Pendant que le reste de ma bande allait se faire brasser la cage avec Les Breastfeeders, je me suis plutôt tourné vers le Grand théâtre de Québec, qui présentait le spectacle Héritières. Ce projet 100 % féminin mené par Karine Pion (Galaxie, Belle et Bum) nous avait déjà donné un magnifique disque, et un film est également prévu. Mais pour le moment, concentrons-nous sur le spectacle que j’ai eu le privilège de voir le 12 avril dernier.
Ça faisait un petit bout que j’avais vu un show sur la scène de la salle Louis-Fréchette, là où l’immense salle sert de toile de fond. Ça vous donne une idée de la grandeur de cette scène : quelques centaines de spectateurs y étaient assis, et là, devant nous, 19 artistes vont nous chanter et jouer ça en même temps.

Avant même de commencer, Karine Pion vient nous présenter ce projet que d’aucuns qualifient d’ambitieux. Une idée un peu folle, mais dans laquelle toutes ces femmes de tous âges et de toutes origines ont plongé sans hésiter. Loin de la fresque historique à laquelle on aurait pu s’attendre, il s’agit plutôt d’un grand mouvement d’introspection, autant pour celles qui foulent les planches que pour celleux, bien assis sur leurs chaises, qui assistent au spectacles.
Pendant qu’on joue des dialogues mère-fille entre les artistes et leurs familles, tout le monde monte sur scène, comme une procession, et vient s’installer autour d’un micro. Ça commence doux, y’a beaucoup de soul, les émotions sont palpables.

Tour à tour, entre les chansons, on entend des discussions de chacune des artistes, avec leur mère, grand-mère ou… fille. Ou des témoignages. Y’a parfois un peu d’humour (comme quand Lisa Iwanycki parle de la soupe de sa grand-mère, ou comme quand Soleil Launière fait chanter la sienne), y’a énormément d’émotions (la batteuse Mili Hong qui lit un poème de sa mère en coréen… on comprend pas un maudit mot, mais maudit qu’on comprend l’intention), mais surtout, il y a des témoignages qui nous montrent à quel point les liens mère-fille sont forts et permettent de retransmettre le savoir, mais aussi les blessures et… l’espoir d’un monde meilleur qui évolue (pas assez vite).

Si chacune a son moment sous les projecteurs, c’est ensemble que les 19 femmes (Mereyem Saci, Marie-Christine Depestre, Soleil Launière, Simone Bournival, Lana Tomlin, Josiane Bell, Marie-Josée Frigon, Kim Richardson, Karen Young, Coral Egan, Mamselle Ruiz, Vanessa Marcoux, Shonna Angers, Lisa Iwanycki Moore, Gaële, Malika Tirolien, Erika Angell, Karine Pion, Mili Hong et Blanche Baillargeon) brillent, leurs voix puissantes et variées et leurs instruments nous font vibrer. La mise en scène d’Émilie Laforet est d’une grande sobriété, mais elle demeure ordonnée (pas le choix avec tout ce trafic). Et surtout, Karine Pion mène l’ensemble avec assurance et fierté tout en se donnant le même rôle que les 18 autres femmes, ni plus ni moins.
En tentant de mieux saisir les legs qui se passent entre femmes au fil des générations, Pion en livre elle-même un gros à toutes les femmes. Un message d’unité et de résilience qui résonne très fort, qui marque les esprits et qui rassemble.
