Lancement de Narcisse : la fin n’est pas près d’arriver!

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Parmi tous ces projets qu’on a vu poindre à Québec au fil des ans, rares sont ceux qui nous ont intrigué.e.s autant que Narcisse. Peut-être parce qu’on a vu son instigateur évoluer au même rythme que ce projet qui a atteint la finale des Francouvertes 2020 avec Valence et Ariane Roy.

Le 9 septembre dernier, l’album « La fin n’arrive jamais » est apparu sur les plateformes d’écoute. Ce premier effort est un travail de déconstruction colossal. Sur un fond musical un peu fourre-tout (mais saprément accrocheur) où la pop électro se mêle au funk, Pedneault fait subir aux idées préconçues de l’audit.eur.rice un bombardement qui ferait passer Pearl Harbor pour une visite de courtoisie. L’amour peut se vivre à plus que deux. Le genre est une construction sociale. C’est pas juste un album concept ou un album engagé, c’est une oeuvre didactique, un travail de sensibilisation qui nous invite à nous ouvrir l’esprit, à accepter que la réalité est bien plus complexe que ce qu’on essaie de nous faire croire depuis des millénaires.

Vous comprendrez donc qu’on avait de grosses attentes pour le spectacle de lancement, surtout que sur scène Jorie brille de mille feux! Et c’est avec ces attentes stratosphériques que je me suis dirigé vers La Charpente des Fauves le 30 septembre dernier parce que je savais que la mise en scène allait être à tomber sur le cul.

Après avoir contourné quelques cordons policiers qui n’avaient rien à voir avec le spectacle (une fuite de gaz quelques rues plus loin), me voilà dans la file d’attente, crinqué au max. Après quelques minutes, des guides mystérieux (Laïny Trozzo-Mounet, Lili Arsenault) nous invitent à entrer dans l’immeuble, où on peut voir diverses installations en attendant que la salle soit prête à nous accueillir. Une lente procession en quelques tableaux qui nous prépare au spectacle, un petit mot doux distribué sous un rideau transparent, des conversations enregistrées qui nous ramènent aux concepts élaborés sur l’album.

Une fois la salle principale de la Charpente bien remplie, une aura de mystère s’installe. Philip Després est là, au-dessus du décor (qui rappelle une chambre à coucher), et nous regarde fixement sans cligner des yeux. Gabriel Paquet (à ne pas confondre avec Gab, qui lui était dans la salle comme membre du public) s’installe devant sa toile et se met à peinturluter. Puis le band (Michaëll Lavoie à la basse, Frédérique-Anne Desmarais au saxophone et Daniel Hains-Côté à la batterie) débarque. Les premières notes de Pénélope se font entendre au sax et Jorie, vêtu d’un blanc pur et innocent, débarque.

Pendant près d’une heure, on chante, on danse (avec Després, Paquet, Danièle Darracq et Romane Picard), on se promène d’un plateau à l’autre (un lit a été installé à l’arrière de la salle, et un clavier a été installé sous une lampe très tamisée à côté de la scène), on vit avec Narcisse ses questionnements, ses frustrations, ses joies, ses peines, ses amours possibles et impossibles. Les images sont aussi fortes que les mots et les notes, et ça se bouscule dans nos têtes pendant que nos arrière-trains se laissent aller.

C’est la beauté de tout ce projet : tout est une occasion d’apprendre, de mettre en doute tout ce qu’on nous a enseigné sur le genre, le sexe, l’amour, ces choses fondamentales qu’on glisse sous le tapis dès que ce n’est pas hétéronormatif et monogame et qui fucke tant de gens depuis si longtemps. Chaque note, chaque dispositif scénique, chaque morceau de linge, chaque mouvement est calculé et ne vise pas tant à choquer qu’à sensibiliser.

Un spectacle de Narcisse, c’est un oeuvre d’art total, un mélange de divertissement coloré comme dans le temps des cabarets, de théâtre expérimental, de pop-rock déjanté et de poésie déconstructive. C’est surtout ce que vous, membres du public, en faites. Vous avez juste envie de danser sans fin? Vous êtes à la bonne place. Vous cherchez un espace plus sécuritaire où vous pouvez vous exprimer librement? Vous avez cogné à la bonne porte. Vous voulez être épaté.e par des artistes qui donnent leur 1 000 % sur scène? Faites comme chez vous.

Vous avez manqué le show? Vous voulez le revoir? Narcisse sera au Ministère à Montréal le 8 novembre prochain dans le cadre de Coup de coeur francophone.

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