On est en pleine saison des festivals, mais une fois de temps en temps, il y a un spectacle en salle qu’on ne peut absolument pas manquer. C’était le lancement de la tournée avec Guhn Twei, SCARE et Saints Martyrs dans la Vieille Capitale, trois groupes lourds et puissants pour bien se décrasser les oreilles. Ça se passait au Centre Hub Créatif le 25 juillet dernier.
Guhn Twei
Ça fait du bien voir autant de monde pour un band qui est cancellé dans sa propre ville parce qu’il ose parler d’une usine qui tue tout le monde -Simon Turcotte, chanteur
Guhn Twei a fait couler beaucoup d’encre dans les derniers mois. Le groupe rouynorandien a été retiré d’un festival d’Abitibi-Témiscamingue, celui-ci a finalement été complètement annulé, en raison de ses propos dénonçant la Fonderie Horne et la compagnie Glencore. Le premier album du groupe s’appelle tout de même « Glencorruption », reste que dans cette histoire, j’ai l’impression que la majorité appuyait la formation plutôt que de défendre la décision de l’organisation du festival. Cette tournée de trois dates en compagnie de SCARE et Saints Martyrs, avant d’en faire six autres avec d’autres groupes, se veut la tournée de lancement du plus récent opus de Guhn Twei, « Capitale de l’arsenic ». Avec des titres comme Brûler des banques ou Hymne à la guillotine,on peut facilement deviner les propos de la formation.
Le chanteur et bassiste Simon Turcotte doit jouer assis, en raison de l’amputation d’une jambe à la suite de cinq cancers, ça ne l’empêche vraiment pas d’être dynamique dans sa performance tout en criant de façon émotive les paroles. Il est accompagné de David Alisich-Bérubé à la batterie et Jeanne Perrin à la guitare. Le trio metal aux accents hardcore nous offre une performance percutante, dénonciatrice et revendicatrice tout en étant empreinte de reconnaissance face à la foule présente. À première vue, on dirait que près de la moitié du public fait partie d’un groupe oeuvrant dans la scène punk, métal ou hardcore de Québec, comme quoi il y réside une énorme solidarité dans ce milieu. C’est avec Parasites, une de mes préférées du premier album, que la prestation se termine de façon assez percutante. C’était la première fois que je voyais le groupe qui s’est tapé neuf heures de route pour être ici, j’ai été bien impressionné. Si j’aime beaucoup le nouvel album, une fois en concert ça devient encore plus puissant. Parce que bien au-delà de la controverse, Guhn Twei est d’abord et avant tout un excellent groupe qui mérite vraiment de se faire entendre.
SCARE
On entre dans une nouvelle ère pour SCARE, la moitié du groupe a changé depuis son dernier spectacle. Jonathan John (basse) et Xavier Laprade (batterie) faisaient leur baptême de SCARE pour compléter le quatuor formé avec Phil « No Fun » (voix et salopette) et Gabrielle « Yodayodhell » (guitare). La formation est décrite comme « musique fâchée pour gens anxieux » et il faut croire qu’il y avait un grand rassemblement de gens anxieux sur la Côte d’Abraham ce soir-là. Dès les premières notes, le brasse-camarade a commencé dans la petite salle, ça se poussait joyeusement, comme il n’y a pas de scène, le moshpit se mélangeait un peu au groupe. Fidèle à son habitude, « No Fun » se promène partout dans la salle pour crier, grimpant même sur le bar, salissant le plafond au passage.
C’est une nouvelle ère pour les membres qui forment le groupe mais également au niveau du matériel présenté. En effet, la majorité du set était composé de nouvelles pièces qui apparaîtront sur un futur album qui devrait voir le jour vers la fin de l’année. Toujours un hardcore teinté de crust-punk bien dans ta face, sans trop s’éloigner du son des projets précédents, ça semble une évolution naturelle. J’ai toujours eu une admiration envers Gabrielle, elle est capable de jouer pratiquement tous les styles : punk (Taxi Girls), metal (Anéantix), folk-yodel (Margaret Tracteur). Mais depuis que je l’ai vue en tant que house band au dernier GAMIQ où elle réinterprétait les chansons des gagnant.es de la soirée en compagnie des Faucheuses Fauchées, disons que je la considère vraiment comme une musicienne hautement sous-estimée au Québec, elle est clairement une excellente guitariste. Les deux nouvelles recrues ont très bien tiré leur épingle du jeu. Ne pas avoir été au courant, ça aurait été dur de deviner que c’était le premier spectacle de ces deux-là avec le groupe. On a également eu une apparition surprise de l’ancien bassiste Nate qui est venu nous crier quelques back vocals. Malgré le nouvel album à venir, Phil ne semblait pas trop sûr que ça valait la peine de continuer le groupe, peut-être avait-il une certaine fatigue de porter ce projet à bout de bras. Le public présent et la réponse de celui-ci lui ont prouvé qu’énormément de gens aimaient SCARE et qu’ils et elles voulaient toujours voir le quatuor en show. Ce fut un beau rassemblement de bum.mes anxieux.euses en ce jeudi soir.
Saints Martyrs
On le sait, les spectacles de Saints Martyrs (de marde) ne sont pas de tout repos. Le groupe post-art-punk défie les limites de ce qu’un concert devrait être. On est d’abord invité à un vol rempli de turbulences par le chanteur Frère Foutre (Mathieu Bédard) sous sa fidèle lumière de buffet chinois rouge. Cette promesse de turbulences se fait sentir dès le début alors que Frère Foutre et le guitariste Souffrance (Sébastien Delorme) viennent se mêler aux moshpits, rendant flou les limites entre le groupe et le public. Outre ces deux personnages, le groupe peut compter sur deux nouveaux membres depuis la dernière fois qu’on a vu Saints Martyrs en spectacle. Matricule C-51 (Daniel Hains-Côté) est de retour derrière les tambours après sept ans à l’écart des Martyrs, tandis que derrière les claviers, on retrouve Simon Paradis-Dionne qui remplace temporairement Anonymous Bosch pour cette série de spectacles.
À quelques exceptions près, les chansons jouées proviennent de l’album « Mythologie de dernier recours » qui date de novembre 2022. Parmi celles-ci on retrouve Chien de garde, le premier single de l’opus, qui est une collaboration avec un certain Keith Kouna et la maman punk Rox Arcand. Cette dernière est présente pour chanter sa partie, mais surtout pour jouer le jeu de la performance qui dépasse un simple spectacle de musique, le chanteur et la chanteuse se sont retrouvés entremêlés par les fils des micros. Peu de temps après l’apparition de la leader d’Enfants Sauvages, notre capitaine Frère Foutre a enlevé sa soutane, révélant un harnais qui laisserait bien des amateurs et amatrices de BDSM vert.es de jalousie. Ce n’est pas parce que le chanteur s’est dévêtit que le spectacle allait ralentir, le bruit tonitruant de la guitare continue de résonner, appuyé par les coups de tambours tels des coups de fouets avec des lignes de synth-basse qui nous traversent le corps. Mais toute bonne chose a une fin, et cette fin s’est produite avec le chanteur et le guitariste couchés par terre devant le public ébahi, les deux musiciens ont ensuite rampé à travers la foule pour aller se réfugier dans la loge, suivi des deux autres membres, alors que la guitare continue de résonner à travers le Centre. Encore une fois, une prestation qui dépasse les attentes pour ce groupe phare de la scène post-punk.
Vous aurez compris que c’était toute une soirée au Centre: Hub Créatif. Du criage, des moshpits, de la dénonciation, de la vulnérabilité, du brasse camarade, de l’escalade et surtout du gros fun. Quelle excellente alliance pour cette courte tournée entre Guhn Twei, SCARE et Saints Martyrs. J’ai réellement considéré retourner voir le spectacle du samedi à Montréal tellement ce sont trois groupes que j’apprécie.