Imprévisible : Pomme & Philémon Cimon
On nous a donné un rendez-vous champêtre dans la cour à Johanne aux environs de 15h30, sous le vent qui agitait les feuilles de ses érables. L’instant de quelques chansons, ce petit espace gazonné noir de monde a voyagé avec nous de Lyon à Saint-Joseph-de-la-Rive grâce aux douces mélodies de Pomme et de Philémon Cimon. Commençant la première, l’artiste française nous a joué d’abord quelques compositions, s’accompagnant à la guitare ou avec son « instrument de druide ». Cimon lui a ensuite prêté main forte, notamment sur Comme si j’y croyais, tirée de ses « Sessions Montréalaises ». Si quelques problèmes techniques sont survenus, Pomme les a balayés du revers de la main pour goûter le moment présent avec nous.
Philémon Cimon a ensuite pris les devants pour la deuxième portion du spectacle. Visiblement ému de jouer pour la première fois dans Charlevoix depuis la sortie de « Pays », l’auteur-compositeur-interprète de St-Jo nous a d’abord fait chanter la chanson à répondre écrite par son oncle en 1968. À travers son discours chargé d’émotion et parsemé de plaisanteries, Cimon nous a ensuite fait découvrir d’autres facettes encore de son Pays avec des histoires (et l’Histoire avec un grand H!) mettant en contexte ses chansons. De cette manière, la douce poésie de Les pommiers envahis et de Ma mère au Nord a pu scintiller sous une lumière nouvelle. Le beau moment s’est clôt sur Les Éboulements, qu’on a baragouiné tous ensemble.
Marie-Ève Fortier
Les Hôtesses d’Hilaire – Opéra rock
Si j’essayais de faire un survol complet de tout ce qui fait l’opéra rock des Hôtesses d’Hilaire, je finirais sans doute par écrire un article similaire à celui que Jacques a déjà publié lors du passage des musiciens au Grand Théâtre de Québec (et dont je vous recommande la lecture). Je m’en tiendrai donc à un seul moment, en espérant parvenir à vous rendre ainsi avec justice au moins une infime parcelle de tout l’émerveillement que suscite cette production.
Kevin (Robin-Joël Cool) vient de gagner au show télévisé Pousse ta note. Black out. Pause. Ben assise sur son divan, dans le coin droit, Glenn (Diane Losier) nous met en garde contre le prochain personnage à faire son entrée: Julia (Anna Frances Meyer), l’industrie rapace incarnée en une seule femme fatale. La musique embarque: les gars des Hôtesses d’Hilaire, auxquels s’ajoutent Mathieu Pelletier Gagnon et Jonathan Bigras, s’assurent comme d’habitude qu’on plonge dans l’ambiance sans pouvoir décrocher.
Mais c’est pas eux qu’on regarde. C’est la grosse porte en forme de bouche déformée par les projections, parce que ses rideaux viennent de s’ouvrir: flash d’un divan de cuir rouge qui se retourne lentement, Julia qui nous fixe de ses yeux de serpent, encadrée par ses trois acolytes (les Hay Babies, aux rôles multiples dans l’opéra). Elle s’en vient charmer Kevin pour en faire son nouvel étalon.
«BAYBEEEE!»
On y croit, on est tous sous le charme de celle qui n’en fait ni une ni deux, qui s’embarque dans une tirade étourdissante pour entourlouper la prochaine grande star de l’Acadie: «It’s happening baby… The wheel of change is rrrrrolling! C’est toute à cause de toi. T’as sorti l’Acadie des ténèbres!» Il est subjugué, elle le met littéralement à sa main dans une finale scandaleusement langoureuse au terme de laquelle Kevin se présente littéralement comme le pantin de Julia, remuant ses doigts lorsqu’elle l’ordonne.
Pis ça, c’est juste le début. Le début de la débandade de Kevin, à laquelle on assiste en parallèle aux aléas de la vie de Hôtesses d’Hilaire, mise en scène avec beaucoup d’humour, mais encore plus de probité. Décidément, l’opéra rock des Hôtesses d’Hilaire, c’est une sorte de Gesamtkunstwerk où se confondent la musique, le théâtre, les arts visuels, le conte, le divertissement et une réflexion lucide sur le monde dont il est issu.
Marie-Ève Fortier
Teke Teke
C’est devant une foule à moitié conquise d’avance et à moitié néophyte que le groupe montréalais de garage-surf-rock-psyché-trad-japonaise a pris place au garage du curé pour amorcer une performance qui s’annonçait mémorable. Ça a commencé dans une douceur relative, alors que le groupe a enfilé une bonne partie de son répertoire instrumental tiré du EP « Jikaku », comme Omae no karada, et d’un album à venir (quatre pièces au total) avant que Maya Kuroki, la très grande chanteuse et percussionniste – d’origine japonaise comme une bonne partie du groupe – ne vienne rejoindre les six autres musiciens et musiciennes sur scène.
Plein de nouveau a été présenté et on sentait de nouvelles tendances sonores alors qu’ils se distanciaient tranquillement du monde surf de leur influence initiale, Takeshi « Terry » Terauchi, un des apôtres du genre. Ils ont fini par interpréter tout le maxi, pièces avec vocaux incluses, donnant l’occasion à la chanteuse de prouver une fois de plus à quel point elle est animée par son art. Après avoir aussi interprété un gros paquet de nouveaux morceaux, la joyeuse bande de ménestrels a quitté la scène avant qu’un tonnerre d’applaudissements ne les convainque de tenir une très brève réunion de fortune dont est ressortie la décision d’en faire une dernière, peut-être un peu moins rodée, mais pas moins efficace ou appréciée du public pour autant. Un de mes nombreux moments coup de coeur de ce magnifique et avant-gardiste festival vivant.
François-Samuel Fortin
(La suite de ce compte rendu, avec de longs mots sur les prestations de Choses Sauvages et Lydia Képinski, se trouve à la page suivante.)