Le Grand Théâtre avait fait retirer les bancs des premières rangées dimanche dernier afin d’accueillir le maintenant mythique Patrick Watson pour deux soirs consécutifs. L’artiste de Montréal n’avait pas foulé les planches de la grande salle depuis 2012, alors qu’il était venu présenter Adventures in Your Own Backyard. Cette fois, il revenait en force – ou plutôt tout en douceur – avec Wave.
La Force
En guise de première partie, Ariel Engle – alias La Force – nous a présenté le contenu de son album homonyme, un premier opus qui explore le thème de la maternité et de ses aléas. Cela constituait l’un des derniers spectacles solo de la chanteuse du groupe indie rock Broken Social Scene avant que celle-ci ne retourne à l’écriture de chansons.
Entre deux compositions épurées, faites d’un électro où le rythme et la mélodie des voix prédominent, l’artiste discutait nonchalamment avec son public, favorisant d’autant plus l’atmosphère intimiste que conviait aussi sa musique. Elle était accompagnée par deux choristes ainsi qu’un batteur, jouant elle-même quelques lignes épurées de guitare ou de boîte à cigare. Ses chansons, elles, racontaient la dépression qui l’a engouffrée, ou encore la beauté du corps de son mari. Dans la salle, le public était très attentif et semblait tout disposé à se faire envelopper par les mélodies à la fois vaporeuse et un brin RnB de La Force.
Patrick Watson
Qui dit nouvel album, dit nouveau décor: Patrick Watson et sa bande se sont installés au milieu des instruments et des prismes-miroirs qui, en tournant, reflétaient la lumière de mille manières. Au fond, un grand visage sculpté dans du métal et à demi caché par un autre prisme.
Le groupe ne nous a pas trop fait attendre avant d’entamer Dream for Dreaming, la première pièce de « Wave ». On a tout de suite été transportés par cette version qui s’est matérialisée sous nos oreilles, à la fois fidèle à l’album et particulière, unique. Même chose pour les pièces suivantes, qui semblaient prendre une dimension supplémentaire sur scène.
L’aspect particulièrement aquatique de chansons comme Strange Rain était aussi mis de l’avant par les talentueux musiciens qui entouraient Watson. Les harmonies qu’ils chantaient en choeur évoquaient les sirènes. Les effets au piano (signés Watson) et à la guitare (gracieuseté du génial Joe Grass), ou encore le son des synthétiseurs nous faisaient basculer au fond des mers. Et sur l’ensemble, la voix de falsetto de Watson – reconnaissable entre toutes – se posait et se faisait rassurante.
Nous parlant tantôt en français, tantôt en anglais, l’artiste de Montréal prenait le temps de discuter avec son public entre les pièces, expliquant de temps à autre le sens de chansons telles que Melody Noir, composée pour « apprendre à aimer les trous dedans toi ». Impossible de ne pas s’attacher à ce personnage qui nous parlait humblement, entre deux rires francs, et qui nous regardait en souriant, les yeux fermés.
Les pièces passaient les unes après les autres, sous les regards rivés des spectateurs envoûtés. Le groupe a principalement joué « Wave » dans l’ordre, se permettant malgré tout quelques détours. On a notamment pu entendre Hearts (« Love Songs For Robots ») ainsi que Slip into Your Skin (« Close to Paradise ») avant que le groupe n’enchaîne avec les trois derniers titres du nouvel opus en s’abandonnant corps et âme à leur musique.
Après avoir fait passer la vague, le groupe est revenu sur scène sous une pluie d’applaudissements pour offrir un ultime et généreux rappel. Les musiciens se sont serrés autour d’un micro pour nous chanter Big Bird in a Small Cage. Patrick Watson en a profité pour faire chanter les spectateurs et même pour en inviter quelques uns à monter sur scène. Ils ont poursuivi avec In Circles, pour terminer avec un cadeau bien apprécié des connaisseurs: l’inédite Je te laisserai des mots, ainsi qu’une toute nouvelle pièce, dont les arrangements futurs se devinaient derrière le jeu de piano virtuose de Watson.