Les non-festivaliers (en mal de FME ou non) et autres mélomanes non-conformistes ont pu se retrouver au Maestrøm jeudi dernier pour vivre et entendre la musique du groupe FET.NAT, qui ne peut pas se définir par le fait qu’il se retrouve cette année sur la liste courte du Prestigieux Prix Polaris.
Motherhood
Mais d’abord, c’est Motherhood qui a pris place devant les spectateurs encore timides. Le trio anglophone issu de Fredericton, NB, semblait se démarquer par l’aspect hétéroclite de sa musique à prédominance punk-rock. Le guitariste, la bassiste et le batteur sautaient joyeusement du coq à l’âne au détour d’un accord pour passer d’un riff dansant et joyeux à une avalanche où se mêlaient yodel et cris, pour ensuite se lancer dans un blues bien cochon et dissonant ou encore dans une descente psychédélique aux enfers. On aurait pu penser qu’ils divaguaient, jeudi dernier, s’ils n’avaient pas opéré ces changements tous les trois en même temps! Ils ont donné une prestation digne d’intérêt, et qui aurait pu garder l’attention des TDA les plus sévères.
FET.NAT
Avec FET.NAT, une autre ambiance s’est installée. Ce n’est pas simplement hétéroclite, quand tu t’arrêtes au milieu d’une toune-test-de-son pour demander – avec amour – au gars de la technique de mettre tes moniteurs dans le piton (plus, pluuuuussss!), que tu lui dictes savamment les différents effets dont tu as besoin et puis que tu repars sec de même, à « un compte? deux comptes? zéro comptes! » et que ta musique défait les murs des concepts qu’elle explore. Ce n’était pas la précision qui permettait au saxophoniste, au chanteur, au bassiste et au batteur d’être tight, comme des musiciens qui jouent tous leurs lignes en même temps… À la place, c’était l’énergie avec laquelle les membres du groupe se mettaient au défi de se suivre dans une interaction aussi organique qu’empreinte – on aurait dit – de violence contenue et canalisée dans cette musique à la drive impressionnante.
Entre des soli de vents free jazz balancés par Lindsey Wellman en souffle continu et faits pour « rentrer dans notre chakra », les phrases mi-scandées mi-chantées qui se noyaient parfois sous les différents effets qui tordaient la voix de JFNO, les rythmes multi-hybrides d’Olivier Fairfield qui passaient de l’expérimental le plus détaché à l’afrobeat le plus entraînant en moins de deux et les lignes aussi groovy que déconcertantes du guitariste et bassiste Pierre-Luc Clément, il y avait de quoi se pâmer devant cette oeuvre chimérique et non-conforme qui semblait se recomposer sous nos yeux. Pas étonnant d’apprendre que le groupe bilingue de Hull s’associe au mouvement RIO (Rock in opposition) des années 70, qui visait à sortir des zones de confort musicales du rock pour contester les normes de l’industrie. Malgré tout, le groupe s’assure toujours de laisser au spectateur quelque chose pour s’accrocher.
Cette fois encore, justement, le 5e membre du groupe est venu ajouter sa touche personnelle et accessible à cet univers expérimental de haut calibre: les affiches de JFNO semblent en effet avoir leur personnalité propre, qu’elles nous lancent simplement «Allô», «ça va?» ou encore les très poignants « Tiens-moi la vie ». Elles semblent aussi créer un lien entre le groupe et le public, tout autant que JNFO et Wellman, qui se sont montrés très communicatifs jeudi dernier. Ils ont même invité le public à se lancer dans une chorale de «Hey!» et de «Oh-oh» de grenouilles pour que le public, lui aussi, participe à l’intensité de leur musique d’avant-garde. En quittant la scène après une autre apothéose d’intensité, le groupe nous a laissé planer sur une track d’opéra.