Bon, ça y est, Lou-Adriane Cassidy nous fait le coup du « Kid A / Amnesiac » à la sauce Québ! À peine trois mois et six jours après la sortie de l’incroyable « Journal d’un loup-garou », la voilà qui rapplique illico avec « Triste animal ». Bon, OK, le parallèle est peut-être un peu tiré par les cheveux, ce quatrième album totalement différent du précédent n’est pas constitué de « restants » qui ne fittaient pas… Au contraire, il est une réaction, une poussée de créativité apparue à la fin de l’enregistrement du « Journal… » où Lou-Adriane avait un besoin pressant de se laisser un peu aller après avoir passé deux ans à peaufiner son joyau.
Le résultat est cette offrande sortie sans crier gare, enregistrée live en quatre jours sur des bandes magnétiques, toute la bande en même temps. S’il n’a pas la cohésion de son prédécesseur, « Triste animal » nous offre quelques-unes des plus belles chansons du répertoire de l’autrice-compositrice-interprète. Magnifique trip de chanteuse (et de choristes – Odile Marmet-Rochefort, Lysandre Ménard et Ariane Roy sont tout simplement sublimes), cette collection de huit pièces toutes aussi différentes les unes les autres nous permet d’apprécier les nombreuses voix de Lou, qui semble s’amuser comme une folle du début à la fin.
Toujours entourée de son band de rêve (Alexandre Martel à la basse – et à la réalisation, Thierry Larose à la guitare, Vincent Gagnon aux claviers et au piano et PE Beaudoin à la batterie), Lou-Adriane nous fait visiter de nombreux espaces sonores, de la pop BCBG à la samba. Toujours avec une assurance qui surprend (alors qu’on ne devrait tellement plus l’être).
Stéphane Lafleur, qui avait déjà offert à Lou la pièce Le corps en mouvement sur « … vous dit bonsoir », nous remet ça ici avec Tout le monde danse autour, une autre belle p’tite ballade comme Lafleur en écrit si bien, avec une poésie qui frappe autant dans ses textes – que Lou chante comme si elle les avait écrits – que dans la musique. Mais il y a aussi On n’arrête pas, avec sa grosse touche pop-rock fin seventies qui rappelle les Fleetwood Mac. Ici, Lou-Adriane se métamorphose en Stevie Nicks, sa voix est hal-lu-ci-nante, et cette pièce se retrouve déjà très haut dans ma liste de ses meilleures chansons!
Bon, c’est beau les beaux cadeaux de Lafleur, mais Lou-Adriane n’a vraiment pas à rougir des six autres chansons qu’elle a écrites avec Alexandre Martel (et Lysandre sur Les hirondelles) et composées elle-même. Elles sont toutes excellentes à leur manière, même si certaines sortent déjà du lot après deux ou trois écoutes : Jamais tout à fait est irrésistible, autant dans sa poésie que dans ses tournures très jazz feutré. Si vous entendez Lou chanter Adieu, tenez-vous près d’une boîte de mouchoirs. Vous allez en avoir besoin. Et je ne peux pas ne pas parler de Valse frustrée avec son p’tit côté grunge, son texte livré avec fougue et puissance, tel un troubadour en tabarnak (ou Martha Wainwright).
Bon, tout ça est livré à chaud avec seulement quelques écoutes derrière la cravate, mais pendant que joue Les hirondelles en background, une finale toute en douceur… et en lucidité, je dois admettre que « Triste animal » est une surprise totale. Pas juste dans l’annonce de sa sortie à quelques heures de préavis, mais aussi dans tout ce qu’on nous offre dans ces huit chansons malgré leur relatif dépouillement. Lou-Adriane reste fidèle à elle-même en faisant de la maudite belle chanson, mais chacun des morceaux montre un côté d’elle qu’on lui connaissait un peu moins (ou pas du tout). On savait qu’elle avait toute une voix, mais elle a presque toujours fait preuve de retenue, sauf si c’était nécessaire de pousser la note dans ses derniers retranchements. Ici, c’est tout le contraire, elle se permet de tout faire, de jouer avec ses cordes vocales comme si c’était de la pâte à modeler, appuyée par le plus beau trio de choristes qui soit et un band capable de la suivre partout.
Tout ça, sans aucune prétention.
Allez écouter ça. Et ne comparez pas les deux albums de la cuvée 2025 tout de suite. Pour le moment, contentez-vous d’apprécier les maudites belles chansons que Lou-Adriane Cassidy nous a offertes. On gardera les comparaisons pour les « tier lists » dans quelques années!