T’as été bonne, 2018 : Nos albums de l’année

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Les mélomanes ne se sont pas ennuyés en 2018. Semaine après semaine, les tablettes des disquaires se sont garnies de nouveautés sur lesquelles nous nous sommes garrochés. Pop, rock, jazz, rap, néo-classique, name it, on a rempli nos oreilles de mélodies et de beats accrocheurs.

Aujourd’hui, on vous présente une compilation de nos vingt albums préférés de l’année. Notre formule : chaque année, on demande à chacun de nos collaborateurs de dresser une liste de leurs cinq albums préférés. On regroupe ça ensemble, ça donne notre top.

Bien sûr, avec une telle formule, il y a des laissés pour compte. Des albums qu’on aurait nommés si un de nos membres avait juste fait *son* top 20, d’autres qui ne se seraient pas retrouvés dans nos listes. On aurait pu aisément ajouter Alexandra Stréliski, Jérôme 50 ou Victime, qui se sont vraiment démarqués chacun de leur côté. Et ça, c’est juste au Québec, imaginez si on s’était vraiment attardé à tout ce qui est sorti partout dans le monde!

Bon. Trève de justification, voici nos vingt albums préférés de 2018 (en ordre alphabétique, parce qu’on est plates de même) :

Alaclair Ensemble – « Le sens des paroles »

Gabriel Tremblay : La gang de minces a visé dans le mile cette année avec « Le sens des paroles ». Sans contredit, le microsillon des Bas-Canadiens se hissera dans le top des palmarès du rap québécois. Une production signée Vlooper où l’apport chanté de Claude Bégin est nettement plus présent. Avec des touches soul comme 436-yéyé gospel edit ou Refined Moments, Alaclair emprunte des avenues rarement explorées par le passé. Depuis « Les maigres blancs d’Amérique du Noir »« Le sens des paroles » est la galette des post-rigodoneux qui comble parfaitement ma faim quotidienne en rap québ.

Anatole – « Testament »

Charline Clavier : L’année 2018 signe la mort et le renaissance de notre Anatole. La libération de l’enchainé et du déchainé aura eu raison d’un album empreint de nouvelles expérimentations, avec toujours ce synthétiseur planant et sa voix qu’on pourrait reconnaître entre mille. Alexandre Martel s’est libéré d’un Anatole qui pour moi, est un savant mélange entre un Gainsbarre de fin de soirée et une diva endimanchée d’un costume de paillettes. Merveilleux mix pour un album lancinant et décapant.

Marie-Ève Fortier : J’ai tellement écouté cet album que je ne sais plus comment le décrire! Anatole a peaufiné le son de ses synthétiseurs, leur ajoutant de nouvelles saveurs à la fois vintage et visionnaires. Le new wave, le disco, la soul sont autant de cordes que l’artiste ajoute à son arc avec « Testament », élargissant ainsi l’éventail des possibilités pour venir percuter et posséder un éventuel spectateur. En format disque, ça donne une expérience intense et entraînante. (Marie-Ève Fortier)

Loïc April – « Loïc April »

Gabriel Tremblay : Agréablement surpris par sa prestation à la dernière édition de Santa Teresa, Loïc April a conquis mon coeur de mélomane. Le triste nostalgique de Malajube en moi a été subjugué en mai dernier. Toutefois, son album homonyme est loin d’être une pâle copie de Malajube malgré les fortes inspirations. Court mais efficace, l’opus d’un peu moins de trente minutes est un agréable coup de pelle dans le visage. Parfois, on a besoin d’un peu de shoegaze/punk-rock dans nos oreilles pour se défouler et cet album est parfait pour l’exercice. Lorsqu’April combine défoulement et refrains accrocheurs, on obtient mon coup de coeur, Fais de ma tête ton jouet.

Arctic Monkeys – « Tranquility Base Hotel & Casino »

Charline Clavier : Toujours au rendez-vous et jamais déçue, j’attendais avec impatience le nouveau projet des Arctic Monkeys. « Tranquility Base Hotel & Casino » est une oeuvre plus difficile d’approche à la première écoute que les précédentes galettes du groupe, et pourtant une douce essence émane de ses onze titres. Entre une voix plus feutrée de Turner, une composition cette fois-ci au piano et une nouvelle référence lounge, cet album restera une pièce à garder avec soi, longtemps, à réécouter encore et encore.

Beak> – « >>> »

Julien Baby-Cormier : À l’international, plusieurs parutions ont attiré mon attention (dont des excellents disques pour Arctic Monkeys, Father John Misty et Courtney Barnett), mais s’il n’y en avait qu’un seul à présenter à notre lectorat, ce serait l’album « >>> » du groupe anglais Beak>. Beak> est un trio formé entre autre par Geoff Barrow, un des cerveaux derrière le groupe culte Portishead. Plusieurs chansons sont instrumentales, d’autres sont chantées par des vocaux souvent noyés dans le reverb. Les chansons sont souvent enregistrées en direct avec un ajout très limité d’overdubs. On se retrouve avec des pièces endiablées, légèrement schizophrèniques en quelque part entre le krautrock et le post-punk. Cette offrande est leur troisième parution et possiblement la plus aboutie. À découvrir…

Jean-Michel Blais – « Dans ma main »

Julien Baby-Cormier : Ce palmarès très rock aura sa dose de néoclassique, un style qui gagne en popularité ces dernières années. Si Alexandra Strélinski a attiré l’attention avec son excellent disque Inscape cet automne, Jean-Michel Blais a présenté une oeuvre foisonnante et ancrée dans le 21e siècle un peu plus tôt cette année. Les influences sont nombreuses et assumées, mais Blais réussit à transcender celles-ci pour offrir quelque chose de cohérent et de personnel. On reconnait le style du pianiste et il réussit encore à créer un univers intime, tout en ajoutant une couche de modernité avec des éléments électroniques bien dosés. C’est en concert que ces éléments prenaient parfois un peu trop de place, mais on ne pourra pas reprocher à l’artiste de ne pas démocratiser (dans le bon sens du terme) un genre qui peut sembler impénétrable pour les néophytes. Une belle histoire qui, espérons-le, se poursuivra pour le sympathique Mauricien.

Molly Burch – « First Flower »

Marie-Ève Fortier : Découvert à Austin, cet album est d’une beauté épurée. Doucement enveloppée de lignes de guitare simples et de rythmes entre jazz et tropiques, la voix de Molly Burch chante avec souplesse et expressivité les nuances de gris des amours et amitiés contemporaines. C’est une petite douceur de l’écouter chaque fois, qu’il accompagne vos rêveries ou qu’il vous aide à chasser les pensées maussades.

Choses Sauvages – « Choses Sauvages »

Marie-Ève Fortier : J’attendais cet album depuis très longtemps, et je n’ai pas été déçue par la formation montréalaise. Parfois langoureuses, d’autres fois dansantes ou même agressives, toutes les pièces de Choses Sauvages sont confectionnées avec soin pour atteindre un équilibre entre le groove sale du funk, le mystère des années 1980 et la volupté du rock psychédélique.

Camaromance – « Chasing Clouds »

Jacques Boivin : Comment se fait-il que cet album magnifique de Camaromance (née Martine Groulx) soit passé sous le radar de presque tout le monde? Pourtant, c’est pas la beauté, ni la qualité de l’exécution qui font défaut, bien au contraire! Un album résolument personnel, où une Groulx à fleur de peau raconte ses histoires à travers les vies des gens qu’elle a croisées. Tout ça sur des mélodies douces et accrocheuses, qui nous font nous bercer la tête doucement, les yeux pleins d’eau. Gros kick sur Martine, une pièce écrite sur mesure par un Francis Faubert qui gratte la gale comme seul lui sait le faire. De l’émotion pure.

Helena Deland – « From the Series of Songs « Altogether Unaccompanied » » vol. I-II et III-IV

Charline Clavier : Découverte en première partie des Barr Brothers cet hiver, Helena a su captiver mon attention dès ses premières minutes sur scène. Une force apaisante, voilà ce qui frappe à son écoute. Avec une suite de EP en 2018, dotés pour chacun d’une couleur musicale sensiblement différente, Helena est une des artistes conceptuelles à suivre selon moi, et de proche!

Fuudge – « Les matricides »

Jacques Boivin : Une tonne de briques en plein visage. Voilà ce qu’on a l’impression d’avoir reçu après une écoute du premier album complet de Fuudge. « Les matricides », c’est un peu plus d’une demi-heure de stoner grunge psychédélique bien écrit, mais surtout exécuté à la perfection. Si, à la première écoute, on a tendance à négliger les paroles pour se concentrer sur la pesanteur dont savent faire preuve David Bujold et sa bande, au fil du temps, on découvre un esprit un brin tordu qui nous fait découvrir un univers pas toujours beau, pas toujours propre, et surtout, pas toujours sain. Le reste prend ensuite tout son sens. Beaucoup plus subtil que les étiquettes qu’on a tendance à lui attribuer, « Les matricides » est une oeuvre que devrait sans aucun problème passer le test du temps. Un vrai de vrai grower.

Les Hôtesses d’Hilaire – « Viens avec moi »

Jacques Boivin : En 2018, à l’époque des EP de quatre pièces qui ne font même pas 20 minutes, ça prend du guts en maudit pour sortir un album double de 80 minutes. Ça en prend encore plus pour sortir un opéra rock qu’il faut écouter du début à la fin pour vraiment apprécier. Sur « Viens avec moi », Les Hôtesses d’Hilaire ont relevé un défi colossal. Un défi à la hauteur de leur talent. Sur des textes lucides, caustiques et souvent remplis d’autodérision, on a droit au meilleur du rock acadien (on a presque envie de dire canadien). Du rock qui râtisse large et dépasse les limites psychédéliques à l’intérieur desquelles les Hôtesses refusent de se cantonner. Imaginez The Wall, en plus planant (et joyeux, quand même, Serge Brideau a un esprit JOYEUSEMENT tordu). Avec une histoire aussi actuelle qu’intemporelle. Une réussite totale qui ne sera dépassée que par le spectacle du même nom.

Marie-Ève Fortier : Il faut oser, aujourd’hui, pour produire un opéra rock de la trempe de « Viens avec moi ». À la fois musicalement solide et captivant, c’est aussi un album auquel on s’attache. On rit en s’imaginant le sourire de Serge quand il chante Pousser ma note, on est amers avec lui sur Le calvaire de Serge. On post notre shit avec complicité, on plane sur Microdosing. Une belle réussite qui doit être tout un bijou en spectacle!

Lydia Képinski – « Premier juin »

Jacques Boivin : « Premier juin », c’est tout simplement tout ce qu’on pouvait espérer de Lydia Képinski la première fois qu’on l’a croisée, assise seule sur le bord de la scène avec un ukélélé au Cabaret Festif! de la relève en 2016. Sur une musique qui se promène un peu partout sur le spectre pop-rock, on reste accroché aux lèvres de Képi la littéraire, l’amoureuse des mots qui aime autant les cajoler que les torturer, impose sa ligne rythmique grâce à une utilisation plus que judicieuse des accents toniques et fait rougir d’envie le Grand Druide des synonymes avec la richesse de son vocabulaire. Sur le plan de la musique, Lydia a fait du maudit bon boulot, et on sent çà et là le petit coup de pouce du réalisateur/deuxième regard Blaise Borboën-Léonard. Chaque chanson a sa personnalité qui lui est propre, un rythme et une mélodie qui vont main dans la main avec les mots livrés par la jeune auteure-compositrice-interprète. On se déhanche sur Maïa et Sur la mélamine, on a le coeur serré sur Belmont et Les Balançoires, on a envie de prendre Lydia dans ses bras chaque fois qu’on entend Pie IX. Un travail d’orfèvre qui illumine la scène musicale québécoise de ses faisceaux.

Charline Clavier : Le premier album de Lydia n’est pas simplement une suite de chansons superbement orchestrées, c’est aussi un projet de conception graphique et audiovisuel très abouti. L’écriture des textes témoigne d’une grande minutie et de références attachantes, tout comme la composition musicale. Premier juin accapare mes playlist depuis le début de l’été, sans me tanner pour autant.

Kids See Ghosts – « Kids See Ghosts »

Gabriel Tremblay : Véritable traité de paix entre Kanye West et Kid Cudi, Kids See Ghosts est définitivement l’innovation de l’année dans l’univers hip-hop américain. La réunion offerte par les deux géants du rap sort de l’ordinaire autant musicalement que lyricalement. KSG traverse une mer électronique agressante, des flows déconstruits, et une multitude de samples rock. Une pièce marquante comme Reborn(qui joue constamment dans mes écouteurs) résume parfaitement le retour en force des deux complices.

Hubert Lenoir – « Darlène »

Jacques Boivin : OK, on pourrait consacrer une pleine page à la surcouverture médiatique du personnage. On pourrait parler pendant des heures des réactions parfois gênantes sur les réseaux sociaux. Pourtant, tout ce qu’il faut retenir est ici, dans cet album brillant conçu comme un opéra postmoderne sur l’émancipation et la liberté. Les textes sont simples, mais redoutablement efficaces. Musicalement, c’est un joyeux mélange de toutes sortes d’influences très marquées en pop, en rock et en jazz, tout ça dans un esprit un brin punk qui sied bien au jeune Courvillois. Il faut l’admettre, on a passé l’année à l’écouter, et on ne s’en tanne pas. Pas même de Fille de personne II.

Gabriel Tremblay : Oh « Darlène », l’amour à la première écoute! L’année 2018 a marqué la métamorphose d’Hubert Chiasson en Hubert Lenoir. Une transformation qui a tellement fait couler d’encre qu’on a presque oublié l’essentiel, la musique. « Darlène » est audacieuse, accessible et regorge de vers d’oreilles. Selon moi (et plusieurs autres), la proposition intemporelle de notre baron bandit favori ne fera que vieillir comme le vin, pour des décennies à venir.

Les Louanges – « La nuit est une panthère »

Marie-Ève Fortier : Comment passer à côté de cet album au groove à la fois novateur et irrésistible? Vincent Roberge nous y transporte avec son flow bien à lui. À travers ses histoires plus ou moins métaphoriques, plus ou moins explicites, il fait bien le portrait d’une génération désabusée mais libre. Et le tout sur des mélodies électro-vintage aux confluents du jazz, du RnB et du Hip-Hop.

Milk & Bone – « Deception Bay »

Gabriel Tremblay : Après « Little Mourning » (que j’avais adoré), Camille Poliquin et Laurence Lafond-Beaulne ont placé la barre à une hauteur vertigineuse. Résultat, j’ai plongé tête première à travers « Deception Bay ». Encore aujourd’hui, dix mois après la parution de l’album, l’envie de chanter le titre homonyme avec le poing sur la cage thoracique me prend à chaque écoute. Que dire de FadedNevermoreBBLUE, ou KIDSqui ne sont rien de moins que succulentes! Décidément, la guigne du deuxième album n’a pas frappé chez les deux Montréalaises.

Ponctuation – « Mon herbier du monde entier »

Julien Baby-Cormier : Album estival par excellence s’il en est un, Mon herbier du monde entier se veut plus varié dans ses sonorités. Du côté des paroles, Guillaume Chiasson à une poésie intéressante, au-dessus de la moyenne des compatriotes oeuvrant dans le même style. Le son des guitares possède un je-ne-sais-quoi qui rend cet album fort agréable à écouter. Le travail de concision et l’efficacité certaine des mélodies en font le meilleur album proposé par ce groupe originaire de Québec.

Suuns – « Felt »

Julien Baby-Cormier : Le fameux vocoder semble vraiment attirer bien des artistes à un stade ou l’autre de leur carrière. Je ne suis personnellement pas un amateur de ce que l’outil apporte, mais je dois dire que son utilisation nouvelle sur une partie de ce quatrième disque de Suuns n’est pas inintéressante. C’est un album un peu plus lumineux (dans les standards assez oppressants de Suuns) et certaines pièces comme Look No FurtherControl et Baseline comptent parmi les meilleures de leur discographie. Voilà un album qui est passé sous le radar mais qui vaut la peine d’être écouté à plusieurs reprises pour bien l’intégrer.

zouz – « EP2 »

Julien Baby-Cormier : Il y a eu plusieurs excellents EP cette année (on pense entre autre à Feu de forêt d’Antoine Corriveau, Helena Deland ou les Dear Criminals), mais dans mon cas, aucun n’a fait mousser les attentes d’un prochain disque autant que ce EP2 du trio montréalais zouz. Voix distortionnées, riffs de guitare incendiaires aux accents blues, vaste originalité dans les rythmes et les sonorités; avec deux ou trois chansons supplémentaires, on se retrouvait avec le meilleur album rock de l’année (bon… il y a aussi les Hôtesses, Fuudge et Ponctuation, mais c’était pour vous convaincre que cette parution valait le détour). Si vous n’aviez qu’une chanson à écouter, allez-y avec Saint-Fortunat… une bombe!

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