La place des fxmmes – Marion Desjardins, photographe

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Cette chronique met en lumière les fxmmes que l’on croise à travers les scènes locales. Il suffit de se promener dans les spectacles et les festivals pour se rendre compte que la parité homme-femme s’atteint doucement. Que celles-ci soient techniciennes, artistes, journalistes ou agentes, ces fxmmes représentent une évolution notable et positive dans l’industrie musicale d’aujourd’hui.

Cette chronique se veut inclusive, nous utiliserons donc le terme alternatif fxmmes pour désigner les femmes cis et trans, les personnes non-binaires, les personnes bi-spirituelles et en particulier celle et ceux qui proviennent des minorités visibles, dans une perspective d’intersectionnalité.

Marion Desjardins est connue à Québec pour ces nombreux reportages photographiques de la scène locale. Que ce soit, en théâtre, danse et musique, l’immortalisation des performances est une pratique qui lui est primordiale, en tant que professionnelle et individu. Entre réalités du métier et des genres, voici l’entrevue de la photographe. 

Comment as-tu commencé la photographie ? 

J’ai commencé par développer des photos avec mon père à l’âge de 8 ans. Ensuite, j’ai toujours fait de la photographie, mais je ne pensais pas en faire mon métier. 

J’ai étudié en Design graphique à l’Université Laval. Dans ce cours, il y avait un module de photographie et c’était bien le seul dans lequel j’étais motivée (rires). Je m’asseyais à l’avant et j’ingérais toutes les leçons que le prof nous enseignait. Je me donnais à 100 % dans les projets, j’avais une grande soif d’apprendre.

Je me souviens m’être dit que le design graphique m’apporterait un meilleur mode de vie financier par rapport à la photographie, mais j’ai quand même décidé de mettre un terme à ma formation. Ensuite, je suis allée faire un DEP en photographie au CFP Maurice Barbeau. 

Fais-tu des recherches avant d’effectuer tes prises de vues ? 

Je suis vraiment intuitive de ce côté-là. Je ne fais pas trop de recherche avant une séance de portrait, car il y a ce phénomène qui fait qu’on finit tous par reproduire les mêmes poses et ambiances. On peut voir des modes ou des tendances se créer via les réseaux sociaux. J’essaye de me tenir un peu au courant, mais je reste en dehors de tout ça. 

En spectacle, c’est sur que je travaille encore plus avec l’instinct. Je cherche à capter les meilleurs moments. Je veux saisir une action qui se passe, mais qui n’est pas figée.

On te connait principalement pour tes reportages sur les scènes à Québec, l’immortalisation de la performance est-elle un aspect qui te touche personnellement ? 

J’allais voir déjà beaucoup de spectacles lorsque je n’étais pas encore photographe. Mon père était technicien de scène, donc je baigne dans ce milieu depuis toute petite. J’ai toujours ressenti ce petit énervement avant que le spectacle commence, ça a sans cesse été spécial pour moi. 

Le fait de pouvoir imager les performances me plait beaucoup. Je n’ai pas beaucoup de talent en musique donc c’est un moyen pour moi de rendre hommage aux artistes que je vais voir. 

Est-ce que le mandat est différent pour toi lorsque tu couvres un spectacle plutôt qu’un festival ?  

La grande différence, c’est que tu peux prendre des photos tout le long d’un « petit » show. C’est en général plus relax, tu connais le monde présent, et je trouve l’ambiance plus festive. C’est vraiment ce genre d’atmosphère que je préfère en photographie. 

En festival, comme au FEQ, ce qui est cool c’est que tu peux photographier des bands que tu ne pourrais jamais prendre en photo en temps normal, même si ça ne dure que 15 minutes maximum. Par contre, je me sens dans un monde complètement ailleurs en festival, tous les photographes sont à la même place, ça ajoute un petit stress.

Lorsque je suis présente au festival OFF du FEQ, je vois tellement la différence, j’ai davantage d’affection pour les shows intimes.

Penses-tu que ton genre influence la décision lorsqu’un contrat est proposé et exécuté ? Est-ce que la parité est atteinte chez les photographes ?

C’est sûr qu’il est toujours question de perception, mais j’ai l’impression que les photographes hommes sont beaucoup plus dans le rôle chummy. Ils pourraient arriver complètement lendemain de veille, et ça pourrait être juste drôle. Quand on est une fille, j’ai l’impression qu’il faut qu’on soit top shape et super professionnelle. 

Lorsqu’on est en festival, et que tout le monde de la profession est là, on se rend bien compte que la grosse majorité des photographes sont des hommes.

Je n’ai même pas de crainte à dire que l’écart des salaires doit être bien présent.

Te sens-tu toujours en confiance et en sécurité lorsque tu couvres un spectacle ? Est-ce que la foule est, en général, compréhensive avec ta pratique de la photographie pendant les concerts ? 

Au début, j’étais peut-être plus consciente de ça qu’aujourd’hui. Je sentais vraiment que je pouvais déranger. 

Souvent, les gens peuvent te faire des commentaires : « Ouais, on le sait tous que tout le monde peut être photographe maintenant. » On dirait que certaines personnes pensent que tu te mets en avant en étant photographe, mais ils ne se doutent pas que tu puisses faire ça sérieusement.

Aussi, j’ai pu observer une différence de traitement de la foule lorsque j’étais à l’Imperial Bell avec un photographe homme. Le monde le laissait passer plus facilement plutôt que moi. Je ne sais pas si on parait moins sérieuse ou qu’on peut être plus facilement comparé à une groupie, mais je trouve que c’est un peu plus difficile de se tailler une place dans le parterre en étant une femme.

Comment vois-tu l’avenir des femmes au Québec ? 

Le fait d’avoir pris conscience des inégalités a déjà bien aidé la cause des femmes en général. Personnellement, autant je peux vivre des choses injustes, autant j’essaye de ne pas trop me comparer aux hommes. J’essaye de me sentir égale, et de foncer, quoi qu’il arrive. 

J’ai l’impression que ça peut juste s’améliorer. Il y a déjà beaucoup de mouvement pour que les techniciennes et bands féminins soient égalitaires dans les festivals. Ça ne peut que devenir une normalité !

Quel est le message que tu aimerais passer aux fxmmes voulant se lancer dans la photographie de spectacle ? 

Il est important de s’impliquer bénévolement, surtout au début. Le milieu de la scène est une grande histoire de contact donc essaye de sortir le plus souvent possible, pour connaitre tout le monde.

Il ne faut pas avoir de réticences ni avoir peur de se sentir différente parce qu’on est des femmes. Si tu aimes ça, fonce, vas-y et ne te pose pas de questions.

Quand tu es témoin de situation injuste, il ne faut pas avoir peur de parler et d’agir. Que ce soit autant pour les salaires ou le traitement, reste proche de tes valeurs.

Vous pouvez visiter le site internet de Marion par ici : https://www.llamaryon.com/

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