Calamine, une des artistes les plus pertinentes du rap game des dernières années, lançait son nouvel album « Décroissance Personnelle » le 26 avril dernier au Pantoum. Déjà en soi, ça aurait été un spectacle réussi, mais on pouvait en plus compter sur le merveilleux projet électro-pop Super Plage en ouverture pour démarrer l’événement en force. Résumé d’une soirée fièrement queer, woke et festive.
Super Plage
Super Plage, le projet électro-pop de Julien Henry-Leblanc, multiplie les éloges et commentaires positifs à son égard, je n’avais cependant pas eu la chance de voir la magie opérer sur scène encore. Le leader apparaît d’abord seul devant le public, bière à la main, pour mettre la foule dedans, bien que celle-ci était visiblement déjà gagnée d’avance. Pour accompagner le producteur on a deux artistes déjà bien reconnu.es pour leurs propres projets, soit Shaun Pouliot (Nectar Palace) à la guitare et Virginie Bédard (Virginie B) à la voix et claviers. Je vais en faire mention brièvement, sinon mon rédacteur en chef va me rappeler que ce n’est pas son show à elle, mais Virgine B est complètement incroyable, elle anime la foule à elle-même grâce à son charisme percutant, sa voix est d’une justesse envoûtante et ses mouvements sont du bonbon pour le photographe en moi! Revenons à Super Plage, les bangers se succèdent les uns après les autres, le party est pogné dès la première toune et ça ne se calmera pas de sitôt. Entre deux morceaux dansants, Julien prend le temps de rendre hommage au Pantoum en mentionnant les difficultés financières de la salle. C’est visiblement un enjeu qui vient toucher toutes les actrices et acteurs de la scène musicale québécoise alors que le producteur rappelle l’importance d’avoir ce genre de lieux de diffusion et de création pour garder la culture en santé. Après une ode au Pantoum on y va d’une ode à la saison des festivals qui approche, au grand plaisirs de tous.tes. Vraiment une performance qui a tout pour plaire et à laquelle on ne peut se retenir de danser. C’est facile de comprendre le succès grandissant du projet qui n’a pas fini de faire tourner les têtes.
Calamine
« Décroissance Personnelle » est le troisième long-jeu de Calamine, suivant « Boulette Proof » en 2020 et « Lesbienne Woke Sur L’Autotune » en 2022. Après ce dernier opus, la rappeuse a connu un certain succès d’estime faisant le tour des festivals du Québec. Ce sont vêtues de chandails ou dossards haute visibilité que Calamine et son band s’installent sur la scène du Pantoum devant un arrière-plan en diva cups. J’ai vu la rappeuse en formule solo, duo et trio par le passé, cette fois-ci on est plutôt en quatuor avec Valérie Lachance-Guillemette au saxophone, Kèthe Magané à la guitare ainsi que Arthur Evenard aux claviers. Ces trois musicien.nes ajoutent tellement à la performance, ça nous permet d’apprécier davantage les beats de l’album. On ne perd pas de temps pour se lancer avec Un Seize, une courte pièce d’une minute où la rappeuse nous démontre toutes ses habilités lyriques sur un gros instru boom bap à l’ancienne. On enchaîne ensuite avec plusieurs pièces du nouvel album. Julie Gagnon, de son vrai nom, est originaire de Québec, pour introduire la chanson La 34 elle nous offre donc une comparaison entre l’autobus d’Hochelaga et la 93 à Sainte-Foy, deux bus qui jouissent d’une réputation peu reluisante face à leur fiabilité. Évidemment tous.tes se questionnent sur les habillements du quatuor, ça ne prend pas beaucoup de temps avant qu’on en découvre les raisons. C’est que le 26 avril c’est la journée de la visibilité lesbienne, et bien il n’y a pas de doute, il n’y a aucune absence de visibilité sur scène. « Bonne fête des lesbos » lance d’ailleurs la rappeuse.
Si l’artiste était bien connue de son public cible, elle s’est cependant fait connaître d’un bien plus large auditoire avec sa présence au dernier gala de l’ADISQ alors qu’elle a récolté les foudres de la polémiste Sophie Durocher, ce qui a semblé bien amuser la lesbienne woke auto-proclamée. Évidemment elle s’en donne à coeur joie, mentionnant que c’est pratiquement une consécration personnelle que d’avoir Durocher qui tente de la canceller. Elle lance aussi une pointe au public du podcast Rap Politik qui a démontré la misogynie crasse dans le hip-hop. En effet, après la présence de Calamine à ce podcast elle a reçu énormément de commentaires comme quoi elle devrait quitter le rap si elle n’aime pas ça la misogynie, ça ne vole pas très haut disons. Elle a d’ailleurs une chanson à propos du rap game Québécois intitulée Ce game-là où elle mentionne, entre autres, qu’elle préfère rester indépendante que de « faire du cash à des monsieurs à l’air clim’ ».
On a également droit à la présence de la rappeuse locale Sensei H qui apparaît sur Le Secret de Jeunesse, un merveilleux moment entre les deux artistes féminines. Une majorité des chansons proviennent du nouvel album mais on a tout de même l’occasion d’entendre quelques classiques, dont évidemment Lesbienne woke sur l’autotune qui est chantée avec fierté par la crowd majoritairement queer. Tout comme Julien en première partie, Julie nous lance un cri du cœur afin de garder en vie l’institution qu’est le Pantoum. Depuis ce spectacle, le Pantoum a d’ailleurs lancé une campagne de sociofinancement. En faisant un tour rapide des donatrices et donateurs on y voit bon nombre de musicien.nes ayant déjà foulé les planches de la salle de Saint-Sauveur, comme quoi c’est vraiment une cause importante pour la culture québécoise.
C’est vraiment une célébration woke et queer qui a eu lieu cette soirée-là en basse-ville. On est, heureusement, loin des clichés traditionnels du rap queb, alors que tous.tes ont le droit d’exister en toute fierté. Notons d’ailleurs la présence d’une table du collectif militant Brasse-Ville au lieu de la table de marchandise habituelle. Le party a bien commencé avec Super Plage et s’est terminée de merveilleuse façon avec Calamine qui nous donne le goût de faire une révolution intersectionnelle.
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