Backxwash – « God Has Nothing to Do With This Leave Him Out of It »

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La rappeuse Backxwash a lancé la semaine dernière une petite bombe dans notre univers musical. Intitulée « God Has Nothing to Do With This Leave Him Out of It », cette pièce d’artillerie de 23 minutes a la puissance d’une bombe à neutrons et son message est à la fois cru et dérangeant tout en nous permettant d’espérer que ça va finir par bien aller.

Cet album, qui est le deuxième complet de Backxwash en moins d’un an, se veut la suite des explorations musicales, spirituelles et identitaires de la rappeuse noire trans (et queer). Les dix (courtes) chansons nous permettent de visiter l’univers très sombre qui hante l’esprit de Backxwash.

Dès la pièce-titre (qui ouvre l’album), qui s’appuie sur des échantillannages de… Black Sabbath, on sent un malaise, le genre de malaise qu’on sent quand on écoute quelque chose qui nous sort de notre zone de confort, mais qu’on écoute quand même parce qu’il se passe quelque chose d’important.

Le phrasé de Backxwash n’est pas trop dur à suivre pour un néophyte comme moi, et c’est une bonne chose, parce qu’il s’en dit, des affaires, dans ses chansons. Chaque ligne est livrée tel un crochet ou un uppercut, chaque mot porte ses ecchymoses.
Le tout atteint probablement son paroxysme sur Into the Void, drette au milieu de l’album. Cette rage explose littéralement ici et résume assez bien ce qu’on vit depuis quelques semaines (pour les personnes qui nous lisent en 2023, allez voir ce qui s’est passé à la fin mai 2020). C’est déjà difficile d’être une femme, c’est déjà écrasant d’être Noir, il y a déjà assez de stigmates sociaux quand on est une personne trans, imaginez quand tout ça en même temps fait partie de votre identité.

La production/réalisation est digne des gros noms du genre, les trames mélodiques lourdes, mais extrêmement accrocheuses, nous tiennent bien en selle, le phrasé de Backxwash est extrêmement efficace. Ce qui, pour un non-initié, est une bénédiction. On évite les clichés, se permettant plutôt quelques explorations à la Death Grips (une influence assumée).

« God Has Nothing to Do With This Leave Him Out of It », c’est beaucoup plus qu’un album de rap. C’est un document qui a une valeur historique, un cri du cœur provenant de millions de personnes qui n’ont pas la chance de faire partie des riches, des puissants, de la majorité, à un point tel qu’elles ne trouvent pas sur quoi elles pourraient s’accrocher, fonder leur identité.

Quand on arrive à sculpter cette identité, comme l’a fait Backxwash dans son œuvre, on se ramasse avec une point d’optimisme, un peu de lumière au bout du tunnel, comme on l’entend si bien sur la dernière pièce, Redemption, qui est tout à fait à l’opposé de la pièce titre. Voir qu’un peu de lumière puisse rejaillir de toute cette ombre, ça ne peut qu’être bon signe pour l’avenir. Autant pour la carrière de l’artiste que pour sa vie personnelle (je vous avoue qu’il m’est arrivé à quelques reprises d’avoir eu envie de la prendre dans mes bras et de lui faire un câlin, pas par pitié, mais juste par envie de lui donner un break dans sa lutte, dans sa quête).

On ne prétendra pas tout comprendre ce qu’a vécu l’artiste montréalaise d’origine zambienne. On ne se prétendra même pas capable de passer cinq minutes dans ses baskets. Au moins, là, on a une petite idée de tout ce que ça représente. Ça porte à réflexion, surtout dans le contexte actuel. Ça tombe bien, parce qu’on a beaucoup de trucs à réfléchir, ces temps-ci.

Une œuvre éducative essentielle.

Backxwash lancera virtuellement son album lors de l’événement Suoni Per Il Popolo Redux qui se déroulera du 6 au 20 juin. Le spectacle de Backxwash aura lieu le 7 juin (dimanche)

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