Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu de nouvelles de Catherine Leduc. Huit ans se sont écoulés depuis la sortie de l’excellent « Un bras de distance avec le soleil ». Maintenant indépendante à 100 %, l’autrice-compositrice-interprète a tout simplement pris le temps de bien faire les choses. Après tout, on ne fait pas de bijoux comme les siens à la course!
« Les jours où il neige à tous les postes », le troisième album de Leduc paru il y quelques jours, brille encore plus fort que les deux précédents. Accompagnée de son fidèle partenaire Matthieu Beaumont à la réalisation et aux arrangements, l’artiste nous plonge dans son univers où tout se passe au ralenti, où le temps passe juste assez lentement pour qu’on puisse le rattraper sans trop courir.
Cet opus de seulement sept chansons demeure généreux, chacune durant tout près de cinq minutes en moyenne, ce qui nous permet d’apprécier pleinement toutes les subtilités de chaque morceau. Et Dieu sait qu’il y en a, des subtilités! Ce n’est pas l’album le plus verbeux de Leduc (comme diraient nos collègues du Canal Auditif), mais il y a tellement de petites pépites musicales ici et là qu’on y revient encore et encore pour en découvrir de nouvelles.
Les fans de la première heure ne seront pas déroutés. On reste dans la dream pop juste assez teintée de psychédélisme, où les lignes mélodiques ont ce petit côté « vintage » tout en étant résolument ancrées dans notre quotidien. La basse bat un peu partout comme un cœur bien vivant, comme si on voulait nous montrer que vivre lentement, ça peut aussi vouloir dire vivre pleinement. Les claviers éthérés enveloppent doucement l’espace sans jamais prendre toute la place. Les guitares se font discrètes. La batterie suit la basse (et vice versa) et marque le rythme. Un rythme lent, qui prend son temps, comme l’autrice-compositrice.
Ça nous met dans le mood pour apprécier les magnifiques textes de Leduc, probablement ses plus raffinés jusqu’à maintenant. Catherine parle de vie et de mort (difficile de faire autrement avec Quand la seule arme qui nous reste est de ne mourir jamais et Tu meurs sans arrêt), de résilience, du temps qui passe. Avec une concision qui contraste avec la richesse des mélodies et des arrangements. C’est diablement efficace, chaque mot, savamment pesé, pèse lourd.
Difficile de trouver une pièce qui se démarque dans le lot, tellement elles sont toutes bonnes. Mais si je devais en choisir une seule, je pense que je prendrais Les raisons embaument la défaite, un monument de plus de sept minutes où les différents mouvements s’enchaînent de manière toute transparente.
à la bouture de toutes mes peurs
dans la gorge de la noirceur
je t’ai attendu trop longtemps
tu n’es juste pas venu à temps.
À une époque où tout doit être fait rapidement, où les saveurs du mois se succèdent à toutes les semaines, « Les jours où il neige à tous les postes » est un vent de fraîcheur. Il montre qu’il reste de la place pour les œuvres préparées avec soin, celles pour lesquelles on arrête tout pour pouvoir en profiter pleinement. C’est pas une vidéo d’une minute sur TikTok, mais plutôt un vieux bouquin ramassé dans un croque-livre qu’on dévore assis au soleil sur un banc de parc pendant que la neige finit de fondre un peu partout.
Une bordée de beau doux.