Malaimé Soleil – « Tempête »

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Le groupe estrio-montérégien Malaimé Soleil lance aujourd’hui son tout premier album complet. Bien nommé « Tempête », cet effort du quatuor gagnant du prix du jury au Cabaret Festif 2022 propose huit pièces qui râtissent très large dans les vastes contrées du rock tout en gardant un solide fil conducteur qui nous pousse à tout écouter du début à la fin à plusieurs reprises.

La formation composée de Francis Leclerc (voix, guitare), Vincent Deit (guitare, piano, synthétiseur), Antoine St-Onge (basse, synthétiseur) et Alexandre Crépeau (batterie, percussions) a fait tout un travail d’orfèvre avec ce petit bijou. Bon, avec un perfectionniste comme David Marchand derrière la console pour tirer le meilleur du quatuor, fallait s’y attendre. Chacune des pièces a été travaillée avec soin, qu’elles soient dépouillées ou somptueuses.

Ça commence assez légèrement avec Pansement et Coin-Coin, qui me rappellent un peu R.E.M. à ses débuts. La première est un p’tit rock entraînant à saveur pop, où les nombreuses répétitions sonnent comme des clous sur lesquels Francis Leclerc tape sans relâche. C’est qu’il ne gaspille pas ses cartouches, notre ami Francis, préférant insister sur chacun des mots plutôt que d’en sortir une tonne d’autres. Et puis y’a le groove indéniable de la basse de St-Onge, la batterie métronomique de Crépeau, et les jeux de guitare et de claviers de Deit qui nous font planer en tapant du pied, surtout à la fin. De son côté, Coin-Coin est plutôt ludique avec ses refrains en falsetto et son beat qui donne le goût de sautiller tout en jouant du tambourin.

Et puis y’a la douce Mots, downtempo, un peu planante, où Leclerc se permet quelques envolées lyriques plutôt surprenantes. Les mots, l’anxiété de l’attente, les notifications qui font capoter sur le iPad qu’on n’ose plus consulter, tout ça nous est raconté tout en douceur, avec une certaine désinvolture. Tout le contraire de Démons, la pièce où le fun commence VRAIMENT sur cet album sans temps mort.

Un méchant bon rock qui prend le temps de s’installer. Un autre texte rempli d’images, beaucoup plus complexe qu’il en a l’air à première vue, une mélodie efficace sur laquelle on hoche la tête jusqu’à ce que Leclerc nous parle de tempête. Quand celle-là arrive, on est soufflé par un mur sonore qui ressemble drôlement à un cri de guerre avant de partir à la chasse aux démons sur une longue finale instrumentale. Particulièrement réussi, dirais-je.

Porte-Clé, c’est une belle réhabilitation des cha-la-la qu’on n’était plus capables d’entendre il y a 7-8 ans. Un autre morceau léger et ludique, mais savourez-le, parce que la suite fait très très mal.

Monotonie, c’est la chanson que tu rêves d’écrire quand tu rêves d’écrire des chansons. C’est tout, sauf monotone (OK, c’est monotone, mais monotone le fun). Leclerc sort sa voix la plus lancinante et récite « Le vide ne m’apprend plus rien, j’ai fait le tour de l’ennui au moins dix fois. Le blanc de mes murs ressemble aux blancs de mémoire qui gâchent tout à toutes les fois. Haut risque de noyade dans la monotonie. » Tout ça sur une instrumentation en haute voltige, aérienne mais accessible, qui rend l’ennui un peu plus vivable.

Je vous avertis, vous n’êtes pas prêt.es pour Pluie acide. Ici, le groupe sort son plus gros grunge : couplets plutôt calmes entrecoupés de moments d’une grande intensité, soli de guitares qui arrachent, batterie aussi lourde qu’une froide averse d’automne, on a l’impression de marcher sur un fil de fer après avoir un peu trop tiré sur le bong.

Sur Minable, c’est plutôt le contraire : c’est le dépouillement qui nous force à nous accrocher aux textes pas pire dramatiques de ce morceau. Oui, y’a les effets sonores et la voix de Charlotte Brousseau qui viennent ajouter un peu d’air à une pièce d’une grande tristesse, mais on se concentre sur la souffrance que Leclerc chante, pis on vous avoue qu’on le feel un peu.

« Tempête », c’est un ouragan qui nous transporte à travers les observations de Leclerc que le groupe a savamment mises en musique. C’est l’expression de sentiments qui viennent nous chercher, qu’ils soient chantés ou joués. C’est un album où, contrairement à la tendance actuelle voulant que les pièces se raccourcissent, les artistes prennent le temps de raconter leurs histoires, que ce soit par la poésie ou par la musique. Toutes les pièces, sauf deux, durent plus de quatre minutes. Plusieurs ont deux parties assez distinctes où la fin ne ressemble pas du tout au début. Ça va permettre aux personnes moins attentives de suivre jusqu’au bout tout en laissant la chance à celleux qui aiment passer plus de deux minutes dans un univers donné d’en profiter au maximum.

Ce premier album de Malaimé Soleil est bien de son temps dans son propos tout en étant musicalement intemporel. Le genre de galette qui va bien vieillir et qu’on va réécouter avec bonheur dans une dizaine d’années. Tout ce qu’on peut souhaiter, c’est qu’il se rende à un maximum de paires d’oreilles bien tendues.

On vous le dit sincèrement, vous allez passer les meilleures 35 minutes de votre mois de septembre en écoutant cet album qui va se ramasser dans quelques tops de fin d’année.

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