Crié le refrain de Des feux pour voir avec Marie-Pierre Arthur. Eu envie de m’acheter un char et partir en roadtrip en entendant Fish Mountain 2 des Blaze Velluto Collection. Dansé avec Choses Sauvages, Marie Davidson et L’Oeil Nu. Versé de nouvelles larmes en chantant Maudit bonheur avec une de mes plus grandes idoles de jeunesse, Michel Rivard. Trouvé Mon Doux Saigneur à sa place devant des chèvres, à l’aube. Pleuré 7-8 fois pendant les 7-8 chansons d’Elisapie. Et enfin trippé ma vie à un show de Men I Trust parce que le public écoutait religieusement.
J’ai trippé à jaser avec plein de monde un peu partout. Des gens que je connaissais (à la longue, on voit pas mal tout le temps les mêmes visages), d’autres que j’allais apprendre à connaître. Le monde était tellement fin, cette année, encore plus qu’à l’habitude. Encore là, je sais pas si le fait de recommencer à socialiser après plus d’une année de confinement a quelque chose à voir, mais j’ai vu aucune agressivité, aucun drame. Ça a fait du bien.
Je suis réaliste. Même si j’aimerais que le Festif reprenne cette formule en 2022, je sais que c’est impossible. Les dispositifs scéniques ont coûté les yeux de la tête, et le festival a reçu des subventions spéciales pour compenser la perte de spectateurs. Des subventions qui ne seront certainement pas de retour l’an prochain. Va donc falloir rouvrir les vannes et accueillir tout le monde.
N’empêche, je rêve que certains éléments demeurent. Dans un monde idéal, les chapiteaux laids prendraient le bord et seraient remplacés par ces magnifiques scènes. Par exemple, la scène du parc de la Virevolte est tout près du centre-ville. Elle n’est pas plus loin du parvis de l’église que la cour à Joanne. Elle mérite d’être de retour.
Parlant du parvis, christie de belle réussite que ce lieu de rassemblement déjanté. Lui, il est mieux de revenir l’an prochain.
Un fait demeure : le Festif 2021 a été, de loin, mon plus beau Festif. Les retrouvailles, les belles scènes, les beaux artistes, le beau monde partout, mon voisin de tente qui ronflait doucement à 4 heures du matin, le temps doux, les nouveaux et nouvelles ami.es, l’équipe incroyable du Festif.
Je prends d’ailleurs quelques minutes pour remercier cette belle équipe. Clément, t’as réussi un exploit avec ton équipe. Anne-Marie, je ne t’ai pas beaucoup vue cette année, mais chapeau. Marc, merci pour le lift dimanche! Stéphanie, Florence, Marie-Claude, Rose et toute l’équipe des communications, merci pour votre accueil et vos sourires non stop. Être une petite feuille de chou et être accueilli comme Philippe Fehmiu, c’est le fun.
Je vais être de retour en 2022. Grosses foules ou non. Parce que j’aime mon Festif, j’aime Baie-Saint-Paul, j’aime les gens qui y vivent ou qui la visitent. Reste à savoir si j’y vais comme média, comme bénévole (ou comme membre de l’équipe des comms… j’envoie mon C.V. où, Steph?) ou comme simple festivalier. Je veux vivre mon Festif autrement.
Les jeunes de l’équipe d’ecoutedonc courront à ma place.