Épitaphes
Pardonnez mon retard, je sais qu’Épitaphes est sorti depuis déjà une semaine, mais même si j’ai eu l’album quelques semaines à l’avance, j’ai senti que j’avais besoin de quelques jours de plus pour le digérer.
Je me souviens d’avoir découvert Mélanie Venditti au Cabaret Festif de la relève, en 2017. Telle une étoile filante, son bref passage m’avait illuminé, j’ai eu le même genre de coup de coeur qu’avec Lydia Képinski l’année précédente. Un pop-rock intelligent et complexe, situé quelque part entre ladite Lydia et Klô Pelgag.
Après un petit EP fort sympathique, Mélanie est de retour avec Épitaphes, son premier album complet, un album audacieux, paru en un seul morceau (ce qui vous oblige à l’écouter au complet – même si ce morceau est divisé en dix mouvements), à la fois très sombre et plutôt lumineux.
Écrit dans l’urgence après deux deuils difficiles (le décès de sa mère – un gros choc – et une grosse peine d’amour qui en a découlé), et coréalisé en gang, Épitaphes nous présente une jeune femme qui en a bavé en-dedans et qui a utilisé la musique comme thérapie et qui a fait de ses musiciens sa nouvelle famille.
Une nouvelle famille qui lui donne beaucoup de jus, comme en témoignent les magnifiques arrangements qu’on retrouve partout sur l’album. Aux cordes, bien sûr, Blaise Borboën-Léonard fait un travail impeccable (aucune surprise ici), mais il n’est pas le seul : Guillaume Guilbault, Étienne Dupré, Mandela Coupal-Dalgleish et Tonio Morin-Vargas (et Mélanie) ont tous eu leur mot à dire, de façon équitable dit-on, à la réalisation. Et contrairement à ce qui arrive trop souvent lorsque la réalisation est assurée à plusieurs, l’ensemble demeure uniforme (une chance, y’a rien de pire qu’un album concept qui tire dans toutes les directions). Tout le monde connaît ses forces et ses faiblesses et s’appuie sur cette connaissance pour mettre l’oeuvre en valeur.
Musicalement, on est clairement dans une pop-rock très accessible, même si on a fait beaucoup d’efforts pour tenter de se démarquer des autres autrices-compositrices-interprètes du genre (qui sont de plus en plus nombreuses). Déjà que le propos est lourd, s’il fallait que la musique soit difficile d’approche, on aurait peut-être envie de revirer de bord. Mélanie s’en est donc servie pour appuyer ses textes, dont le phrasé peut facilement servir de fondation, car Mélanie sait visiblement jouer avec son rythme et ses accents. Notons toutefois la présence d’éléments progressifs et jazz qui lui permettent justement de se démarquer par rapport aux accents pop plus prononcés d’une Képinski ou à la folk pop bien plus déjantée de Pelgag. En gros, Mélanie a les pieds sur Terre. Ceux qui planent, ici, c’est nous, quand elle daigne nous laisser planer.
Côté textes, y’a un petit malaise, on l’avoue : pas que les textes sont mauvais, bien au contraire. C’est plutôt le côté extrêmement personnel de l’album qui vient nous crisser son poing sur la gueule. Ce double deuil, le premier au sens propre, l’autre au sens figuré, a inspiré beaucoup de nuages très sombres que Venditti détaille ici avec une certaine détresse palpable. Difficile ici de ne pas faire preuve d’empathie pour la jeune femme.
Je suis un tison le matin
qui brille seulement dans le noir
Et depuis sa mort je m’éteins
toi tu essaies de me rallumer
mais ton désir finit par se brûler
D’autres personnes n’auraient pas pu survivre à ce tsunami émotif. Heureusement, Mélanie s’est servie de son talent pour exorciser ses démons. Et heureusement, elle le partage avec nous.
Et le truc de la track unique de 45 minutes? Ça marche. On reste accroché tout au long et on se dit : « DÉJÀ FINI! » lorsque le dernier mouvement prend fin.