Wave
(Secret City Records)
Vendredi dernier, j’avais préparé une critique plus ou moins élogieuse de « Wave », le dernier rejeton de Patrick Watson. C’est qu’aux premières écoutes, voyez-vous, j’ai pas été très attentif… j’avais une grosse impression de déjà entendu, j’avais l’impression que Watson ne cherchait même pas à repousser les limites de son univers.
Dès les premières notes de Dream for Dreaming, la pièce qui ouvre l’album, ma copine s’est écriée : « Hey, c’est le nouveau Patrick Watson, ça? » Oui, je sais, la signature de Watson est unique et il est loin d’être inconcevable qu’on reconnaisse ses chansons en deux secondes et demie, sans qu’on l’entende chanter. Mais c’est un peu comme s’il nous disait : « Vous inquiétez pas, les arrangements vont être superbes, les mélodies, douces et beaucoup trop accrocheuses, c’est juste que je suis ailleurs. »
J’avais mal compris ce message.
Effectivement, Patrick Watson est ailleurs. Sur « Wave », la vedette, ce n’est pas la musique éthérée du génie de la création d’atmosphères. C’est plutôt sur ses textes qu’on doit se concentrer, car c’est sur ceux-ci que Watson a fondé ses chansons.
This dream I’m dreaming
Dream for Dreaming
Won’t you wake me up tonight
Cause this life I’m living
Doesn’t really feel like mine
This strange dream I’m dreaming
If it ain’t wrong it don’t feel right
Never thought you were leaving
I never thought I’d have to start again
Ça commence de façon fort personnelle, hein? C’est pas pour rien : « Wave » est probablement l’album le plus introspectif de Watson, celui qu’il a écrit en traversant une vague d’événements pas le fun (le deuil, une rupture, une séparation professionnelle, entre autres). Bon, il aurait pu faire comme on aurait tous fait, pis se débattre comme un malade pour résister à la vague, mais Watson a plutôt préféré se laisser porter, puis voir où ça le mènerait.
Cette vague l’a inspiré là où on ne l’attendait pas vraiment : cette fois, Watson n’avait pas qu’envie de chanter, il avait quelque chose à dire, du réconfort à aller chercher (et à donner).
A 36 foot feeling’s overwhelming me
The wave
Just let the waves come crashing down
I’ll see you on the other side
Ce genre d’images très « in your face », il y en a beaucoup sur cet album, mais il y a toujours un « other side », une lueur d’espoir qui retrousse les lèvres vers le haut, même si nos yeux sont humides. Cette façon de raconter cette vague qui a nettoyé de grands pans de sa vie, de saisir l’occasion au vol pour se concentrer sur sa poésie tout y accolant des arrangements soignés, où cuivres côtoient synthétiseurs, guitares et pianos – tout en demeurant très fidèle à son propre style, elle vient nous toucher.
Une musique pas aussi banale que je l’avais sentie au départ. Oui, Watson commence de façon assez confortable, les premières chansons ne nous bousculent pas trop, à un point tel que je me demande si cette familiarité se voulait davantage une manière d’exprimer un sentiment qu’un brin de fatigue. Parce qu’à mesure qu’on s’enfonce plus avant dans l’album et dans les émotions de Watson, tout devient beaucoup plus complexe (surtout après quelques écoutes), plus riche, plus lourd.
Le meilleur témoin est Turn Out The Lights, qui commence en mode soul et monte en crescendo jusqu’à cette finale absolument jouissive où Watson montre casse sa voix remplie d’émotions, enveloppé par des arrangements si beaux qu’on en voit toutes les couleurs les yeux ouverts. Du pur Watson, mais cette fois, ce sont les mots qui mènent et qui inspirent cette magnifique mélodie qui nous incite à recommencer la chanson aussitôt finie.
On va brailler en spectacle sur ce morceau, c’est certain.
It’s not that it was extraordinary
Look at you
It’s just that the ordinary
Stood up and was staring back at me
L’album se termine avec la douce mélancolie de Here Comes the River, où Watson nous montre enfin un peu de lumière et d’espoir. L’espoir qu’une fois passée, cette vague constituera un nouveau départ, une occasion de devenir une meilleure personne, de retrouver le bonheur, et que celui-ci soit durable. C’est ce que Watson a fait tout au long de « Wave », il s’est laissé porter par la vague. On a fait le voyage avec lui plutôt qu’uniquement avec sa musique.
Ce qu’il en reste, une fois l’album terminé? Des leçons retenues. Des envies de se laisser porter par toutes les vagues qui vont nous frapper plutôt que de s’épuiser à les combattre. Un voyage plus limpide que d’ordinaire dans l’univers éthéré de Watson. Un album qui demande à l’auditeur de faire comme Watson et de changer un brin ses habitudes : s’attarder aux paroles d’abord, puis se laisser bercer par la musique ensuite.
Un album qui ne m’a peut-être pas impressionné à la première écoute, mais qui grandit chaque fois que j’appuie sur Lecture. Un grower, comme disent les Anglais.
Patrick Watson sera au Théâtre des Grands-Bois de Saint-Casimir le 1er novembre prochain. MAIS C’EST COMPLET. Heureusement, Watson sera au Grand Théâtre les 15 et 16 décembre prochains. Les billets s’envolent vite, alors ne perdez pas trop de temps.