Enfants Sauvages – Photo : Maxime Beaulieu

L’opéra-punk délectablement ambitieux d’Enfants sauvages

16 juin 2025

Jacques Boivin

Maxime Beaulieu

Vendredi 6 juin 2025. Il fait beau, le centre-ville de Québec est vivant, les jeunes sont sur leur 31 pour aller veiller sur St-Joseph. Les touristes s’arrêtent devant toutes les vitrines, les locaux marchant à toute vapeur. Un vendredi de printemps bien normal pour St-Roch, quoi.

Pourtant, y’a quelque chose de spécial dans l’air. Une rue plus au nord, une petite foule commence à s’agglutiner devant l’entrée de l’école de musique Arquemuse, qui occupe la partie « chapelle » de La Nef. Et c’est exactement là qu’on s’en va passer la soirée (pas devant l’entrée, là…).

On entre. Drette à l’accueil, y’a deux « profs d’éduc » qui s’occupent de la table de merch pendant que Stéphanie Coconut nous accueille le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Tout au long de l’escalier qui nous mène dans la salle, y’a des photos souvenirs de la troupe (le band et toute l’équipe autour de la réalisation du projet). Y’en a des vieilles qui ont dû être numérisées à partir de négatifs là-dedans, mais y’en a aussi des toutes jeunes qui ont dû être imprimées à partir d’un JPG! Comme si on voulait nous préparer au côté multigénérationnel de ce (bad)trip.

À notre arrivée en haut, on doit absolument se faire « tirer aux cartes » avant d’aller plus loin. Une fois que c’est fait (j’ai tiré « Interlude », j’pense que même les cartes me rappellent que j’ai besoin d’un bon break), on entre dans la salle. Déjà, le dispositif scénique est un peu étouffant : des échafaudages couverts de bâches elles-mêmes couvertes de graffitis pas toujours de bon goût. On nous invite à passer au confessionnal, question de révéler nos pires secrets (qui ne pourront pas être pires que ce qu’on va se faire balancer en pleine gueule un peu plus tard). On nous invite aussi à prendre une « photo souvenir », une mug shot sur laquelle tout le monde sourit bien trop. Je joue le jeu, je sors ma face de dude qui vient de se faire pogner la main dans l’plat de bonbons. Parlant de bonbons, y’a Mona Pillow qui distribue les bouchons pour les oreilles comme si c’étaient des canapés (vous allez en avoir besoin, gang!).

Je disais donc que le dispositif scénique était un peu étouffant, ce qui contrastait pas mal avec la musique qui jouait en background. Me vlà en train de traduire les paroles d’Hungry Like the Wolf de Duran Duran entouré de punks qui devaient avoir pas mal moins de posters de Duran Duran dans leur chambre que moi. Je regarde la crowd : c’est pas jeune, jeune, y’a du vécu icitte, mais ça sent le monde qui a besoin de péter 2-3 gaskets solide.

The Babalooneys monte sur la petite scène pour nous jouer une toune. Puis deux. Puis trois. Ça commence à être plus long que toutes les scènes de resto dans Pulp Fiction, ça, là. Du gros surf non annoncé pour une première partie qui s’étire. J’ai mal aux gen… AH PIS FUCK NON FUCK YOU PATRICK LAGACÉ CALICE ON A DU FUN AVEC LES PREMIÈRES PARTIES!

Techniquement, on est supposé s’être bien étiré en bougeant chaque muscle de notre corps. J’espère qu’on a bien profité de l’occasion, parce que dès que la bande de bum.mes en cagoule apparaît sous une des structures en métal pour nous bûcher ça, les plaisirs innocents, c’est TAR-MI-NÉ. Place au malaise, place à la douleur, place à la splendeur du laid.

Y’a Noay, Mona et Audrey qui jouent, pour commencer chacun des tableaux, lisant des textes qui viennent tout droit de la tête de Rox. Un moment clé, question de mieux comprendre chacune des tempêtes qui vont suivre. Deux ou trois générations plus loin, la voix de Lucien (Francoeur), qui brille comme une boule disco avec sa poésie qui n’aura jamais été aussi simple et efficace. Et y’a Roxann (Arcand), qui est là, triomphante, au sommet, juste avant de retomber dans les bas-fonds. Doc te shredde ça avec l’énergie d’une déchiqueteuse industrielle sur un rapport incriminant. Burger Max et Etienne AV t’assomment avec leurs DEUX couches de basses. Nic-en-Chest est précis comme un métronome tout en dirigeant le trafic.

Ça part sur les chapeaux de roues. Le monde qui s’était massé devant la scène comprend assez rapidement qu’il s’est fait avoir et qu’il va passer le reste du show loin de l’action. Anyway, ne vous en faites pas, on se promène d’un tableau à l’autre, pis à moins d’être collé sur celui-ci (ici une chambre, là une salle de bains – avec la baignoire), on ne voit pas grand chose. C’est pas grave, ça ajoute au malaise qui nous envahit depuis le début.

Genre… on est témoins d’une tragédie. On sait qu’elle se passe sous nos yeux, on l’entend, mais on ne la voit pas très bien. On sent chacune des blessures qui s’ajoutent aux précédentes, on sent bien l’étau qui se resserre pendant que notre héroïne se bat comme une diablesse dans l’eau bénite pour être libre, mais on reste là, passif, confortable malgré le malaise qui nous envahit de plus en plus.

C’est là qu’on se rend compte que Rox et Nathalie Côté (avec l’aide de Tania B. Lacasse pour monter tout ça) ont bien pensé à leur affaire du côté de la scénographie. Faire un maximum avec trois fois rien, tout en DIY. C’est fucking réussi.

L’idée du récit multigénérationnel aussi, elle est réussie. Lucien, dont les poèmes ressemblent à autant de derniers souffles, qui rendent le tout encore plus grand que ça le serait déjà. Les jeunes qui jouent avec fougue toutes les nuances de la douleur, de la peine… tellement que chaque petite joie se ressent comme une coupe Stanley. Le band qui te met ça dans une musique lourde, violente, une série de cocktails molotov qui mettent le feu à tout ce qui ne va pas. Pis y’a Rox.

En pleine possession de ses moyens. Sublime dans tout ce chaos. Au-dessus de la mêlée. Partout, elle trouvait le moyen de dépasser tout le monde d’une tête ou deux, les flashlights braqués sur elle (une autre bonne idée de la scéno, ces lampes de poche qui faisaient office de projecteurs). Viscérale. Entière. Libre plus que jamais. La vlà en train de jeter ses tripes au sol pendant que les paillettes revolent partout. Un exercice sans doute cathartique pour l’artiste, mais ça l’est plus que clairement pour ben du monde dans la salle!

En plus de tout ça, y’a eu des voyages en baignoire, des batailles d’oreillers, des lancers de Jos Louis et plein d’autres folies qui se sont déroulées pendant cette heure et demie beaucoup trop chargée d’émotions pour tenir le compte complet de tout ce qui s’est passé.

Par contre, j’ai retenu une leçon importante. Avant la mort, il y a la vie. Il y a celle que les gens privilégiés vivent pleinement, mais il y a aussi celle que d’autres se font enlever, un petit bout à la fois, avant de ne plus avoir que la mort et des boutons d’acné à péter.

Je me demandais pourquoi on n’avait prévu qu’une seule représentation de cet opéra punk. Après tout, Les Hôtesses d’Hilaire ont fait une tournée avec « Viens avec moi », Starmania en est rendu à sa 493e mouture, alors pourquoi Enfants Sauvages ne pourrait-il pas présenter « Avant la mort » un peu partout?

J’vais vous le dire pourquoi : parce que toutes les fois qui vont suivre, ça ne sera pas aussi cathartique. Ça ne sera pas aussi viscéral. Ça ne sera pas aussi urgent. Même avec plus de budget, même avec plus de moyens, même avec le luxe de créer des plateaux que tout le monde dans la salle pourrait apprécier, quelle que soit sa place. Cet opéra punk, c’était pas juste un événement, c’était surtout un cri du coeur, une ode à la liberté chantée tellement fort!

Fallait être là.

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