La musique d’Alphonse Bisaillon est à la fois poétique et réelle. Quand on l’écoute, on se sent proche de lui, comme s’il racontait une histoire devant ses amis. En spectacle, cette ambiance est intensifiée et la foule a autant d’importance pour sa musique que les musiciens qui l’accompagnent sur scène. C’était comme ça au Théâtre Petit-Champlain, le 7 février, là où la diversité de son p’tit répertoire était présentée, ainsi que quelques reprises surprenantes.
On pourrait dire qu’Alphonse Bisaillon est un auteur-compositeur-interprète classique de nature, un homme de grands mots qui chante derrière son piano. En même temps, il joue avec les genres et il ajoute un côté théâtral. Par exemple, le spectacle a commencé par Station balnéaire, une chanson qui est nostalgique, romantique et avec une augmentation de drame ludique. Sur la scène, il utilise la fin pour crier fort et pour libérer l’angoisse cachée dans son corps.
Solitude, et Laurine créaient des moments introspectifs et calmes, alors que d’autres chansons l’avaient amené à se tenir debout sur son tabouret ou à courir parmi la foule (vu que c’était le Théâtre Petit Champlain, les gens étaient assis la plupart du temps, donc un détour entre les tables était nécessaire). Une nouvelle chanson, intitulée L’avenir, était un éclat d’électro et il a même fait une reprise de Skrillex, ses deux chanteuses (Sarah Lévesque et Kelo Chauvin) portaient des lunettes de soleil comme si elles étaient à un rave. Cette ambiance s’est poursuivie avec l’énergétique Tout est accessoire.
Dans l’univers d’Alphonse Bisaillon, il parle la langue de la musique. Les paroles coulent délicieusement et leur sens est intelligent et léger. Sur scène, ses deux chanteuses, qui communiquent souvent sous forme de da-dams et d’oooaaahhs, sont comme une exagération de cette idée, comme si ce qui sortait de leurs bouches étaient les « mots » qu’Alphonse entendait autour de lui. « Faque, c’est quoi ton plan? » demande-t-il dans Blouse blanche. « dam, » répondent-elles, pis ça continue comme ça: « Ok/ (da-da-dam)/ Mmh mmh…/ (da-da-dam)/ An-han!/ (da-da-dam)/ Ok let’s go ». On a donc l’impression, qu’il soit à son clavier, debout, ou qu’il parle au public, que la scène est vraiment sa zone de confort. « Parfois, ça aide d’être en crisse, » a-t-il expliqué avant de commencer la chanson. Bien que les paroles soient mélancoliques et douloureuses, le son est ben ben ensoleillé.
Du début jusqu’à la fin du spectacle, Alphonse Bisaillon a posé des questions à la foule, comme, simplement, « avez-vous des questions? » et « quel est votre plus grand rêve? » Parfois, il riait des choses qu’il venait de dire, amusé par la randomness de son cerveau. Ce lien avec les gens a créé une proximité qui convenait bien à la vibe du Théâtre Petit Champlain. Après avoir joué un extrait d’Alphonse de Lynda Lemay, il a expliqué le concept du diss track, un genre de chanson trouvé dans la musique rap qui est créée comme une réponse pour montrer que « cette personne est ben plus poche ». Il a donc présenté un numéro humoristique intitulé Lynda.
La soirée s’est terminée par Pour aimer, la balade douce qui incite toujours la participation du public. Mais ça n’aurait pas été une vraie conclusion sans plus de niaiseries et le fait de faire la fête. Pour le rappel, il a interprété Vivant de Miguel Michel, ft. Ced Auger, Les cinq doigts de la main de défense urbaine (Mixmania) et Vie de bum de Sir Pathétik mélangé avec Blue (da ba di da be da) d’Eiffel 65. À ce moment-là, tout le monde était débout pour danser, quelque chose qu’Alphonse encourageait tout au long du spectacle.
En somme, Alphonse Bisaillon n’a sorti qu’un mini-album (en 2022), mais il est tellement à l’aise avec un micro, un clavier et une foule qu’on a l’impression qu’il fait cette profession depuis des années. Ayant remporté le Prix Mouffe (une célébration de la langue française sous forme de chanson) l’année dernière, on ne s’attend à rien de moins que de la musique remplie de créativité et de poésie à l’avenir.
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