« Est-ce que je suis le seul à vouloir l’infini? »
Ce sont les premiers mots de la pièce-titre du nouvel album d’Élégie. « Romantisme » que ça s’appelle, et Lawrence Villeneuve, Alex Corriveau et Maxence Girard y ont vraiment mis toute la gomme.
Sur ce premier gros album sur un gros label (Simone Records) du groupe de Québec, on a droit à une grosse surprise : de la fuckin’ maturité. C’est que nos petits crottés préférés ont vieilli depuis la sortie de « Nuances de pourpre ». Pas assez pour perdre cette énergie qui pourrait alimenter l’État de Nouillorque en électricité cet hiver, mais suffisamment pour qu’un néophyte ne remarque pas leur côté juvénile drette en partant.
Ils se sont même trouvé une étiquette plus précise que le post-wave/new-punk auquel ils nous avaient habitués : yep, Élégie fait du « punk de chambre », et ça leur colle à la peau comme un catsuit en latex pas lubrifié.
La pièce titre, donc. Elle est déroutante, celle-là. Grosse toune qui se démarque du reste par son beat plus mollo (et régulier), ses arrangements riches, et son énergie bien canalisée. Par son propos aussi, sa quête de l’absolu. « Faire ce qu’on veut, pas ce qu’on ose », chante Villeneuve. Sérieux, ça va en prendre plus, des tounes de même, à l’avenir.
« L’automne se termine et on se donne la chance de faire mieux »
Le côté punk du trio n’est jamais bien loin, comme en témoignent Dédé, Confettis et TDP. C’est du punk doux, du punk amoureux, du punk qui roucoule comme un pigeon devant une miette de pain au cimetière St. Andrews.
Les textes de Villeneuve ont pris du galon, sérieux. Ça a beau être VOLONTAIREMENT naïf (c’est ça, le romantisme, folks), chaque pièce a sa petite perle un brin rentre-dedans, chaque mot a son image, et si j’avais 20 ans et que je voulais impressionner mes partenaires potentiel.les, je prendrais des notes en titi.
« Et la vie dure, mais la vie est dure »
Rues d’alcove est une maudite belle pièce power-pop plus pop que power. Un morceau plein de doux où Villeneuve va se faire enterrer par des dizaines de voies aiguës en show, un long hymne fédérateur, une invitation à baisser la garde qui fait du bien. Et y’a ces charmants choeurs avec Hubert Chiasson, le p’tit gars des Seasons, qui se laisse pas pire aller ici.
Dernière fois est du même acabit. Résolument pop, romantique sans complexes avec un refrain qui te rentre dans la tête.
« On danse mais personne connaît les mouvements »
Personne, c’est du Malajube avec des textes qui tombent sous le sens. Les riffs graffignent autant que les mélodies sont sucrées, c’est un morceau irrésistible aux nombreux contrastes. D’ailleurs, c’est un truc qu’on remarque au fil de l’album : la surimposition des différentes textures est particulièrement réussie, y’a rien de superflu, toutes les pièces du puzzle fittent ensemble. Faut croire qu’à la coréalisation, Antoine Boily-Duguay a su donner juste assez de lousse à ses chums tout en sachant les arrêter quand ils voulaient trop en mettre.
Il reste encore quelques perles sur ce généreux album (en 2023, 36 minutes, c’est généreux). Fait en sorte a cette vulnérabilité que Villeneuve sait afficher avec… assurance. Amours modèles serait parfaite sur le gros stage d’un festival punk paritaire.
« Le sang a coulé de ta poitrine / Et tu laisses une traînée rouge sur tes pas / Ils me guideront vers toi »
Et y’a Le sang, cette pièce qui termine l’album de façon plutôt violente avec ses plaies, son coup de feu, son couvre-feu, sa balle dans le coeur, les mots qui atteignent leur cible, mais malgré tout ça, y’a l’espoir du sang qui laisse une trace vers l’autre et qu’on va peut-être retrouver. Ou pas.
Sérieux, j’aimerais avoir la naïveté de ce trio. Cette jeunesse qui transpire de partout, cette quête du grand A (absolu? amour?) sur une musique qui permet de s’éclater, de faire sortir le méchant. Pour faire entrer le beau.
« Romantisme » n’est que le début d’une longue histoire d’amour pour ce groupe qui a bûché sans relâche. Ce qu’on savait à Québec depuis longtemps, le monde entier va le découvrir : ce groupe-là, c’est du bonbon.