Jeudi 20 juillet
D’entrée de jeu, mes attentes étaient grande pour cette 14e édition du Festif! de Baie-Saint-Paul. Une des programmations les plus fortes des dernières années. Les rumeurs d’orages tout au long de la fin de semaine étaient mieux de se disperser. La journée du jeudi débutait l’évènement de façon convaincante puisqu’il s’agissait pour moi de la journée des premières fois. Fan depuis tant d’années de Philippe B, Dumas et Daniel Bélanger, je n’avais toujours pas eu la chance de les voir en spectacle. C’est ce qui s’appelle une journée bucket list bien efficace!
Philippe B
En ouverture du festival, venu présenter son album « Nouvelle Administration », Philippe B semblait dans une grande forme. Loin d’avoir essoufflé ses sonorités indie folk toujours aussi actuelles, ce nouvel opus n’a certainement pas à rougir devant les classiques « Variations Fantômes » ou encore l’album éponyme de 2005. Et c’est d’ailleurs à tous ses albums que Philippe s’est attaqué, en formule tabouret et guitares, pour ce retour sur la scène du Festif après quatre ans d’absence. Accompagné des impeccables Ariane Bisson McLernon et Marie Claudel, et présentant des arrangements renouvelés d’anciens titres, notamment la mémorable California Girl, l’auteur-compositeur-interprète a également pris plaisir à mettre en contexte chacune de ses nouvelles chansons. Ces interactions, d’une grande authenticité, ainsi que l’interprétation de cette poésie narrative émouvante, m’ont poussé à comparer son talent de conteur à d’autres grands comme Michel Rivard et Richard Desjardins. Je me suis surpris à avoir les yeux mouillés à plusieurs moments. C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai quitté le Parc de la Virevolte prêt pour une fin de semaine de tous les possibles.
Me dirigeant vers le parvis pour un premier moment de rafraichissement, je croise plusieurs ami.es se rendant au spectacle surprise de Socalled. Voilà exactement ce qu’est le Festif : être capable de changer de plan sur un dix cents pour vivre le moment présent. Allez, en quelques secondes, on danse sur les classiques Richi et autres titres funk aux accents klezmer. Petit réchauffement bien apprécié en vue de Dumas!
Dumas
Que dire de Dumas, à part qu’il vieillit si bien. En fin de tournée pour le vingtième anniversaire de l’album « Le Cours Des Jours », je ne pouvais mieux tomber pour le voir en spectacle pour la première fois. Classique indémodable, cet album a sans équivoque inscrit certaines bases de l’indie pop francophone au Québec. Prestation solide et énergique d’un bout à l’autre, on ne peut se lasser de la panoplie de hits que Dumas a pu créer au fil des ans. Parce que, l’air de rien, autour de moi, les gens semblaient surpris de reconnaitre, à la file, presque chacune des chansons. Le Cours des Jours, Vénus, J’erre, Je ne sais pas, Linoléum tout ça seulement de l’album fêté mais aussi, Nébuleuse, Alors Alors, Le Bonheur, sans oublier Miss Ecstasy pour terminer en force. Dumas a décidé de faire bouger le public sans compromis pour ce spectacle dansant. Encore une fois, la nostalgie d’une époque plutôt lointaine mais remise au goût du jour, Dumas étant un artiste qui sait encore se renouveler après toutes ces années.
Daniel Bélanger
Une autre grande pointure qui n’a pas à faire ses preuves depuis longtemps venait fermer cette première soirée à la grande scène de la place Desjardins : Daniel Bélanger. La foule, vendue d’avance, l’attendait de pied ferme, lui qui avait performé au Festif pour la dernière fois en 2018. Son dernier album, « Mercure en Mai », marque un retour à des sonorités se rapprochant des premiers albums et je soupçonne que cette tournure était voulue pour se permettre de les mixer en spectacle. La preuve, à part la superbe, il y a tant à faire tiré de l’album « Paloma », il s’est cantonné, pour notre plaisir, à ses trois premiers grands albums. Soleil Levant, J’entends tout ce qui joue (dans ta tête) et Dormir dans l’auto s’ajoutent à ces succès. Ce qui est impressionnant, c’est qu’à la liste longue de chansons exécutées et dont tout le monde connaît les paroles, il aurait pu ajouter une heure de spectacle. Le personnage timide et pince-sans-rire est toujours présent et le plaisir est encore au beau fixe. Quelle joie de le voir si ancré, toujours en voix et entouré de musiciens accomplis. Avec deux rappels, dont un retour acoustique de La folie en quatre, on ne pouvait pas rêver mieux!
Valaire
Tous de camisoles blanches vêtus, nos Misteur préférés ont encore une fois su faire lever le party. Valeur sûre pour terminer une première soirée en grand, Valaire est venu nous présenter un Jazz futon tout en néon. Avec des versions bien dansantes la fusion Valaire Jazz/Funk aux couleurs Qualité motel électro n’aura jamais été aussi franche. Dans un chapitea aux dimensions insuffisantes pour la foule insatiable de beats sensuels, nous avons même eu droit à quelques extraits de covers de classiques du funk. C’est fort, c’est intense, la chaleur de l’endroit se fait sentir jusqu’à l’extérieur. La soirée est loin d’être jeune et le festival aussi. Le désir d’aller voir la fin de la prestation des Lunatiques au garage du Curé juste à côté est très fort. Mais la vision de ce qui s’en vient dans les prochains jours me convainc de rentrer après une première journée plus que satisfaisante.
Vendredi 21 juillet
Kanen
C’est avec une grande fébrilité que Kanen nous est apparue avec ses musiciens sur la merveilleuse scène du Quai. Tout sourire, malgré quelques nuages insistants, elle nous a accueilli comme chez elle dans « Mitshuap », et quel accueil! Malgré quelques petites erreurs le temps de se réchauffer un peu, l’artiste innue vivant à Montréal s’est rapidement ancrée pour nous servir une prestation mature. Depuis son passage à Petite-Vallée et un album complet derrière le banjo, Kanen a su tirer profit de ces collaborations pour devenir plus précise. Son plaisir d’être sur scène se ressent à des milles et sa présence n’en est que décuplée, portant une voix encore plus juste et puissante. Au travers ses compositions indie folk, on passe par toutes sortes d’émotions. Elle engage réflexions sur certaines réalités autochtones sur Mitshuap, elle s’éclate littéralement sur Fuck That Shit, assume sa vulnérabilité sur Nimueshtaten nete ou s’émeut de son passé sur Grande Fille. Elle nomme, lors d’interventions timides mais efficaces, son besoin de plaire, sa peur des silences et la nostalgie qui la nourrit. Au final, nous avons droit à une âme remplie de beauté et qui offre, sans compromis, ce qu’elle a de plus authentique.
Rosie Valland
La matinée sur le Quai se poursuit avec Rosie Valland et sa première présence au Festif! Au-delà de la douceur qui se dégage de l’album « Emmanuelle », au premier abord, ce sont les synthétiseurs et les rythmes qui prennent le dessus dans ce contexte spectaculaire extérieur. Visiblement, certaines personnes venues relaxer apprécient moins la proposition et laissent leur place. L’énorme single Attiser le Dilemme arrive rapidement et bien sûr on ne peut que se laisser aller sur une pop aussi bien réglée. À mon avis l’album le plus abouti de Rosie Valland se dévoile avec minutie par des musiciens d’une belle complicité. Rosie nous balance sa reprise downtempo de Désenchantée de Mylène Farmer avec justesse, nous faisant remarquer au passage les paroles qui sont d’autant plus pertinentes aujourd’hui. Après avoir interprété la presque totalité de son dernier album, elle nous offre de redécouvrir Olympe tiré de son premier effort. Surpris par la finale de la superbe Ici-Bas, chantée avec le public, je me rends compte que je n’ai pas le temps de me rendre à Comment Debord pour apprécier leurs nouvelles compositions. C’est aussi ça le Festif! : Apprendre à lâcher prise rapidement.
Gab Bouchard
Ne soyons pas dupes! Gab Bouchard aurait pu ou aurait dû être sur la scène de la place Desjardins. Certainement la foule la plus dense que j’ai vue à la scène Microbrasserie Charlevoix. L’ampleur de la foule apportait une effervescence monstre avant même que le spectacle commence. Les rues et les terrains aux alentours étaient pleins, des gens se retrouvaient même sur les corniches des maisons avoisinantes. « The place to be » quoi! Gab Bouchard en spectacle, ce n’est plus une pop aux accents rock comme sur album. C’est une version boostée à l’attitude rock bien assumée, aux soli de guitares électriques qui « grafignes » (sic) et à la voix tout aussi grafignée (sick). On entend rapidement la diversité des styles musicaux qu’on retrouve dans le projet et la fluidité avec laquelle Gab et ses musiciens y naviguent. Le phénomène est bien réel à voir des gens chanter dans la rue comme s’ils se trouvaient au centre de la foule. Et l’attirail des deux premiers albums sont mis à profit pour s’assurer de faire lever à tous moments jusqu’au summum avec Tu m’connais trop bien!
Une Notification nous somme de se rendre plus loin sur la rue St-Jean baptiste pour un pop-up de Klô Pelgag. La foule s’y rue et quelques secondes plus tard, la petite scène nous dévoile une artiste seule avec son piano. Intimidée par la grosseur de la foule et amplifiée que par de petites caisses de son tournées vers elle, il était difficile d’entendre ce qu’elle nous mentionnait. J’aurais bien voulu apprécier ce moment à distance, mais après une seule chanson et une foule tout de même bruyante, rebrousser chemin me semblait la meilleure solution. Peu importe, c’est maintenant le temps d’aller manger un peu pour survivre à la suite de la soirée.
Backxwash
Les sorties de Backxwash sont plutôt rares en-dehors de Montréal et j’attendais ce moment avec impatience. Bien installé en première ligne, je sais ce qui nous attend, mais pas tout à fait non plus. Tout de même mon petit doigt me dit de me mettre des bouchons dans les oreilles. Aussitôt chose faite, les basses fréquences se mettent à brasser puissamment (le mot est faible) les speakers et tout le public. Stupeur autour de moi! La rappeuse Zambo-canadienne fait son apparition dans une robe ensanglantée et son maquillage désormais légendaire. D’entrée de jeu, avec un grand sourire cachant une certaine angoisse, elle nous avoue être malade et avoir un mal de gorge. Ce qui ne l’a pas empêché de tout donner pendant l’entièreté de la prestation et d’instaurer rapidement un moshpit costaud auquel elle voulait prendre part. Profitant de sa présence au festival pour présenter son dernier album « HIS HAPPINESS SHALL COME FIRST… », entre autres avec les titres MUZUNGU et VIBANDA, elle nous a fait le plaisir de jouer également des titres de ses albums précédents comme l’incroyable Black Magic. Il est évident que Backxwash avec son œuvre unique en a happé plusieurs qui visiblement découvraient son univers. Pour terminer la prestation, sous la folie qui a gagné la foule envers elle, Backxwash pris le temps de demander de remettre Devil In a Moshpit pour une deuxième fois au grand plaisir des headbangers toujours présents. Un des moments forts du Festival cette année.
Choses Sauvages
Les attentes étaient aussi très grandes pour cette prestation unique de Choses Sauvages au Pit à sable. Malheureusement, malgré une volonté de fer de la part de Félix Bélisle et des autres membres du groupe, il était difficile de faire fi des problèmes techniques. Après avoir attendu plus d’une heure que les autobus nous amènent sur place, l’équipe ne sachant pas trop si les problèmes seraient résolus, nous sommes enfin arrivés au fond de la carrière. Choses Sauvages ayant déjà commencé depuis quelques minutes, nous sommes accueillis devant une scène plus petite que les années précédentes. Rapidement on sent que les hautes fréquences ne sont pas équilibrées et des coupures de son se multiplient à mesure que le spectacle avance. Cela n’empêche pas le public d’embarquer dans la proposition funk et hyper dansante du groupe qui se démène pour compenser. D’une grande résilience, Félix nous lance un sage : Ce soir on fait avec ce qu’on a! Et ils ont fait! Filant les hits avec énergie il y avait de quoi se satisfaire. Chapeau les gars!