Chroniques d’Austin – no.2 : août

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Un mois plus tard, dans le Sud Ouest. Les jours sont encore trop chauds pour moi, mais les nuits sont douces et invitent à l’aventure. Entre le divertissement des cours de yoga ou des soirées swing et le goût savoureux des tacos tout droit sortis des food trucks environnants, le mois d’août m’a fait don d’une poignée de découvertes musicales.

Scène locale 

J’ai eu l’occasion d’assister au spectacle de Rattlesnake Milk le 15 août dernier, dans le cadre d’une série d’évènements estivaux intitulés Sound and Cinema. Le concept était bien simple : chaque mercredi, on invitait un groupe à jouer devant le Long Center for the Performing Arts au coucher du soleil, puis on projetait un film. Inusité, vous trouvez? Austin regorge de propositions beaucoup plus étranges, telles que le Goat Yoga (le but étant de faire du yoga en compagnie de bébés chèvres) ou encore le Chicken Shit Bingo (je vous laisse deviner ce que c’est). Bref, je m’égare…

Rattlesnake Milk jouait tout juste avant la projection de O Brother, Where Art Thou, un film calqué sur l’Odyssée d’Homère et qui raconte l’évasion de prisonniers du Mississippi. L’alliage n’aurait pu être plus approprié : précédant un film dont la bande sonore offre une rétrospective de la musique américaine (worksongs, gospel, blues, country, folk, bluegrass), le punk-rock-and-roll du groupe était lui-même imprégné de cet héritage.

Chemises carreautées, lunettes fumées et cheveux lissés vers l’arrière – à la manière des greasers des années 60 – les musiciens ont rapidement installé une atmosphère évoquant la chaleur suffocante du désert : lignes de guitare aguicheuses, mélodies plaintives et jeu vocal déjanté (où les cris d’animaux côtoient les histoires de déboires) s’enrubannaient dans un beau bouquet country et blues. Enfin, c’est ce que je me disais, jusqu’à ce que…

50 nuances de country

Si j’ai bien pu découvrir une chose sur le country depuis mon arrivée à Austin, c’est que ce terme est on ne peut plus galvaudé. Au dire des Texans, il est si facile de distinguer le bluegrass, le western, le desert rock, le rockabilly, le blues, le hillbilly et le country! Pour moi, ce n’est pourtant pas toujours une mince affaire. Dès lors que la voix est nasillarde, que la batterie est cahoteuse, que le banjo et la slide guitar sont présents, je crie au country sur tous les toits. Et pourtant, je ne cesse de me faire reprendre par les locaux : « Ah Marie-Eve, this is not country, this is more like western music ! » Eh bien, il faut croire que j’en ai encore beaucoup à apprendre dans ce domaine, et je risque de vous en faire profiter.

J’ai d’ailleurs déjà commencé mon instruction musicale lors d’un heureux séjour dans la back house d’une famille locale. Pendant deux semaines, en attendant que mon appartement se libère, ils ont mis à ma disposition lit à étage, hamac et table tournante accompagnée d’une collection saugrenue de disques à prédominance country. Une fois passé mon trip country-disco chrétien (Amy Grant, ma foi, tu m’as offert tout un divertissement), j’ai pu me concentrer sur les excellents albums de Townes Van Zandt. Une belle entrée en matière, le country pur et dur de cet auteur-compositeur-interprète texan des années 1960 et 1970 s’est enraciné dans la culture américaine et se fait encore sentir jusque dans les riffs de Rattlesnake Milk. J’ai donc pu retracer avec assurance la généalogie country de leur musique (dans vos dents, les Texans pointilleux), même si je concède que ce genre offre une variété de nuances que je n’aurais jamais devinée auparavant. À suivre.

Tout droit vers le 13e étage

Changeons drastiquement de direction. Loin des contrées où résonne le banjo, dans les recoins sombres du bar le Mohawk, j’ai aussi frotté mes oreilles au psychédélisme de Black Moth Super Rainbow. Originaire de Pittsburgh, le groupe était de passage à Austin le 14 août dernier pour présenter sa musique électronique expérimentale. Camouflés derrière leurs projections 3D, leur panoplie d’effets « rétrofuturistes » et leur vocodeur, les musiciens élaboraient de planantes ambiances dont l’aspect répétitif et accrocheur avait quelque chose de transcendantal.

Au son de cette musique enveloppante – qui n’avait rien du rock, mais qui avait tout du psychédélique – de véritables marées de spectateurs se balançaient les yeux fermés ou célébraient leur amour de la musique, bière à la main. Je ne pourrais vous dire s’ils parlaient ou s’ils « fermaient leurs gueules », car le son des multiples enceintes aurait pu enterrer à peu près n’importe quoi.

Le groupe était-il si populaire qu’il ait pu remplir à craquer ce bar à deux étages – terrasse comprise – un mardi soir? Possible. Il faut aussi dire que l’histoire d’amour entre la musique psychédélique et la ville d’Austin remonte à loin. Considérée par certains comme le berceau de ce style, la capitale texane a notamment vu naître le mythique groupe 13th Floor Elevators, qui fut le premier à utiliser le terme « psychédélique » afin de décrire sa musique. Inutile de vous dire que j’ai hâte de découvrir les enfants de cette branche de la scène locale qui, je l’espère, seront un peu plus énergiques et insolites que les BMSR.

Irrémédiablement vôtre,

Marie-Ève Fortier

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